dimanche 30 décembre 2012

Le 31 au soir

En cette veille du jour de l'An, mes parents reçoivent la famille Deschamps. On m'avait indiqué que les premiers arrivés étaient attendus vers dix-huit heures. Il est à peine plus de dix-sept heures, et déjà mes grands-parents, leur fils Jocelyn et son épouse Josée, mon oncle et ma tante, sont déjà arrivés. Je les entends qui parlent, au rez-de-chaussée.

Pressé par le temps, car du temps de qualité m'attend, je me ferai concis. L'année 2012 pourrait être qualifiée de millésime de qualité. Récapitulons:

À l'aube du deuxième anniversaire de mon arrivée au Japon, je continue à y faire mon nid et à m'y bâtir une vie. Sur le plan professionnel, mes perspectives d'emploi vont en s'améliorant. Je viens d'obtenir un visa de cinq ans, sans même nécessiter de compromis nuisant à ma qualité de vie. Je serai ainsi plus à même de me concentrer sur, et ceci est le volet le plus important, mon objectif à long terme, fixé en septembre dernier, devenir traducteur du japonais au français.

Dans le cadre de cet objectif au moins quinquennal, j'ai travaillé d'arrache-pied en vue du test national de compétences linguistiques, réalisé au début décembre. Sans égard au résultat, disponible à compter de février, l'effort soutenu pendant deux mois et demi a représenté une période d'autodiscipline à laquelle je n'étais jamais parvenu jusqu'à maintenant. Je suis impatient de poursuivre dans cette voie, avec comme objectif court le niveau suivant, N2, en juillet.

La soeur de ma mère, Joanne, et son mari Raymond viennent d'arriver. Je me vois ainsi contraint de stopper cette lancée, et de m'y remettre l'an prochain, autrement dit demain, au sujet de mes résolutions pour l'an 2013.

Bonne Année 2013 à tous!



samedi 29 décembre 2012

Plaisirs festifs


Découvrir une cabane dans le bois digne d'un manoir, belle façon de conclure 2012!

Je n'ai cessé non pas de courir, mais plutôt de glisser, depuis mon arrivée en ces contrées enneigées. Tant de choses à faire et d'êtres proches à voir, facile de négliger son blogue. J'explique, sans vouloir justifier, car il n'en revenait qu'à moi de me fouetter en cette fin d'année, pourtant elle-même théâtre d'une autodiscipline réussie comme jamais auparavant.

Dans la lignée des objectifs imposés début septembre, en contraste avec les années précédentes, j'ai su, en ces fêtes, modérer ma consommation d'alcool, au point même de m'en abstenir complètement dans le party chez les Pitre, ce qui m'a par défaut conféré le titre de conducteur désigné. Seul réveillé sur le chemin de retour à Trois-Rivières, en observant du coin de l'œil mon père sur le siège passager, et dans le miroir ma soeur et ma mère roupillant sur la banquette arrière, je me suis réjouis de cette responsabilité sur mes épaules, de la confiance de ma famille ainsi accordée.

J'ai également su maintenir un niveau adéquat d'activité physique, comme en témoigne notamment la photo ci-dessus. En plus de ces deux solides heures de raquettes (mes parents sont en meilleure forme que je le croyais, les trente dernières minutes ayant été particulièrement pénibles), j'ai pelleté avec vigueur, je me suis entraîné chez mon ami Charles à deux reprises, et j'ai fait de la planche presque tous les jours (exercice que je conseille à tous, pour sa simplicité et ses bienfaits), et dès maintenant, je vais patiner avec mes parents. Ils m'attendent depuis quelques moments déjà, alors sur ce se conclut le présent billet, qui je l'espère ne sera pas le dernier de l'année, malgré les mille et une distractions du temps des Fêtes, toutes très justifiées!

dimanche 23 décembre 2012

Derrière la cravate

Noël constitue un moment de rassemblement important au sein de votre famille. Vous vous devez d'y faire bonne impression, de vous vêtir avec doigté. La chemise est de mise. La cravate est de mise.

Vous souhaitez faire bonne impression, vous vêtir avec doigté, vous orner d'une chemise cravatée, mais se dressent devant vous tant d'obstacles logistiques découlant de votre réalité d'homme demeurant à l'autre bout du monde. Comment puis-je m'outiller en cravates sans toutefois les malmener par transport en valise brusqué, vous vous mettez à songer. Il faudra faire preuve d'ingéniosité, vous concluez.

Voilà! Suffit de rouler soigneusement une sélection de vos favorites, à insérer dans une conserve ayant naguère servi de récipient d'aliments. L'élue de ce soir, qui doit encore être choisie, n'en sera que mieux préservée et moins fripée, dégageant au passage un léger fumet de sauce quatre fromages.


Joyeux Noël à toutes et à tous!


mardi 18 décembre 2012

La grande boîte

Dans la ville d'Ishinomaki dévastée par le tsunami, les quincailleries sont florissantes. Des centaines d'ouvriers, qui s'affairent à la reconstruction de mille et une façons, se doivent après tout d'être outillés et vêtus adéquatement.

Ces commerces exercent sur moi un grand pouvoir d'attraction. Pourtant, je ne suis pas habile de mes mains, et sans mes expériences de bénévolat en ces lieux, les occasions de manipuler des outils, manuels comme électriques, se feraient rares. À chacune de mes visites, je suis comme transporté devant tant d'objets, surtout pour leur durabilité. Lors de mon dernier passage avant de retourner à Tokyo, mon regard s'est ainsi posé sur un dispositif de transport qui m'a charmé.


Ce coffret à outils, tout de métal construit, n'était pas seulement de bonne capacité, mais il m'inspirait confiance de par sa solidité et sa rigidité. Il n'a toutefois pas suffi de l'acquérir pour me mettre à l'utiliser au quotidien, au contraire. Le chemin de son adaptation en a même été tortueux, entraînant au passage les premières blessures de guerre sur cette valise, dont certaines sont visibles sur la photo.

C'est que mon quotidien s'axe sur le transport à vélo. Si jusqu'alors j'employais une serviette en tissu que je suspendais du côté gauche de mon guidon, j'ai dû me rendre à l'évidence que ma nouvelle acquisition ne se laisserait pas transporter si aisément.

J'ai d'abord pensé au panier arrière du vélo. L'option s'est néanmoins révélée impraticable, car instable et m'obligeant, le panier étant trop court, à poser la valise latéralement, comme si elle était debout. Quant au panier frontal, il était trop restreint pour accueillir la nouvelle venue. Un panier frontal assez large, voilà ce que je me suis mis à chercher comme meilleure solution. Un vœu à réalisation ardue, les paniers à largeur minimale de 480 mm se font rares, et étaient indisponibles dans les boutiques ayant reçu ma visite.

Il a fallu me mettre à l'affût de vélos abandonnés dotés du panier parfait. Après quelques jours, au retour du party de Noël de mon école d'anglais, s'est mise à travers de mon chemin la bécane parfaite, rouillée, aux pneus dégonflés, au siège poussiéreux, et surtout au panier assez large. Équipé d'un petit tournevis multiusage, j'ai entrepris de le dévisser de ses amarres. C'était sans compter quelques vis récalcitrantes car coincées dans la rouille, me forçant d'utiliser la méthode forte pour le libérer.

Après avoir installé ce nouveau dispositif, une fois rendu chez moi, j'ai tenté l'insertion initiale de ma valise, en n'anticipant aucune difficulté. Horreur! Le panier étant plus un trapézoïde inversé qu'un parallélogramme, il était trop étroit dans sa moitié inférieure, tandis que je n'avais mesuré que sa partie supérieure!

Déçu mais plus motivé que jamais à mener ce projet à bien, je me suis résolu à couper une à une les tiges formant cette partie inférieure plus étroite. Il était tard, et après plus d'une heure au cours de laquelle je ne suis parvenu à sectionner que quelques tiges avec mes petites pinces émoussées, j'ai abdiqué en rejoignant mes draps, la main endolorie.

Le lendemain, la valise à moitié insérée de force dans le panier, je me suis rendu à la boutique cycliste de mon coin, en espérant qu'ils allaient me laisser utiliser de plus grandes pinces, qui j'imaginais devait faire partie de l'attirail de toute bonne boutique. Non seulement on m'a permis de le faire, mais les pinces prêtées étaient énormes, comme je voyais les concierges de mon enfance en utiliser pour couper des cadenas à l'école. En taillant les tiges avec tant de facilité, je ne pus m'empêcher d'imaginer un couteau coupant une livre de beurre par une chaude journée d'été. Les tiges sectionnées, il n'a fallu que mettre des bouchons sur les bouts acérés, puis comme touche finale apposer des coussins sur les vis de fixation (source de grafignes) et le fond du panier. En quelques minutes, j'avais un panier capable de porter ma valise d'espion secret en toute stabilité, marquant ainsi la fin de cette épopée de personnalisation s'étant emparé de mes pensées depuis les derniers jours. Mon père l'ingénieur en serait fier!

lundi 17 décembre 2012

La petite boîte

Récemment, j'ai trouvé puis acheté une petite boîte à une boutique d'articles usagés. Plutôt que de m'en servir de la manière conçue, le transport de cigarettes, j'ai décidé d'en faire le contenant compact d'objets utiles en diverses occasions, à transporter en tout temps sur ma personne.


J'ai pris cette photo en bord de fenêtre ensoleillée de la maison d'un pêcheur d'Onagawa que j'ai aidé à rendre habitable à nouveau, la semaine dernière, consacrée au bénévolat. Elle montre la version presque complète de la petite boîte. J'ai depuis ajouté deux petites bougies et des bandelettes de papier pour écrire. Voyons voir de quoi d'autre elle se compose :

1. Miroir (la boîte en tant que telle)
2. Couteau suisse, comprenant :
    3. Ouvre-bouteille
    4. Décapsuleur
    5. Cure-dents
    6. Pincette
7. Crayon à mine
8. Briquet, avec:
    9. DEL verte, faisant office de lampe de poche
10. Pièce de 500 yen
11. Deux mousquetons
12. Ensemble de couture, doté de :
    13. Ciseaux
    14. Aiguilles à coudre
    15. Épingle de sûreté
16. Bandelettes à adhésion bilatérale
17. Ensemble de petits tournevis.

La petite boîte, insérable dans mon coffre à crayons, me confère l'agréable impression d'être toujours prêt, à la manière d'un scout. Le fait qu'elle soit faite de métal me rassure également, pour une quelconque raison. Le plaisir de la chose métallique s'est également fait ressentir à plus grand échelle, sous forme de grande boîte, qui demain fera l'objet d'une entrée de blogue emboîtant le pas au présent billet, notamment relativement à l'ingéniosité qu'elle a exigée de ma part.

vendredi 14 décembre 2012

S'afficher



Permettez-moi de vous présenter une récente acquisition vestimentaire, une épingle de cravate à l'effigie des Jeux Olympiques d'hiver de Sapporo, organisés en 1972. Dénichée en farfouillant dans une boutique d'articles d'occasion ressemblant davantage à un débarras négligé qu'à un commerce au détail, elle n'a pas tardé à faire sensation dans mon entourage.

Néanmoins, je me sentirai plus confortable de l'arborer lorsque j'aurai visité cette ville, et peut-être quelques-unes de ses installations olympiques, ce qui devrait se produire l'an prochain. D'ici là, suffit de prétendre que je l'ai héritée de mon père, qui l'ayant reçue en vertu de sa médaille d'or à l'épreuve de biathlon, me l'a léguée comme cadeau de départ au pays du soleil levant. Pareille assertion suscitera certainement l'incrédulité, en conférant toutefois l'avantage indéniable de faire jaser.

mardi 11 décembre 2012

Nourrir les troupes

Des larmes pour les fins pis les fous
Dans la salle commune de l'organisme bénévole, je digère le repas de mon cru, un ragoût de lentilles et pois chiches. Je n'avais pas eu à nourrir un tel escadron, totalisant 13 affamés, depuis plus d'un an. La dernière fois, c'était au même endroit, ou presque, l'emménagement dans une nouvelle maison s'étant imposé dans l'intervalle.

La capacité de nourrir pareil groupe était en soi source de satisfaction, laquelle a été rehaussée par les nombreux témoignages d'appréciation formulés par les mangeurs. Je l'ai moi-même trouvé bien bon, bien que trop riche en poivre. Moi qui adore cette épice, j'espère que d'autres n'en ont pas été dérangés.

Demain ou plus adéquatement dans quelques heures, car le départ est prévu à trois heures du matin, m'attend la récolte des huîtres, comme activité de ma dernière journée de volontariat de l'année. N'ayez crainte, chers amis bénévoles, je reviendrai vous voir, vous qui êtes des perles rares.

vendredi 7 décembre 2012

Tradiscours

Traduction du discours, prononcé le 7 décembre 2012, à l'occasion du party de Noël de mon école de japonais.

À la fin août dernier, je suis allé trois semaines au Canada. Profitant de beau temps presque tous les jours pour aller à la rencontre d'amis et de ma famille, ce fut sans surprise un excellent voyage. Toutefois, tout n'était pas que bonheur, car tout en visitant tant d'être chers, j'en venais parfois à être nostalgique de ma vie précédant ma venue au Japon. Dans le même élan, je songeais fréquement à mon avenir dans ce pays.

Je soulignerai sous peu le deuxième anniversaire de mon arrivée. À l'époque, deux raisons en avaient sous-tendu ma venue. Je souhaitais d'abord et avant tout m'offrir le défi d'une nouvelle langue. Mon japonais laissant toujours à désirer, de toute évidence il s'agit d'un défi à long terme! J'avais également comme projet de me mettre à enseigner le français et l'anglais, m'étant limité à faire de la traduction au Canada.

Après un an et demi d'enseignement, j'en suis venu à comprendre que je préférais, de loin, la traduction, notamment pour la possibilité de travailler chez soi et la facilité à prendre des vacances. De là m'est venue la réalisation : pourquoi ne pas perfectionner mon japonais jusqu'à pouvoir en faire la traduction vers le français? Celle-ci s'est immédiatement accompagnée de questionnements quant à mes capacités et à la manière de procéder.

Peu importe le nombre d'années requises, je suis motivé à réaliser ce projet. Autrement dit, je vais faire tout en mon pouvoir pour devenir traducteur du japonais au français. J'ai heureusement pu puiser de l'inspiration de proverbes japonais connus. De senri-no-michi mo ippo kara (千里の道も一歩から, court ou long, chaque  parcours commence par un pas), mon premier pas a consisté en l'examen de compétences linguistiques japonaises, niveau trois, samedi dernier. De l'expression tchiri mo tsumoreba yama to naru (塵も積もれば山と成る, accumulez de la poussière et vous obtiendrez une montagne), la poussière constitue chaque jour où je fais usage du japonais. La préparation, la pratique et l'exécution de ce discours ont représenté pour moi beaucoup de poussière accumulée, et pour cela, mesdames et messieurs, je vous remercie du fond du cœur!

jeudi 6 décembre 2012

Discourir

Hier soir avait lieu le party de Noël de mon école de japonais. Comme l'an dernier, j'ai décidé de participer au concours de discours, moins une compétition qu'une occasion d'exercer mon japonais devant public.

En matinée, j'avais préparé mon texte et l'avais révisé. Une amie japonaise en avait ensuite corrigé les erreurs les plus flagrantes.

Après l'avoir lu à quelques reprises, je suis allé au gym, où je me suis mis à le pratiquer de mémoire entre les répétitions d'haltère. Noriko, une dame que je vois souvent au gym, s'est même gracieusement improvisée en public pour une répétition générale.

Finalement, je l'ai récité tout au long de mon parcours de vélo jusqu'à l'école. J'en étais absorbé au point d'oublier de tourner sur l'avenue Shinjuku, occasionnant de fait un détour qu'on pourrait considérer salutaire, car prolongeant de quelques minutes le parachèvement du discours sur deux roues.

Le moment tant attendu est venu, retardé un peu par l'attente d'une amie qui, coincée au boulot, ne s'est finalement jamais manifestée, et devant foule je me suis donné en prestation. Malgré quelques erreurs et un moment d'hésitation ou deux, ma performance m'a plu, ce qui semble également avoir été le cas pour mes auditeurs.

J'estime m'être nettement amélioré depuis mon discours de l'an dernier. Voilà pourquoi j'ai déjà hâte au party de l'an prochain! Ci-dessous, le texte en question. Demain, je vous l'interprète.

今年の8月の終わったとき、三週間カナダに行きました。天気が主に晴れや家族と友人に会えるなどおかげで、やっぱり楽しい帰国の旅でした。良かったといっても、ずっと嬉しいとは限りません。愛する人たちを訪ねながら、時々日本に来る前の生活が懐かしかったというわけです。同時に日本での私の将来についてよく考えました。

もう直ぐ、日本に居るのは2年間になります。元々、日本に来る理由は二つでした。何よりも緒戦の言語を身につけたかったです。どうしても現在の日本語はまだ下手なので、すごく続いてるチャレンジに違いませんね。それに加えて、フランス語と英語を教え始める予定もありました。カナダで英語からフランス語の翻訳をしていましたから。

一年半ずっと教えている私は翻訳の方が好きだと分かってきました。在宅勤務(ざいたくきんむ)できたり、休暇をとりやすかったりするのが理由です。その為、日本に居るついでに、日仏翻訳もできるようになる程、思い切り日本語を習いたいと思いつきました。でも「できるかどうか」とか「どうやって」という疑問(ぎもん)もありました。

何年かかってもこの計画を実行することにして、つまりできるだけ日仏翻訳者になろうとします。そうする為に、ことわざからやる気を見つけました。「千里の道も一歩から」の中の「一歩」ということは先週末の受験した日本語能力試験の三級に当たります。「塵も積もれば山となる」の中の「塵」ということは日本語を毎日使う事です。したがって、今日のスピーチを準備、復習、するのはたくさんの塵という意味です。皆さん、どうもありがとうございました!

dimanche 2 décembre 2012

L'envol du bénévole

L'uniforme de rigueur

Me revoilà à Ishinomaki pour une reprise de l'an dernier, où j'avais fait du bénévolat en compagnie de personnes inspirantes, du Japon comme d'ailleurs. Je compte y aller neuf jours en deux semaines, d'abord cinq cette semaine du lundi jusqu'à vendredi. Cette ultime journée, je reviendrai en après-midi à Tokyo, où m'attendra le party de Noël de mon école de japonais, lors duquel comme l'an dernier je compte prendre part au concours de discours.  Tout juste revenu du volontariat, j'aurai l'avantage d'un thème flottant encore à la surface de ma mémoire.

En cette première journée, avec Kheng de Singapour je suis allé à la maison de Tanaka le sympathique pêcheur, afin de la rendre habitable à nouveau. Il a fallu y mettre un peu d'ordre, arracher du plancher, retaper une portée d'entrée, brûler du bois suranné. Sur l'heure du dîner, nous avons eu droit à du crabe, pêché localement, donc frais et succulent.

Kheng et le crabe

J'espérais que cette journée allait être le théâtre de ma première expérience de conduite à gauche, n'étant habitué qu'au cyclisme, mais Kheng était muni d'un permis de conduire international. Demain est un autre jour, alors j'espère toujours.

J'écris ces lignes depuis ma chambre d'hôtel de Sendai, la principale ville de la région Tohoku, à environ une heure trente en autocar d'Ishinomaki. C'est que par coïncidence, ma copine, qui vient de s'endormir dans le grand lit derrière, est en ville pour le boulot et demeure dans un bon hôtel tout près de la gare centrale. J'aime bien mes compagnons bénévoles et l'esprit de camaraderie qui règne au sein de ce groupe, mais entre dormir au sol dans leur maison perpétuellement froide car mal isolée et s'offrir un lit douillet en compagnie d'une beauté, le choix n'en est pas réellement un. 

Sur ce, permettez-moi de me souhaiter bonne nuit, car il faut se lever tôt pour bien bénévoler de ses propres ailes! 

vendredi 30 novembre 2012

L'heure du test



Dans quelques heures, l'aboutissement de deux mois d'études intenses, le troisième échelon sur cinq du test national de compétences linguistiques japonaises. Si, depuis la fin de mes études universitaires, les examens et plus généralement le bourrage de crâne m'ont laissé froid au point de me sembler contreproductifs, je dois avouer que la préparation à celui-là m'a permis d'être guidé par un objectif clair. 

Je suis ainsi parvenu à discipliner mon étude avec sérieux et cohérence comme jamais auparavant, et ce faisant, j'ai pu remarquer une nette progression de mes capacités japonaises, tant écrites que parlées, d'écoute que de lecture. Il s'agit là pour moi de l'essentiel, bien plus crucial que la réussite de ce test ou son échec. Quoique je ne me plaindrais pas d'obtenir la note de passage...

jeudi 29 novembre 2012

Quinquennal


Après quelques ratés et imprévus, dont des va-et-vient cyclistes et postaux entre mon domicile et le bureau de l'immigration plutôt mal situé, j'ai finalement mis la main sur mon nouveau visa. Je me réjouis particulièrement de sa validité de cinq ans, la plus longue possible. Pour la demi-décennie à venir, je n'aurai donc pas à me plier à de quelconques exigences d'un employeur en échange de parrainage. Une préoccupation dont l'absence me confère une marge fort appréciée, pour faire place aux surprises que la vie a encore à me réserver!

mardi 20 novembre 2012

Partie IV: récapitulatif

Les souhaits de bonne continuation prononcés par Craig, nous quittons les lieux. Je suis excité, sous le choc, j'ai le cœur qui s'agite dans la poitrine. Wow!, que je me répète tout haut à quelques reprises, tandis que je assimile cette péripétie en en décortiquant les moindres détails. Wow!

Nous nous éloignons d'un pas vif en discutant de ce qui comptera parmi les meilleurs souvenirs de notre voyage. Craig m'indique qu'il s'est mis à douter de leurs intentions dès la mention de la cérémonie de thé. J'ai été beaucoup plus naïf, car si a posteriori tout m'apparaît clair, sur le coup je n'y ai vu que du feu. Il m'explique qu'à force de travailler auprès des détenus du système pénal manitobain, il en est venu à reconnaître les comportements manipulateurs et calculateurs.

Heureux de nous en être sortis sans égratignure autre que le vertige suscité par l'aperçu du gouffre financier qui nous attendait, nous concédons aux membres de cette bande le talent dont ils ont fait preuve. Ce qu'ils trament n'est en rien louable, mais ils parviennent à leurs fins en usant non pas de violence, mais d'intelligence. La connaissance des rudiments du japonais, notamment, leur a permis de bien ferrer le gros poisson qu'ils devaient voir en ma personne.

Nous soulignons la subtilité avec laquelle ils sont parvenus à nous tenir occupés et séparés, compromettant de ce fait notre capacité à penser clairement et à nous parler. Nous nous demandons combien ils peuvent tirer de cette combine, et quel en aurait été le dénouement si, étant restés pour l'ensemble du service, nous avions catégoriquement refusé de payer. Je me désole de les avoir outillés davantage en leur enseignant la manière de demande l'âge en japonais. D'éventuels touristes nippons n'en seront que plus facilement dupés. Je réitère ma surprise d'avoir été si influençable, mais Craig m'assure que je ne m'en suis pas laissé imposer, du moins une fois entré dans la boutique. Finalement, nous convenons qu'il aurait été intéressant d'observer leur réaction et de comprendre leurs échanges, après notre départ.

Nous nous mettons en route vers le musée de Shanghai, qui était notre destination avant de nous faire aborder par nos petits truands. Chemin faisant, nous nous mettons à discuter de nos tribulations de voyage respectives, inspirés par cette mésaventure qu'ensemble nous avons vécu, et par ses acteurs, qu'ensemble nous avons vaincus.

dimanche 18 novembre 2012

Partie III : insulthé

Après un moment d'hésitation, Craig et moi décidons d'entrer dans la boutique pour y rejoindre nos nouveaux amis, en nous promettant d'user d'une extrême prudence. Outre la réception, l'endroit n'est doté que d'un court couloir dans lequel débouchent deux petites salles de thé. Nous nous asseyons dans celle du fond où on nous attend. Craig prend place à ma gauche. À ma droite, deux des filles; à sa gauche, le gars et la troisième fille. Face à la table et entouré de théières et de petits récipients, un homme en habit traditionnel se tient debout, prêt à commencer le service.

Malgré que tous les signes pointent dans la même direction, un je-ne-sais-quoi m'empêche d'admettre que nous avons affaire à des escrocs, passés maîtres dans l'art de séparer le touriste de son argent. Peut-être que je souffre de dissonance cognitive, le plaisir jusqu'alors éprouvé en leur compagnie ne cadrant pas du tout avec leurs sombres desseins. Peut-être aussi qu'il m'est difficile d'accepter que je me suis laissé manipuler si aisément. Qu'importe, ma crédulité est chose du passé et désormais je suis méfiant, sur mes gardes.

Avant que leur stratagème ne se mette en branle, nous demandons de voir le menu. Aucun problème qu'ils nous assurent en nous le remettant, toujours aussi souriants. L'anglais qui y figure est impeccable, et donc douteux pour un commerce dissimulé dans un centre commercial hors des artères touristiques. Le thé le moins cher se détaille à 49 yuans la tasse, soit sept dollars. À cela s'ajoute le prix d'entrée, environ cinq dollars. Dans le scénario improbable où il s'agirait d'un commerce légitime dans lequel nous ne porterions qu'une seule tasse à nos lèvres, cela reviendrait à douze dollars chacun, pas exactement bon marché.

Prétextant que nous sommes pressés par le temps, nous leur annonçons que nous nous limiterons à une tasse. Une tasse et puis c'est tout, que je répète. Aucun problème, qu'ils me disent presque à l'unisson, une seule tasse et vous pourrez y aller, qu'ils me confirment, pour ensuite reprendre le menu et se remettre à nous poser, individuellement à moi et à Craig, une myriade de questions légères, tandis que l'employé s'apprête à verser le thé.

Première erreur cruciale de leur part. Attendez une minute, que je lance, j'ai précisé une tasse, n'est-ce pas? Pourquoi nous prendre le menu? Ne devrions-nous pas pouvoir choisir notre thé?  

Pas de problème, tu peux choisir n'importe quel thé. Voilà!, que me lance la fille à ma droite en me donnant le menu à nouveau. Elle tente de maintenir son calme, mais je vois bien qu'elle est un peu sur la défensive.

J'enchaîne: et puis, j'aimerais préciser autre chose. Il est entendu que Craig et moi ne payerons que pour nos propres consommations, pas pour tous, n'est-ce pas?

Bien sûr que oui, que me répond la même fille, visiblement énervée, voire outrée. Tu n'es pas mon grand-père, tu ne payeras pas pour moi, je peux payer moi-même!, qu'elle ajoute sur le même ton.

En perdant ainsi son sang froid, elle me rend un grand service. Du doute quant à leurs motifs, je passe à la certitude. Cela me libère d'un poids. J'ai le cœur qui bat la chamade, mais paradoxalement je me sens serein. Posément et en pesant mes mots, je lui explique (et ce faisant je ne manque pas de remarquer l'ironie de prononcer pareilles paroles dans cette situation) : tu sais, on m'avait averti qu'une escroquerie répandue de Chine prend la forme de jeunes gens fort sympathiques abordant les touristes et les convainquant d'assister à une cérémonie de thé. Les victimes, ne comprenant la supercherie que trop tard, se trouvent acculées à des additions scandaleuses, dont le paiement est soumis à des menaces plus ou moins voilées. Comment donc puis-je savoir que vous ne vous adonnez pas à pareille crapulerie?

La fille, toujours aussi mécontente, y va de sa réplique, mais je n'écoute pas. Ces gens ont cessé d'exister pour moi. Je me tourne vers Craig qui a su m'ouvrir les yeux, je lui souris, et nous convenons de quitter les lieux. En nous levant de table, Craig leur dit au revoir, je ne dis rien.
 
Aucune goutte de thé n'a été versée. Ils ne nous ont pas pris d'argent, mais nous leur avons fait perdre du temps. Et puisque le temps c'est de l'argent, aurait-on affaire à un cas d'arnaqueur arnaqué, mon Craig?
Partie IV récapitulative

samedi 17 novembre 2012

Partie II : en chemin

Avec ces quatre Chinois jeunes et souriants, Craig et moi marchons pour prendre le thé, dont l'établissement n'est pas très loin, qu'on nous assure. Le gars continue de me parler en japonais, tandis qu'une des filles y va aussi de quelques phrases, moins adroitement.

J'aperçois sur le trottoir une borne-fontaine qui me fait rigoler, car anormalement petite. Je confie mon appareil-photo à l'un d'entre eux pour qu'il m'immortalise en compagnie de cette lilliputienne. Le cliché pris, nous poursuivons notre route. Je suis devant, en parlant avec le gars et une fille. Craig nous suit, tout en conversant avec les deux autres filles.


Le gars au patron japonais me demande, en anglais, de lui enseigner la manière de demander l'âge en japonais. 何歳ですか?, que je lui indique. 何歳ですか?, qu'il répète à quelques reprises, me remerciant ensuite de ma gentillesse.

Nous entrons dans un centre commercial. Nous montons d'étage au moyen d'escaliers roulants, tandis qu'on joue à me faire devenir la signification des caractères chinois figurant sur les affiches au mur. Au troisième et dernier étage, on nous mène à un petit commerce. À ce moment, Craig n'est plus derrière mais devant moi.

Devant l'entrée de l'établissement, au lieu d'y entrer directement, il laisse nos compagnons chinois franchir la porte en premier, pour que je puisse le rejoindre. Pour la première fois depuis notre rencontre avec ce groupe, nous sommes réunis et pouvons nous parler sans perturbation. C'est alors qu'il me dit, tout bas : Attention, je pense bien s'il s'agit de l'arnaque de la maison de thé.

Si jusqu'alors j'étais plongé sans le savoir dans une stupeur naïve, tel un fracassant uppercut verbal ses paroles m'en sortent violemment. Sous le choc, je vois d'un tout nouveau regard l'intérieur de la boutique, animé de gens au visage radieux nous implorant de les rejoindre.

Qu'est-ce qu'on fait, à présent, mon Craig?

Suite à la partie III

Partie I : les présentations

À Shanghai. Depuis deux jours j'y fait le touriste avec Craig. Ce matin, il souhaite aller au musée de la ville. J'y suis allé deux jours plus tôt, mais y retourner n'est pas un problème, car je n'avais pas visité toutes les salles d'exposition, d'autant plus que l'entrée est gratuite.

À la sortie d'un tunnel permettant de traverser un boulevard achalandé, quelqu'un nous interpelle. Nous nous retournons pour voir un jeune homme accompagné de trois filles. Il nous demande de les prendre en photo. Craig s'en charge.

Son teint étant basané, je me dis d'emblée qu'il est d'Asie du Sud-Est, peut-être de Singapour ou du Vietnam. Je lui demande, et il m'indique qu'il est Chinois. Puisqu'ils vivent à environ une heure de Shanghai, ils ont profité d'une journée de congé pour venir en ville.

Lorsque je lui dis que je vis à Tokyo, son regard s'allume. Il m'annonce avec enthousiasme qu'il peut s'exprimer un peu en japonais, qui est la langue de son patron. Il commence par imiter ce dernier qui répond au téléphone, en y allant d'un moshi-moshi, puis enchaîne des phrases de base. Son accent est fort, mais il peut parler.

Je leur demande ce qu'ils ont au programme pour la journée. Le gars m'indique qu'ils comptaient se rendre à une sadō, tout fier d'employer le mot japonais pour cérémonie de thé.

Je regarde Craig un moment, puis je le demande s'ils verraient un quelconque inconvénient à ce que nous les accompagnions. Ils acceptent avec joie, heureux de voir de deux sympathiques étrangers venir avec eux. Nous nous mettons en marche. Je suis bien content de cette rencontre improvisée avec des gens du pays. Le musée saura attendre.

Suite à la partie II

jeudi 15 novembre 2012

Prélude : ça n'arrive qu'aux autres

Je me lève à l'auberge, la première journée de mon court périple à Shanghai. Il est environ neuf heures, pas particulièrement tôt. Je suis en vacances, rien ne presse.

Je descends au rez-de-chausse. Installé au resto, je commande du café. Lorsqu'on me sert mon omelette espagnole, la fille assise à ma droite me souhaite bon appétit. C'est le début de notre conversation.

Miranda, des Pays-Bas, en est plein tour du monde. Tout comme Mathieu le Breton, elle est venue d'Europe par le Transsibérien. Le soir même, elle doit prendre l'avion en direction du Vietnam, pour y rencontrer une amie.

Nous convenons de nous balader ensemble jusqu'au milieu de l'après-midi, après quoi je devrai me préparer au match, tandis qu'elle aura à faire ses bagages.

Elle m'indique qu'elle comptait visiter le musée de Shanghai. J'accepte volontiers de l'accompagner. Puisque Shanghai est beaucoup plus frisquet que sa prochaine destination, elle me demande de l'accompagner d'abord au bureau de poste, question de rapatrier ses vêtements plus chauds. Pendant qu'elle remplit le bordereau d'expédition, je prends des photos de l'endroit, jusqu'à ce qu'on m'indique que c'est défendu.

Miranda est au comptoir tandis que je découvre mon nouvel objectif photo

En chemin vers le musée de Shanghai, elle discute de son voyage jusqu'à présent. Je lui demande si elle a eu de mauvaises expériences, en pensant surtout à la Russie et à la Mongolie, que j'imagine risquées pour une fille voyageant en solitaire. Elle me répond que sa pire mésaventure s'est plutôt produite à Beijing. J'en suis un peu surpris. Elle se met à m'en raconter les détails.

Deux jeunes Chinoises sont d'abord venues me demander si je pouvais les prendre en photo. J'ai bien sûr obtempéré, voyant en elles deux voyageuses en situation semblable à la mienne. Bien sympathiques, elles me posent des questions sur mon périple, mes intérêts. Elles m'indiquent qu'elles sont étudiantes universitaires en vacances, venues de l'extérieur pour visiter la capitale. Après un moment, elles m'invitent à prendre le thé. J'accepte tout bonnement. Ces filles me semblent dignes de confiance et très gentilles.

La maison de thé est au sous-sol d'une bâtisse. Assises autour d'une table, nous sirotons une multitude de sélections de boissons infusées, accompagnées de grignotines. Elles alimentent sans cesse la conversation, toute en douceur.

L'addition finit par arriver, et ce n'est qu'à ce moment que je comprends dans quoi je me suis embourbée. Le total revient à plus de 400 euros! Chaque tasse de thé, bue parce chacune d'entre nous, est comptabilisée à un prix de fou, en plus des frais pour l'entrée et les accompagnements.

On m'avait averti de cette arnaque, répandue en Chine. Mais pourtant, pourtant je n'ai rien vu venir. Me sentant à la fois paniquée et enragée, tant contre ma propre naïveté que par leurs manigances, j'essaie de trouver un moyen de m'en sortir. Je me trouve au sous-sol d'une bâtisse inconnue d'une ville et d'un pays qui me sont étrangers. Je suis dans leur tanière, dans l'antre du monstre.
  Une fille semble vouloir s'accrocher à mon bras, tandis que l'autre se dresse devant l'escalier de sortie. Ajoutons à cela la tenancière et une autre employée. Quatre contre un. Qu'importe, je m'élance vers la sortie, mue par l'énergie du désespoir.

Deux des filles s'accrochent à moi. Je les traîne littéralement jusqu'à l'extérieur. S'ensuit une engueulade sur la voie publique. Aucun badaud ne réagit initialement, puis un type vient s'immiscer dans la conversation. Je ne comprends évidemment rien aux paroles qu'ils s'échangent avec tout autant d'intensité, mais je crois deviner qu'il prend ma défense, qu'il est au fait de leurs sombres desseins et qu'il s'y oppose. 

Son intervention me permet de leur échapper. Je reviens à toute allure à l'auberge de jeunesse, situé non loin. Tenaillée d'anxiété, j'appelle mes parents pour leur dire ce qui vient de se produire. Terrifiée à l'idée de croiser ces filles à nouveau dans la rue, je quitte la ville le jour même.

Ces arnaqueurs sont très doués. Ils savent s'adapter à ta personnalité, profiter de ta bonne foi, pour ne pas dire naïveté, s'inventer une histoire crédible à peaufiner au besoin, te complimenter, et alimenter continuellement la conversation, pour t'empêcher de penser clairement et de voir leur petit jeu, tout en subtilité. 

Je m'en veux de m'être laissée volontairement guider jusqu'à l'abattoir. Heureusement que j'ai pu m'en sortir avant de passer au couperet, avant d'être délestée de tant d'argent. Un Américain rencontré ici à Shanghai n'a toutefois pas eu cette chance. Il a refusé de me dévoiler combien cette sale affaire lui avait coûté, alors que je devine que c'était bien plus que 400 euros!

Toute une histoire que Miranda me raconte! Alors que nous couvrons les quelques centaines de mètres nous séparant du Musée de Shanghai, je me demande si moi-même je tomberais aussi facilement dans le panneau. Elle quitte le pays dans quelques heures, alors que j'en suis à ma première journée. L'occasion pourrait donc très bien se présenter. Si c'est le cas, on verra, que je me dis...

Tir raté ou presque...

Il y a quelques semaines, j'avais dévoilé mon projet d'aller assister à une joute de hockey à Shanghai. C'était trop beau pour être vrai.

La mise au jeu initiale est prévue à dix-neuf heures le 14 novembre. Je suis arrivée le 13, mais Craig, mon partenaire de voyage, n'arrive que le jour du match, un peu avant dix-sept heures. La journée précédant mon départ, il me demande comment s'y rendre depuis l'aéroport. Je fais mes recherches en me servant du nom de l'aréna indiqué sur le site de la ligue, et je lui propose de me joindre à la station de l'Université de Shanghai, sur le campus duquel doit se dérouler la rencontre. Quelques centaines de mètres à peine devraient nous séparer de la patinoire.

J'arrive environ une heure avant le début des hostilités. Je me mets à parcourir le campus à la recherche de l'aréna. Les écriteaux sont vagues. J'ai du temps, alors inutile de m'emballer. Après un bon moment à chercher en vain, je finis par demander aux gens croisés par hasard, en expliquant tant bien que mal que je suis venu assister à du hockey, soit en imitant un hockeyeur qui patine ou qui y va d'un lancer-frappé, ou en montrant le caractère correspondant à glace sur mon dictionnaire électronique. Personne ne semble être au courant, et j'ai l'impression que certains me prennent pour un imbécile.

Finalement, j'aperçois une étrangère aux cheveux blonds. Soulagé, je lui demande où est l'aréna. Elle l'ignore, mais me réfère à deux Chinois qui eux m'apprennent la terrible nouvelle, que je voyais venir : je me suis trompé, le véritable emplacement se trouve à cinquante kilomètres! 

Je retourne à la station pour attendre l'arrivée de Craig, dégoûté par moi-même de m'être gouré de la sorte, mécontent du site de n'être pas foutu d'indiquer le nom réel de l'installation sportive, et désolé de devoir annoncer l'erreur monumentale à mon ami.

Il arrive une demi-heure plus tard. Après de chaleureuses retrouvailles, je lui annonce la mauvaise nouvelle. Il m'avoue qu'il était au courant de mon erreur de navigation, s'en étant rendu compte à l'aéroport de Vancouver, alors qu'il était trop tard pour m'en avertir, et qu'au fond il est surtout heureux de m'avoir trouvé. Je lui offre mes excuses pour la bourde, puis nous convenons d'aller négocier un taxi.

Nous trouvons un type disposé à nous y mener pour 130 yuán, soit environ ving dollars canadiens, ce qui n'est pas trop mal pour la distance à parcourir. Il nous dépose environ 45 minutes plus tard à l'endroit qui, en principe, devrait être le bon. Il est environ vingt heures trente à ce moment. Nous sommes confiants de pouvoir voir la troisième période, du moins partiellement.

Nous découvrons malheureusement que, même sans erreur de ma part, le satané site Web de la ligue a tout faux, car là où il devait y avoir du hockey, rien. De peine et de misère, nous finissons par mettre le grappin sur l'insaisissable aréna. Nous nous précipitons à l'intérieur, mais la dame au guichet refuse de nous laisser entrer. La raison nous échappe, mais nous apercevons deux blanches sortant d'une porte. Elle nous apprennent que le coup de sifflet final ne date que de quelques minutes!

Déçus, nous leur demandons le chemin pour voir les estrades, notre seul souhait à ce point-là. Nous nous y rendons pour y constater l'enceinte, libre de ses spectateurs et ses joueurs. C'est alors que vient à nous une dénommée Lisa, entraîneuse de hockey à Shanghai. Nous discutons un moment avec elle, de son cheminement de carrière, de gardienne de buts évoluant dans la région de Toronto à entraîneuse de l'équipe féminine chinoise, de l'état du programme olympique chinois, de la qualité des installations, de ses impressions de la Chine, des joueurs préférés de son enfance. Nous lui demandons de bien vouloir nous prendre en photo, comme preuve de nos efforts non couronnés de succès.



Elle nous offre, ou nous lui demandons, je ne me souviens plus, de nous présenter quelques-uns des joueurs canadiens de l'équipe locale. Elle nous emmène dans le couloir dans lequel débouche le vestiaire. À ma surprise, j'y rencontre un des joueurs nippons, qui représentera l'unique occasion d'utiliser mon japonais du voyage.

Robert Jarvis d'Ottawa vient finalement nous parler, et nous invite à les accompagner au restaurant. Nous acceptons volontiers. À la sortie du vestiaire, on nous présente les deux filles aperçues plus tôt, des Russes nommées Natalia et Maria, dont l'une est la copine de Ryan Burkholder, aussi d'Ottawa. Matthew Glasser, de Calgary et repêché par les Oilers en 2005, se greffe finalement à nous, et tous ensemble nous allons à un chic restaurant plus près du centre-ville. Nous discutons abondamment de hockey, au sens large mais également par rapport au parcours individuel de chacun de ces trois joueurs, Rob ayant évolué en France et les deux autres aux Pays-Bas. Nous étions bien contents de rencontrer ces gens, pour lesquels notre sport national leur offre l'occasion de voyager. Ils semblaient également apprécier la possibilité de s'entretenir avec deux de leurs compatriotes.

En Chine, le hockey, à défaut d'en voir, nous en avons parlé avec ceux qui en vivent. Tout n'était pas perdu!

mercredi 14 novembre 2012

La veste

Je m'installe au comptoir du resto-bar de l'auberge. La soirée est jeune et je suis arrivé une heure ou deux plus tôt. Craig, mon partenaire de voyage, n'arrive que le lendemain soir.

Je discute d'abord avec la serveuse, Lily. Je ne connais pratiquement rien de sa langue, mais en ma qualité d'étudiant du japonais, les caractères qui la composent me sont généralement compréhensibles. Je lui demande de m'enseigner quelques phrases de base, en lui précisant d'en écrire les caractères.

Nous discutions un bon moment lorsqu'un gars vient au comptoir pour commander un verre. Du coin de l’œil, je remarque qu'il m'observe. Je porte mon regard sur lui. En un instant je comprends la source de sa curiosité: nous portons la même veste!

La veste, source de rencontres fortuites.
Tous deux surpris par pareille coïncidence, notre conversation est d'abord axée sur les avantages et la qualité de cet article de surplus d'armée. Nous en soulignons la durabilité, l'utilité des poches à fermeture éclair, le bon ajustement, et l'élastique à la taille. Il croit qu'elle vient de l'armée allemande, je lui dis qu'elle est plutôt de confection française, en lui montrant l'étiquette de la mienne, qui indique Lille 1988. Il enlève sa sienne pour constater qu'il s'agit plutôt d'une Lille 1989. Je lui assure qu'il est de notoriété publique que son millésime est bien supérieur au mien. Nous rions un bon coup.

Dans le cadre de notre dialogue, qui d'une veste commune s'étend à une foule de sujets, j'apprends que Mathieu l'architecte est arrivé à Shanghai au bout de sept mois de voyage, amorcé de sa Bretagne natale, à partir de laquelle il a rejoint l'Estonie sur le pouce, pour ensuite traverser la Russie à bord du transsibérien, avec passage obligé par la Mongolie et ses habitants batailleurs.

Nos atomes sont de toute évidence crochus, et on convient d'y aller d'une balade nocturne dans la ville. Y avant déjà habité, il me montre des endroits sympas et m'en raconte des bonnes. Je passe une excellente première soirée en bonne compagnie, et je crois deviner que le sentiment est réciproque.

L'habit ne fait peut-être pas le moine, mais à Shanghai, il se charge des présentations.

mardi 13 novembre 2012

De retour

Je comptais contribuer au blogue à au moins quelques reprises pendant mon séjour à Shanghai. C'était sans compter la censure de ce site par le pouvoir chinois. Ce motif n'explique que partiellement mon absence de contribution, car je suis revenu le dimanche 18 novembre, tandis qu'il fait beau en ce mardi 20 novembre alors j'écris ces lignes. L'habitude d'écrire quotidiennement ayant ainsi été perdue en voyage, le retour au clavier s'est fait attendre.

Aujourd'hui et demain, je vais tenter de combler ce silence radar, et ainsi de peupler d'écrits les jours manqués, en y allant de courtes anecdotes sur mon périple. Voilà pourquoi le présent billet est datée du treize novembre plutôt que du vingt. Tous à bord!

dimanche 11 novembre 2012

Vouvoyagez

D'ici quelques heures, je quitte mon logis, me rends à pieds à la station la plus proche, prends le train et en descends à une station beaucoup plus vaste, atteints l'embarcadère et pénètre dans l'autocar, me fait transporter jusqu'à l'aéroport régional, y enregistre mes bagages et reçois ma carte d'embarquement, attends, me laisse porter par avion jusqu'à la plus grande ville du pays le plus populeux qui soit, y rejoins un ami, assiste à une joute de hockey.

D'ici quelques heures, un beau voyage s'amorce. D'ici là, une courte nuit s'impose.

samedi 10 novembre 2012

Mieux vantard que jamais

J'avais précédemment mentionné que, de mes objectifs hebdomadaires imposés depuis maintenant plus d'un mois, le maillon faible était celui lié à la forme physique. Concédant à l'époque qu'il était particulièrement relevé, avec ses deux sorties de course totalisant vingt kilomètres et ses deux séances en salle, j'avais décidé d'attendre un peu avant de le revoir à la basse.

Se trouve-t-il que la semaine dernière, j'ai pu l'atteindre pour la première fois, même si à strictement parler il m'a manqué environ cinquante mètres de course (ce petit secret restera entre nous, n'est-ce pas?). Cet objectif est certes rigoureux, mais il a son utilité et je ne vois pas de raison de le modifier. Pour en maintenir la pertinence, il n'y a d'autre choix que de répéter l'exploit, comme effort de bon aloi.

vendredi 9 novembre 2012

La déception

La déception peut revêtir une multitude de formes. Elle peut être vive comme légère, profonde comme passagère. On peut être déçu de soi-même, de la tournure des événements, de résultats contraires à nos attentes, d'occasions manquées. Elle est aussi ressentie lorsque quelque chose qui commence bien finit sur une fausse note.

Prenons en exemple l'emploi du français à la sauce japonaise. Règle générale, afin d'embellir leurs produits ou les rendre plus élégants, les entreprises d'ici recourent moins à notre belle langue qu'à un ramassis de mots agencés de manière plus ou moins intelligible. C'est l'apparence qui compte, alors tant que les accents sont nombreux, le sens n'a que peu d'importance. Cette pseudo-langue, on ne peut qu'en rire, et parfois cela donne de vrais bijoux. La partie de gauche de la photo, qui représente la couverture d'un cahier acheté il y a quelques mois, en constitue un bon exemple.

Il existe toutefois quelques exceptions, comme le côté droit, car parfois on tombe sur du vrai français, pas seulement son pastiche, ce qui provoque une agréable surprise. On lit le texte, bien heureux d'en comprendre le sens, jusqu'à la toute fin. C'est alors qu'elle vous saute aux yeux, cette fausse note finale qui fait mal. Ô déception, liquidatrice de tous mes espoirs.

jeudi 8 novembre 2012

Pardessus le marché

Vous êtes sorti de chez vous à la hâte en n'ayant qu'une petite veste sur le dos. Ce n'est qu'en chemin vers votre rendez-vous, auquel vous êtes en retard, que vous vous apercevez qu'il fait froid, beaucoup trop froid pour être si légèrement vêtu.

Il est trop tard pour rebrousser chemin, et déjà vous vous mettez à grelotter. Pris de panique, vous inventez toutes sortes de scénarios. Vous vous imaginez vous ramasser à l'hôpital, engourdi par une profonde hypothermie, ou pire finir gelé dans une ruelle.

Votre anxiété est pourtant sans fondement. Il fait froid, certes, mais ce n'est pas la Sibérie. Vous survivrez. La prochaine fois, suffira de mieux vous habiller. Mais plus que simplement rajouter des couches, vous devez voir la réalité en face et l'accepter comme telle : vous souffrez de problèmes manteau.

mardi 6 novembre 2012

Influences positives

J'ai appelé mes parents dimanche dernier. D'emblée, la conversation avec ma mère s'est centrée sur mes habitudes de jogging. Je lui en ai parlé volontiers, malgré la surprise d'un sujet si vite amené. J'ai tout compris lorsqu'elle a mentionné qu'un de ses cousins avait récemment été frappé par un chauffard alors qu'il courait le long d'une route en soirée avec un ami. Lorsqu'elle l'avait vu quelques jours après l'accident, il était mal en point, nécessitant des antidouleurs.

Cette mésaventure m'a fait réfléchir. Sans égard à la partie fautive, les cyclistes, les piétons et les joggeurs sortent invariablement perdants de collisions avec des véhicules. Ce cousin de ma mère était probablement aussi prudent que je crois l'être lorsque je jogge. Pourtant il s'est fait fauché.

Ce soir pour ma séance de course à pied, j'ai ainsi réagi. Je me suis rappelé la bandoulière réfléchissante récemment dénichée mais laissée dans son rayon car jugée inutile. Elle me semblait tout à coup idéale, et en tout début de parcours je suis passé au magasin me la procurer. Très confortable, elle m'a rassuré. En fin de course, j'ai même aperçu un homologue qui en portait une semblable. Nous étions unis par notre souci de sécurité!


Lors du même appel, ma mère m'a également indiqué qu'elle s'était mise à faire trente minutes de vélo stationnaire chaque matin, avant de déjeuner. Elle m'a révélé que mon blogue lui avait servi d'inspiration à l'adoption de cette habitude saine, à la lecture des billets dans lesquels j'annonçais mes objectifs quotidiens et hebdomadaires, en matière d'exercice physique et sur d'autres plans.

Lui parler ne m'a non seulement poussé à prendre une mesure concrète pour améliorer ma sécurité, mais m'a aussi permis de constater que moi aussi je pouvais influencer positivement les autres. Je dois lui parler plus souvent à ma maman.

lundi 5 novembre 2012

Son âme pour un hameçon

C'est l'histoire d'un vieil homme. Pêcheur, sa disette s'éternise. Il en est à quatre-vingt-quatre jour sans prise. Un jeune, avec lequel il pêchait à l'époque, lui tient compagnie sur la terre ferme, mais c'est en solitaire que le vieil homme pêche désormais.

Au quatre-vingt-cinquième jour, fidèle à sa routine il quitte le rivage avant l'aube, sans avoir déjeuné. Après quelques heures, au cours desquelles l'obscurité fait place à une lumière croissante, prélude au lever puis à l'ascension du soleil, une de ses lignes s'agite soudain. D'expérience, il sait qu'il en est présence d'un marlin. Il le laisse picosser sur l'appât, puis le ferre. La ligne se raidit sous une énorme tension.

Le poisson entraîne le navire dans son sillage. L'homme se dit que la bête, qu'il devine énorme, ne peut continuer ainsi bien longtemps, mais l'après-midi cède sa place à la soirée, qui devient nuit. Au petit matin, le monstre tire toujours le rafiot.

Le vieil homme a une main qui saigne, car brûlée par la friction de la ligne, et souffre d'une crampe à l'autre. Souhaitant conserver ses forces pour mener à bien son combat, l'homme taille en lanières un petit thon pêché la veille, qu'il mange cru, en se disant qu'il aimerait bien avoir du sel comme assaisonnement, et qu'il aimerait bien avoir le jeune à ses côtés. Ce dernier lui serait d'une précieuse aide.

La suite reste à découvrir. Moi même je l'ignore, car mon signet est inséré au moment ou cela se passe. À la manière de ce vieil homme, il est de bon thon ici de s'armer de patience, et d'éviter de faire le marlin.

dimanche 4 novembre 2012

Calepin


Le chemin parsemé d'études menant à l'examen de compétences linguistiques japonaises, prévu le 2 décembre, est incarné par un cahier rempli de gribouillis multicolores d'une importance capitale. Que Dieu m'emporte si je l'égare.

samedi 3 novembre 2012

Transporté


Il s'agit d'un de mes souvenirs les plus lointains, mais aussi l'un des plus vifs. Par une belle journée d'automne, les éducatrices de la garderie nous avaient emmené voir les trains de la ligne Chūō, depuis un viaduc surplombant les rails.

Je ne devais pas avoir plus de trois ou quatre ans à l'époque, mais je me souviens clairement du son émis par ces ingénieux engins, surtout du son, mais aussi de leur surprenante longueur. Ils semblaient énormes pour le bout de chou que j'étais. Malgré leur taille, on jurait qu'ils se déplaçaient sans effort.

Ce jour-là m'a changé à tout jamais. Ce fut l'étincelle d'une passion qui brûle en moi tout aussi vivement aujourd'hui qu'à l'époque. Au prix d'une persévérance frôlant l'entêtement et en dépit des exhortations de mes proches à tout abandonner, j'ai pu réaliser mon rêve, et je le vis chaque jour depuis des années : je suis pilote d'avion.

vendredi 2 novembre 2012

Shanghai hockey

Parlons hockey, en cette saison où son plus haut niveau fait défaut.

Shanghai se pointe lentement à l'horizon, si le visa répond à l'appel sans anicroche. Dans le cadre d'une courte escapade de cinq jours, j'irai y rejoindre Craig, de Winnipeg, que j'ai rencontré en Thaïlande il y a presque trois ans au hasard d'un gala de Muai Thai. Partageant avec lui l'appréciation du meilleur sport au monde, j'ai eu l'idée de lui proposer d'assister à une joute du Dragon de Shanghai, qui le 14 novembre affrontera les Eagles d'Oji, une équipe japonaise issue d'Hokkaido, de la Ligue d'Asie. C'est avec enthousiasme qu'il a répondu présent.

L'équipe locale n'a aucune victoire cette saison; les visiteurs en ont douze en treize parties. La léthargie n'est pas limitée au calendrier en cours : leur dernier triomphe remonte à 2009-2010, leur seul cette saison-là. À moins d'un coup de théâtre, l'issue en sera donc prévisible. Qu'importe, nous réclamons notre dose hockeyesque, au diable le duel serré.

En 2008-2009, Claude Lemieux a incidemment joué deux matchs pour l'équipe, à l'époque dénommée Sharks. Il s'agissait là de sa phase initiale de remise en forme, dans l'espoir d'effectuer un retour dans la LNH. Sa tentative fut couronnée d'un bref succès : les Sharks de San Jose, commanditaires de leur homonyme de Shanghai, d'où le nom identique, avaient fini par l'insérer dans l'équipe en fin de saison. Lemieux avait accroché ses patins, pour de bon cette fois, après seulement 18 matchs dans la grande ligue (ce qui est tout de même 18 matchs de plus que n'importe qui jouera dans la LNH cette saison, s'il y a maintien en la tendance).

Ce Lemieux m'amène à traiter d'un Lemieux qui jouait pas mal mieux, j'ai nommé Mario. C'est qu'un élève très doué, dénommé Koji mais souhaitant se faire surnommer Ken, m'en a parlé récemment. Il avait reçu des billets des Penguins alors qu'il travaillait à Pittsburgh, au tournant du XXIe siècle. Le hasard a voulu que le match en question ait été marqué par le retour au jeu du Magnifique, après une retraite de trois ans. En cette soirée du 27 décembre 2000, Ken, qui n'avait jamais vu de hockey de sa vie, avait été témoin d'un match historique, au sein d'une foule en liesse accueillant son idole, qui avait compté un but et ajouté deux passes.

Le hockey, c'est bien beau le regarder, il faut aussi le vivre. Samedi dernier, déguisé pour l'occasion en marathonien à la gloire révolue, au hasard d'une intersection de Roppongi encombrée de gens costumés j'ai rencontré Benoît le Québécois, incarnant un canard. Nous nous sommes mis en contact, et celui-ci m'a invité à me joindre à des parties de hockey-balle, organisées presque chaque semaine à divers arénas de Tokyo. Suffira de me procurer un bâton et le tour sera joué, ou plutôt le but sera scoré. Mon propre retour au jeu est prévu le 23 novembre.

À présent, permettez-moi de clore cet exposé sur notre sport national en y allant d'un fait surprenant. En me renseignant sur tout ce beau monde et ces belles équipes, j'ai découvert que Patrick Roy et Mario Lemieux n'ont pas seulement en commun de compter parmi les meilleurs hockeyeurs de l'histoire, ils sont aussi nés le même jour, le 5 octobre 1965. Lemieux, le Roy, la même date, ça m'épate.

jeudi 1 novembre 2012

Chiner pour la Chine

Je devais me lever tôt aujourd'hui, avec l'objectif d'arriver à l'ambassade de la République populaire de Chine au moment même de son ouverture. Je n'ai pas réussi. Le scénario habituel s'est répété : je parviens rarement à amorcer à l'heure voulue les activités sans horaire fixe, ou dont le retard n'entraîne aucune conséquence grave.

Par exemple, j'arrive régulièrement à mes leçons de japonais bien après les coups de dix heures prévus, et il est presque impossible pour moi d'arriver à l'heure d'ouverture de bureaux d'immigration, malgré la potentielle économie de temps ainsi engendrée.

En revanche, je ne suis jamais en retard au travail, l'imponctualité étant un des principaux motifs de congédiement de mon employeur, et qu'en de très rares occasions je manque des rendez-vous importants ou même des rencontres prévues entre amis.

Je suis ainsi arrivé à l'ambassade chinoise plus tard que j'eus voulu. Avant même d'y entrer, j'avais une certaine appréhension, malgré mon dossier complet et mes formulaires dûment remplis. C'est que j'avais entendu de deux amis des histoires contradictoires quant à l'obtention d'un visa de tourisme pour les ressortissants de pays tiers résidant au Japon.
Selon le premier récit, qui finit bien, le personnel de l'ambassade vous remet un beau visa le jour même, et vous repartez heureux et satisfait de l'efficacité sinobureaucratique.

Selon le second, plus sombre, le personnel consulaire ne fournit pas directement ce qui est pourtant un visa tout à fait basique, et vous devez vous rendre dans une agence de voyage jouxtant pratiquement l'ambassade, où des types louches mais bien connectés sont heureux de graisser la machine à visa pour vous, moyennant une contrepartie propre à vous sortir les yeux de leur orbite.
Mes recherches sur Internet concordaient malheureusement avec ce dernier cheminement, et la réceptionniste de l'ambassade n'a pas manqué de me le confirmer. Je suis sorti, mais au lieu d'entrer directement dans l'une des deux agences, car oui il semblait y en avoir deux, je suis passé devant en réfléchissant à la stratégie à adopter. C'est alors que j'ai vu sortir de l'une d'elles l'Anglais qui m'avait précédé à la réception du service consulaire.

Je lui ai demandé les prix exigés, ce à quoi il m'a répondu que pour un visa le jour même, c'était trente mille yens (370$), pour celui au bout de deux ou trois jour ouvrables, onze mille yen, et si je pouvais attendre 4 jours ouvrables, ça revenait à huit mille yens, ce qui représentait tout le même le double des frais de visa théoriques. Pressé par le temps et peu enclin à se faire détrousser de la sorte, ce pauvre type avait décidé d'abandonner l'idée de visiter la Cité interdite au cours d'une escale prochaine dans la capitale chinoise. Je lui ai remercié de m'avoir renseigné, et il m'a fait promettre d'apprécier doublement le pays, pour moi comme pour lui.

À la fois résigné et sur mes gardes, je suis entré dans l'agence, mais pas celle d'où était sorti l'Anglais. Connaissant les prix du concurrent, je me préparais à exercer mes talents de négociation. L'homme au guichet du fond m'a demandé de m'asseoir. Il a examiné mon dossier de demande, qui lui semblait satisfaisant, pour ensuite me confirmer que, puisque mon départ n'était que le treize, j'allais pouvoir venir récupérer mon visa mercredi prochain.

Les frais : sept mille yens, mille de moins qu'à côté. Surpris par ce prix, je n'ai même pas négocié. C'était mieux que prévu, et dans les circonstances j'estimais m'en sortir plutôt bien. J'eus pu lancer une campagne de pression pour forcer l'ambassade à changer ses pratiques pour ainsi éliminer la nécessité d'un tel intermédiaire, mais pareilles protestations indignées iront à une prochaine fois, ou à mon prochain, car on ne badine pas avec la Chine.

mercredi 31 octobre 2012

Aileron

À l'été 2003, sur les routes de France, je me promène à la rencontre d'âmes charitables partageant toit ou transport, aidé d'un pouce souvent brandi.

J'arrive à Nantes, grande et jolie ville de la côte atlantique. J'y accompagne un petit groupe de musiciens de Tours, venus se donner en prestation. Avant le spectacle, le propriétaire de la petite salle nous offre le repas au restaurant qu'il possède également. Au menu figure une darne de requin. N'ayant jamais mangé de squale, je me la commande.

Le concert est plaisant. Nous restons sur place quelques heures, puis je rentre avec Gaël, un des membres du groupe. Nous allons dormir chez ses parents, qui demeurent non loin.

Devant rentrer à Tours, le lendemain tôt il me dépose en bord de route. Je me dirige vers Vannes, en début de péninsule bretonne, car un étudiant universitaire rencontré quelques semaines auparavant m'a transmis les coordonnées d'un cousin en m'assurant que lui et sa femme seraient prêts à me rencontrer.

C'est au moment de notre rendez-vous que je me rends compte que ça ne tourne pas rond dans mes entrailles. Je ressens un vague inconfort, qui demeure tout de même gérable. J'en fais part à mon hôte. Médecin, il me donne un cachet devant m'aider. La nuit se passe bien, malgré tout.

Au matin, après le petit déjeuner, je les remercie pour leur hospitalité et vais explorer Vannes, une belle ville de province dotée de fortifications et de maisons à colombages. Mon état s'aggrave progressivement. Je vais à plusieurs reprises à la toilette publique, pour constater une consistance beaucoup plus liquide qu'à l'ordinaire. Mon système digestif est chamboulé, j'ai des sueurs froides. La journée avance, mais j'ignore toujours où je vais pouvoir dormir, la nuit venue.

En marchant vers la marina, je croise un couple dans la cinquantaine. Ils ne sortent pas de l'ordinaire, si ce n'est que la casquette de monsieur me surprend : elle est à l'effigie de la SPCUM, l'ancien acronyme de la police de Montréal!

J'adresse la parole à ce couple. L'homme m'indique qu'il est policier à la retraite. Il y a quelques années, il a été formateur auprès de policiers montréalais, d'où le couvre-chef qu'il porte en souvenir de son expérience.

Semble-t-il que j'ai bien caché mon jeu et que mon teint verdâtre n'était pas trop apparent, car après un moment, ils m'invitent chez eux pour le souper et la nuit. J'accepte volontiers, un peu soulagé de savoir que ce soir, au-dessus de moi il y aura un toit, et près de moi il y aura une toilette.
Ce n'est que bien installé chez eux que je finis par leur avouer que je souffre d'une terrible indigestion alimentaire aux dents de la mer. Ils se montrent compréhensifs, quoique la dame me paraît un peu déstabilisée par la révélation.

Je parviens tout de même à manger à table et à me montrer plaisant. L'effort m'est requis, d'autant plus qu'ils ont invité leur fille, son mari et leur jeune fille. J'estime faire plutôt bonne figure. La soirée se déroule plutôt bien.

Peu avant le départ de la fille et de sa famille, j'annonce que je tire ma révérence, malgré qu'il soit encore tôt, question de finir la lutte à l'indigestion dans mes quartiers. Se montrant indulgent à la lumière de mon état, monsieur me dirige vers leur chambre d'invités, située à l'étage, qui jouxte une salle de bains. Il s'assure que j'ai tout ce dont j'ai besoin, puis me souhaite bonne nuit.

Ma nuit est ponctuée d'une dizaine, voire d'une douzaine, de visites à la salle de bains. Je souffre d'une grave diarrhée, et chaque passage à la toilette ne résulte qu'en une petite quantité évacuée. Je me retrouve devant un dilemme : ou bien je tire la chasse chaque fois pour ne pas passer pour un sauvage ignorant tout des bonnes manières, au risque de les réveiller à tous coups car ils dorment au rez-de-chaussée, ou bien je laisse la cuvette accumuler des restants de requin en silence, au risque qu'au petit matin ils en découvrent l'horrible résultat.

J'opte pour la première option, entraînant un vacarme hydrique qui se répète la nuit durant. J'en ressens une certaine honte, plus vive à partir de la quatrième ou cinquième chasse d'eau. Ce n'est pas par hasard qu'au moment de me lever, alors même que je commence finalement à me sentir mieux, l'homme m'annonce que sa femme n'est pas là, ayant des courses à faire malgré qu'il soit encore de bonne heure. Tout indique que je ne verrai plus jamais cette dame.

Après un bref déjeuner, il me propose, ou plutôt m'annonce qu'il ira me déposer en bord de route pour que je puisse continuer mon aventure. J'accepte, et je le remercie pour son hospitalité. Je lui présente peut-être aussi mes excuses pour les caprices de ma digestion.

À nouveau en bord de route, revigoré par le petit-déjeuner et le sentiment d'être guéri, je souris aux conducteurs qui passent en songeant à cette épopée du requin avarié que je viens de traverser, sauvé par une casquette inspiratrice d'invitation.

mardi 30 octobre 2012

Arte carte

En voyage sur le pouce à Kyushu en mai dernier, un artisan de katanas, rencontré au hasard d'une conductrice qui voulait vraiment me le présenter, m'avait enseigné ichi-go ichi-é (一期一会). Normalement prononcée lors des cérémonies de thé, cette expression souligne que l'occasion est unique, et qu'il faut la célébrer ainsi, puisqu'il est fort probable que ne plus jamais revoir les gens avec lesquels on la partage.

Cette locution, rendue encore plus pertinente par le caractère fortuit des rencontres lors de ce voyage, m'avait tout de suite marqué de par son élégance, sa concision et sa représentation d'une facette incontournable des rapports humains. J'avais ainsi entrepris de l'utiliser régulièrement pour le restant de mon voyage, toujours à l'étonnement de mon interlocuteur.

L'une des dernières personnes rencontrées avant de rentrer à Tokyo, un homme d'affaires, m'avait proposé de m'imprimer des cartes de visite. Souhaitant la rendre mémorable, j'avais décidé d'y inclure 一期一会. J'ai pu observer le même effet positif chez ceux la recevant.

J'ai depuis quelques jours finalement donné la dernière carte de cet ensemble. En vue d'en demeurer pourvu pour ne pas être pris au dépourvu, aujourd'hui j'ai entrepris de concevoir et commander un nouvel ensemble sur le site Web d'un grand imprimeur, bien sûr en y conservant l'expression magique. Il a suffi de choisir la succursale où aller les chercher, pour ensuite patienter vingt-quatre heures. C'est donc dire que demain j'irai récupérer mes cartes, prêt à faire des rencontres de toute un vie avec des gens de tous horizons, tous uniques.

dimanche 28 octobre 2012

Chanter la pomme

Vous trouvez une pomme qui provoque en vous une vive impression de par sa tenue en main, sa forme, sa chair ferme, sa robe et... sa caisse de résonance. Vous la creusez, la sculptez. De simple fruit, elle devient instrument à vent, éphémère car destiné à brunir au contact de l'air.

Vous en jouez. Une musique divine s'en échappe, impossible à reproduire exactement, parce qu'à la manière de flocons de neige, chaque pomme est unique, et l'instrument qui en est issu est inimitable. Un stradivarius comestible.

Dès lors, vous vous savez spécial. Vous êtes artisan d'instruments. Votre spécialité, la fluite. Vous êtes fluitiste.

vendredi 26 octobre 2012

Champion

De l'importance d'un bon échauffement.
Je lui dois ma victoire à l'arrachée
au Marathon de Montréal en '82.




Marie-Josée: Julien est-ce ton déguisement d'Halloween?

Marie-Josée, il doit y avoir erreur sur la personne. Je ne suis pas un quelconque Julien mais l'illustre Roger V. Thibodeau de Varennes. Peut-être me reconnaîtras-tu plutôt par le nom qui m'a été donné par les médias : le Tombeur de records.  

Marie-Claude: T'as piqué la moustache à Freddie Mercury. 

Marie-Claude, c'est plutôt Freddie qui a coopté ma moustache, l'ayant lui-même admis à plusieurs reprises. Nous n'avons pas que la moustache en commun, néanmoins : lui faisait avec sa voix ce que moi j'accomplis avec mes jambes. De la pure magie.

Isabelle: J'adore, j'adore vraiment! Ça sent le parfum cheap jusqu'ici! 

Isabelle, les coureurs au cœur pur savent se refuser à pareils artifices de l'odorat. Le seul parfum que tu percevras à mes côtés proviendra de mes glandes sudorifiques alors même que je me donnerai corps et âme dans la noblesse de l'effort humain. Amen.  

Marjolaine: La flexibilité se perd de nos jours. C'est un statement? 

Marjolaine, c'est mon statement en effet. Il a du poids, venant d'un coureur qualifié à 15 reprises consécutives au Marathon de Boston, et membre du comité d'administration de celui de St-Félicien. Je dois admettre toutefois qu'en dépit de ma forme physique phénoménale d'athlète d'exception, une douleur à l'aine assez criante est perçue au moment de se passer la jambe au-dessus d'une rambarde.  

Jules: Attention à ta genouillère quand tu cours comme Terry Fox: elle semble avoir glissé vers le bas (turbo).

Jules, c'est à pareil conseil qu'on reconnaît ses véritables alliés dans la quête de la perfection cardiovasculaire dépourvue de blessures. Comment se déroulent tes préparatifs en vue du triathlon de Cornwall au printemps '83?

mercredi 24 octobre 2012

Marathon cycliste



Je me suis levé ce matin avec une mission : soumettre ma demande de renouvellement de visa, nécessitant d'abord de me rendre au bureau municipal de mon ancien quartier. Ce plan a bien failli se dérailler, mais un à un les contretemps ont été rayés, de courage je me suis greyé, et à ma cause mes jambes se sont ralliées, pour ce qui a été au final un rallye sans pareil.

Il m'aura fallu subir la surprise d'un courriel de travail urgent occasionnant un départ fort retardé, abandonner l'idée de tout faire en une journée, abandonner cette idée d'abandon grâce à des services municipaux à la vitesse de la lumière, parcourir une vingtaine de kilomètres à toute allure pour arriver avant la fermeture du service d'immigration, et finalement y démontrer une bonne aptitude à la patience en attendant le traitement de mon dossier. À présent je peux déclarer mission accomplie. Ne me reste plus que le sentiment du fait accompli, soit de voir le visa figurer dans mon passeport, d'ici moins de deux semaines ouvrables.

Sa tâche herculéenne appartenant désormais au passé, le marathonien à roulettes accède finalement au podium qu'est son lit. Bonne nuit!

mardi 23 octobre 2012

Courir le 42 300 mètres haies

Le chemin de renouvellement de visa aime se parsemer d'embûches. Tirez-vous donc une bûche, que je vous en conte une bonne.

J'ai mentionné récemment que le directeur de mon ancienne école de japonais, où j'enseigne le français à l'occasion, avait offert que son institut parraine mon visa. Vendredi dernier, mettant la main sur le formulaire qu'il avait dûment rempli, je croyais être fin prêt à soumettre mon dossier à l'immigration. C'était prendre mes désirs pour des réalités.

Le premier obstacle, somme toute gérable, se dresse au moment d'appeler la ligne d'information d'immigration pour confirmer les documents requis dans mon dossier. La dame à l'autre bout du fil me surprend en précisant qu'il me faut un document au long nom (jūminzei kazeishōmeisho, 住民税課税証明書). Il s'agit d'un relevé de taxes municipales, à obtenir au bureau d'arrondissement, dénommé kuyakusho (区役所), qui ferme à 17h. Puisqu'il est près et qu'il me reste encore quarante minutes, je m'y précipite à vélo.

C'est alors qu'un nouvel obstacle, plus redoutable, prend la relève de son confrère déchu. Prenant un air navré, l'employé de la section fiscale m'indique que puisque j'ai emménagé dans l'arrondissement de Shinjuku au mois de juin, et donc que je n'y vis pas depuis le début de l'année, il ne peut accéder à ma demande. Je dois plutôt me référer au bureau de l'arrondissement au sein duquel j'habitais en début d'année, Adachi. Je suis dépité, car il est loin Adachi. Je quitte l'endroit bredouille, accueilli à la sortie par une pluie naissante, compagnonne idéale de mon état d'esprit.

La déception du moment estompée, et refusant de me laisser abattre par de telles tribulations triviales, je décide que demain matin non seulement à vélo j'irai obtenir mon jūminzei kazeishōmeisho, mais, doté d'un dossier ainsi complété, je me rendrai ensuite directement au bureau d'immigration, pour tout régler la même journée. La tâche n'est pas mince : 12,2 kilomètres me séparent du kuyakusho, lequel est à 18,6 kilomètres du bureau d'immigration, à partir duquel je devrai parcourir 11,5 kilomètres pour rentrer à bon port. Un total de 42,3 kilomètres, soit une centaine de mètres de plus que la distance officielle d'un marathon.

Devenu athlète par la force des visées de visa, je ne ferai qu'une bouchée des embûches. C'est du moins mon désir, en espérant qu'il devienne réalité.

lundi 22 octobre 2012

Le timing

En pleine leçon de japonais avec Nakakami-sensei, mon téléphone cellulaire retentit, un peu fort à mon goût. C'est un représentant du service de messagerie Sagawa, qui me demande de confirmer le nom de mon immeuble d'habitation. (Pour tout dire, je n'ai initialement pas bien saisi qui il était et ce qu'il voulait. J'ai dû le faire répéter, mais avec l'aide mon enseignante j'ai fini par comprendre.) Je suppose qu'il doit me livrer les produits naturels que j'ai commandés la semaine dernière.

Je lui indique que j'habite au Royal Garden, bien que cette bâtisse qui n'est pas un jardin soit dépourvue de toute prétention au trône. Étant encore en cours, je lui précise que je devrais être de retour à domicile à compter de 15h30. Il m'assure qu'il pourra venir à ce moment-là.

Je reviens chez moi à 15h28. En levant les yeux de ma montre, j'aperçois la camionnette de l'entreprise qui se stationne tout près. Je gare mon vélo, et je vais à la rencontre du livreur. Ne le voyant pas dans la cabine, je me dis qu'il est déjà à l'arrière, en train de prendre mon colis. Je m'y rends. Il me fait dos, à finir de trouver ses boîtes. J'essaie d'attirer doucement son attention. Il sursaute puis reprend ses esprits. Je lui indique mon nom, il me demande une signature et me remets mon paquet, nous nous souhaitons bonne continuation.

Je suis content d'avoir reçu la commande dès mon retour, et lui doit être content de ne pas devoir me la porter au sixième. Heureusement que je n'avais pas prétendu arriver plus tôt, comme bluff pour favoriser une livraison plus rapide. Nous n'aurions pu nous réjouir d'un timing si idéal, et lui n'aurait jamais pu raconter à ses collègues l'anecdote de l'étrange étranger, source de sursaut.



dimanche 21 octobre 2012

Osier

Mon ami Alain a décidé de déménager son bureau. De l'endroit actuel où il effectue son travail seul, il a décidé d'emménager dans un espace commun pour entrepreneurs, dans une tour inaugurée il n'y a pas six mois à deux pas de la station Shibuya.

L'endroit étant à la fois plus vivant et plus abordable, Alain y gagne au change. Moi aussi, car devant se débarrasser de son mobilier, devenu superflu, il m'a offert un futon et un coffre en rotin, qui s'agenceront bien avec mes meubles, en plus de me vendre à bon marché un fauteuil de travail, qui saura avec brio remplacer ma vieille chaise, dont le revêtement tombe en lambeaux.

Nous avons rendez-vous demain matin, devant l'immeuble qu'il s'apprête à quitter, afin d'apporter ensemble le stock chez moi. Comme le lieu de rencontre est à moins de huit kilomètres, je compte m'y rendre par mes propres moyens joggingnesques. Offrande méritée à la sueur de mon front.





samedi 20 octobre 2012

Paie-doyer

Hayato l'élève est propriétaire d'entreprise. Notre leçon doit porter sur les plaintes, celles qu'il reçoit comme celles qu'il formule, et il en vient à mentionner un client mauvais payeur, ou plutôt pas du tout payeur.

Après des mois à se montrer patient dans l'espoir de recevoir son dû, il se résigne à signifier à l'entreprise familiale fautive une convocation à comparaître à la cour des petites créances. Comme de fait, ce n'est qu'à la réception de cet avis, sans mise en demeure préalable, que le client se décide à se montrer conciliant et à vouloir trouver un terrain d'entente, mais c'est trop peu trop tard pour Hayato (je lui enseigne à ce moment I'll see you in court! et, plus grossièrement, I'll sue your ass off!, phrases typiques des films américains à saveur juridique).

Au sein du monde entrepreneurial japonais, on confie rarement aux tribunaux la résolution des différends, tendance qui reflète la volonté sociétale généralisée de minimiser ou mieux éviter les conflits et confrontations.

Je suis tout de même heureux qu'on y ait recours en dernier recours, pour que justice soit faite. Ce n'est pas sans me rappeler une certaine demeurée qui, échaudée par une mise en demeure, s'était motivée à me payer.

vendredi 19 octobre 2012

L'erreur s'improvisant bénédiction

Il y a quelques jours au matin, je me prépare à sortir de chez moi pour la journée. Je rassemble ainsi ce dont j'aurai besoin, dont mes manuels de japonais, ma gourde d'eau remplie, un chandail en cas de temps froid, une collation. Je suis fin prêt si ce n'est que mon trousseau de clés manque à l'appel.

Je ne m'énerve pas inutilement. Il me reste encore un peu de temps, alors je cherche comme du monde. Rien à faire. Même après quelques minutes, l’absence confère à mes clés une certaine brillance.

Je me rabats sur mes clés de rechange. Il ne s'agit pas là d'une situation idéale, mais ma journée n'est pas ruinée pour autant et, en retraçant mon parcours de la vieille, je suis à peu près persuadé que les disparues languissent à quelque part dans mon foyer. Où exactement, c'est ce que j'ignore.

Après deux jours d'usage des clés d'urgence, hier soir en me penchant pour ramasser un objet au sol j'aperçois le trousseau truand, dissimulé sous mon micro-ondes. C'est là qu'il se terrait!

Ce matin, me servant de mes clés rescapées pour verrouiller mon logis et libérer mon vélo, je me rends au travail. Sur place, je me dévêtis de mon attirail cycliste pour enfiler chemise, cravate et pantalons, l'uniforme de rigueur.

Si, en temps normal, la besogne terminée je rentre directement au bercail, aujourd'hui j'ai rendez-vous avec ma copine à Roppongi, pour assister à l'exposition d'un mangaka de renom. Comme je dois m'y rendre le plus vite possible, je ne me change pas et j'y vais en métro, quitte à laisser mon vélo devant l'école pour la nuit.

Je suis presque arrivé lorsque la réalisation, soudaine et terrifiante, me fait tressaillir : mes clés sont dans mon short de vélo, resté au travail! L'école est fermée, que faire? Devrais-je dormir à l'hôtel ce soir, et enseigner dans les même fringues demain? Oh non!

Attends un peu... Ah, oui! Je saisis mon portefeuille, j'en ouvre la pochette centrale. Par miracle s'y trouvent mes clés de secours, que j'avais omis de ranger après avoir retrouvé leurs homologues usuelles. Quelle chance!

L'esprit apaisé, je m'en vais rejoindre ma copine, heureux qu'une situation potentiellement misérable, grâce à une bévue banale, ait connue un dénouement agréable.