samedi 31 mars 2012

Poisson de Virginie

Mon oncle vient d'annoncer qu'il a percuté un cerf au volant de sa voiture. Cerf-volant.

Plutôt, il a heurté un cerf d'abord projeté par le véhicule qui roulait à sa gauche. 

Il s'en est sorti indemne. Mon oncle, pas le cerf.

Dans le chemin parsemé de véhicules qu'est la vie, faut faire gare. 

Aveuglé par les phares, facile de finir fauché.


vendredi 30 mars 2012

Hong cogne

Il y a deux mois, sa collègue de travail

Maintenant, sa copine

Demain, officiellement sa fiancée

Dans deux semaines, mariage civil


Shunsuke l'étudiant


Vite en affaire

Car sous peu catapulté à Hong Kong

Pour y travailler quelques années

Et souhaitant y aller accompagné

mercredi 28 mars 2012

Pitre la truite

La chaleur humaine. Dans un train bondé ramenant les banlieusards à leur dortoir, elle n'est pas aussi plaisante que la chaleur humaine, version figurée, dont on aurait tant besoin.
Cordé parmi d'autres sardines du train de minuit de la ligne Chiyoda, certaines sentant le fond de tonneau, je songe à ce que cela signifie, de faire partie du plus important mouvement quotidien de population au monde.

Ce sont vingt millions d'âmes qui chaque jour utilisent le vaste réseau tokyoïte de transport en commun comme principal moyen de se mouvoir, la plupart vivant dans l'excentre et travaillant ou étudiant au centre.

À titre de comparaison, l'Allemagne, le pays européen recourant le plus intensément au transport en commun, ne compte que dix millions d'usagers quotidiens, pour une population totale plus de deux fois et demie supérieure.

L'infrastructure ferroviaire sous-tendant cette réalité est évidemment immense, et en expansion. Trente opérateurs exploitent cent vingt-et-une lignes de train ou de métro, près de neuf cent gares, dont Shinjuku, la plus achalandée du monde.

Dans cette masse, les trains sont rarement en retard. Quand je jette un œil à ma montre pour vérifier l'arrivée du train, je ne m'attarde non pas aux minutes mais aux secondes.

Si seulement davantage de villes étaient ainsi, où la voiture constitue un moyen de transport secondaire, où malgré les millions d'habitants, l'air n'est pas vicié, le smog, pratiquement inexistant. D'ici là, je vais rester cordé parmi mes amis les sardines.

mardi 27 mars 2012

Rue principale

Avec George, mon coloc
Comme demande spéciale
Dans le bar j’ai demandé
À ce qu’on joue les Colocs

À une heure cinquante-six.
Non pas à treize heures cinquante-six, mais bien à une heure cinquante-six.
Au beau milieu de la nuit, autrement dit, j’entre dans le bureau de poste de Takenotsuka, mon quartier. Et oui, il est ouvert, à une heure si tardive, ou matinale. Un bureau de poste desservant le public à presque deux heures du matin, pensez-y bien. En fait, c’est en toute candeur que je dois vous avouer qu’il est ouvert vingt-quatre heures.

À la main, j’ai le bout de papier confirmant que plus tôt en journée, un facteur est venu cogner à ma porte alors que je n’y étais pas pour me livrer un colis. Je sais ce que je suis venu y récupérer. Mon nouveau passeport, que l’ambassade m’avait déjà envoyé à une reprise, mais que je n'avais pas reçu, pour cause de bout de papier manquant. 

En entrant dans la petite pièce dotée d’un guichet de service, tout d’abord personne ne s’y trouve. Puis accourt du fin fond de l’entrepôt, que je peux entrevoir, un employé, probablement affecté au tri du courrier pour son quart de nuit.

Je lui présente mon bout de papier, et il s’enfonce à nouveau dans les entrailles de l’entrepôt postal. Il en ressort après un moment, une petite enveloppe brune à la main. Je signe sur un autre bout de papier, il me remet l'enveloppe. Revenu chez moi, je constante qu'elle contient bel et bien mon nouveau passeport et le précédent, annulé. Je ressens alors le sentiment du devoir accompli.

Il m'aura fallu cinq ans pour me faire disparaître la barbe

Pour le jour de mon anniversaire, même si techniquement il était déjà le 29, mais c’est pas grave, c’était ma fête, bon!, voilà le fait saillant : l’obtention d’un beau passeport attrayant. 

Qu’on me permettre de voyager sans ambages, peu importe mon âge, voilà un beau cadeau!

dimanche 25 mars 2012

Du travail acharné, des vacances méritées

En période travaillée, je veux travailler d'arrache-pied, au maximum engranger.
En vacancier, je veux estimer que je le mérite, mon congé. Au maximum je veux en profiter.

Kagoshima, sur l'Île de Kyushu, au sud-ouest du Japon, m'attend à compter du trente avril. Il y a également fort à parier qu'au cours de ces trois semaines m'attend aussi la Chine, que je rejoindrai du meilleur moyen maritime, le traversier.

Si je compte en profiter, il n'est pas exagéré de m'avouer présentement de travail débordé.
Ces vacances, faut les payer. Les contrées à visiter, faut les mériter.

vendredi 23 mars 2012

Vie de chien

Le chien se lève paresseusement. Dans l'après-midi suffocante, l'ombre s'est déplacée. Il la rejoint, fait un tour sur lui-même, puis se couche. De quelques coups de patte, il se gratte l'oreille droite. Il reprend sa sieste tandis que vole une mouche, non loin.

mercredi 21 mars 2012

Fières-les-Courses

Je cours.
Je cours en début de soirée.
Je cours en début de soirée le long d'un boulevard pas particulièrement passant.

J'arrive à la hauteur d'un magasin grande surface dénommé Tokyo Liquor World, situé de l'autre côté.

Ils ont peut-être en stock quelques bières d'importation dignes de dégustation, que je me dis en me fiant au nom.

J'emprunte le viaduc piétonnier, non loin devant. Arrivé sur l'autre côté du boulevard, je rebrousse chemin et entre dans l'établissement.

À ma surprise, je suis accueilli par des aliments peu appétissants et une odeur de renfermé. Aucune boisson alcoolisée en vue. Je demande au caissier, qui me pointe une petite annexe. J'y vais.

S'y trouve une sélection terne de vins, d'alcool fort et de saké. Les seules bières à portée d’œil sont japonaises et grand public.

Sur le point de sortir du magasin pour reprendre ma course les mains vides, j'aperçois une étagère comportant une douzaine de bouteilles de vin disparates. La plupart sont emballées de cellophane quétaine, parfois décoré de cœurs. De toute évidence l'inventaire invendu de la Saint-Valentin.

Une d'entre elles se démarque. Il s'agit de bière! La Gouden Carolus, une belge inconnue mais aguichante, dont l'attrait est accru par le morceau de chocolat belge en prime accroché à son goulot.

Je me la procure, demande au caissier de bien vouloir jeter le cellophane, puis reprends mon chemin au pas de course, tenant bien mon butin.

Certains font leur jogging bouteille d'eau à la main. Les fiers y vont de bière.

Citoyenne du monde

lundi 19 mars 2012

Stars en salle

Un sac de manger sur fond de carte du monde
Parlons entraînement, dixit l'homme qui n'en avait jamais fait auparavant, mais qui trouve ça plaisant.

Depuis quelques semaines, je me suis mis à consommer des noix et fruits séchés avant et après mes entraînements en salle. Le défi avait surtout consisté à dénicher une épicerie qui en vendait. Au menu, raisins secs, papaye sèche, noix de cajou, amandes et graines de citrouilles. Il y avait initialement des bananes séchées en rondelles, mais je les ai jugées trop pénibles à croquer.

Pour m'activer l'organe à ne pas lâcher qu'on surnomme patate, bref comme activité cardiovasculaire, j'ai décidé de procurer une corde à danser, pour y aller de séries de cent sauts à l'échauffement et entre les exercices. Initialement maladroit, j'ai depuis gagné en coordination, si bien qu'il m'arrive d'achever ma série de cent sauts sans faux pas, ou plutôt sans faux saut.

L'une des séries proposées par mon pote Charles, qui fait travailler les muscles des épaules, est baptisée Arnold Dumbbell Press, en l'honneur de M. Schwarzenegger, qui l'aurait inventée ou du moins popularisée.

Dans mes dernières répétitions, alors que la gravité et l'acide lactique commencent à avoir le dessus, je m'imagine en version maigrichonne d'Arnold, et je redouble d'ardeur, une goutte descendant dramatiquement le long de ma tempe. Hasta la Vista, baby. 

Quand approche mon centième saut de corde à danser, en autre acteur hollywoodien, les jambes endolories je me vois presque m'écrier Adrienne!

jeudi 15 mars 2012

Tempérament temporel

C'est toujours sous l'effet de la pression, de la dernière minute, que je montre le plus productif. Bon nombre partagent ce tempérament.

Quand j'ai le temps, je m'éternise, je procrastine. Le temps que j'ai, je le gaspille jusqu'à ce qu'il devienne néant, puis commence l'urgence d'accomplir ce que j'avais naguère amplement le temps d'achever mais qu'à présent je fais en catastrophe.

Et à présent, je fais en catastrophe la présente entrée, deux heures du matin dépassées. Au fond, je contribue rarement au blogue avant la tombée de la nuit, ou même avant minuit. Je repousse la rédaction jusqu'aux derniers retranchements de la journée, ou bien souvent je suis fatigué et sous-inspiré au point de ne rien composer.

Parfois j'ai des idées en tête qui ne s'articuleraient pas autrement qu'en texte d'une certaine longueur, mais dépité par l'heure avancée de l'Asie de l'Est, je laisse tomber.

À moi d'opérer le décalage de mon horaire, car cette habitude de proscratinateur, j'en ai horreur.

mercredi 14 mars 2012

Pentatonique

Une entrée aux phrases courtes. 

Combien de mots au maximum? 
Cinq, j'ai décidé.
Cinq, c'est limité. 
Dans le gras faut couper.

Que dire en cinq mots?
Qu'importe. Tant que ça soit concis. 
Même sans sens? Pas de soucis.

Demain, leçon de français. 
De retour après trois semaines.
Bonjour, comment allez-vous?

Vingt mars, jour férié. 
En congé, que faire? 
Bonjour, que ferez-vous?

Heure avancée, futon m'appelle.
 Je me lève, je réponds.

lundi 12 mars 2012

Tougas

Belle journée ensoleillée de mars. Moment idéal pour jogger. 

Quinze kilomètres peu hâtés, entrecoupés d'une pause solaire en bord de rivière.

Un visage ayant pris de la couleur, tendant vers le rouge.

Du linge étendu sans presse sur le balcon baigné de lumière.

Une sieste, au soleil, de la lecture, au soleil, de l'écriture, au soleil.

Un soleil faiblissant de fin de journée. 

Une journée fortement plaisante qui prend fin.

dimanche 11 mars 2012

Un an et un jour après

Hier c'était le premier anniversaire. Une année déjà écoulée. À 14h46, moment fatidique, une prière en silence. Prière manquée. Nous nous hâtions vers notre point de rencontre, parc Hibiya, stratégique car près du cœur législatif, exécutif et judiciaire du pays.

Le rendez-vous, sur invitation d'une amie, était le point de départ d'une manifestation contre le nucléaire. Je suis ambivalent quant à l'enjeu, mais je me suis prêté au jeu. C'est bien beau dire non au nucléaire, mais par quoi le remplacer? La question, complexe, se pose. Les slogans simplistes n'y changent rien.

Tout de même, une première pour moi, un tel mouvement citoyen en sol japonais. Un anniversaire bien souligné. J'avais bien fait de prendre congé.

jeudi 8 mars 2012

D'aujourdhui à hier

Hier toute la journée il a plu
Aujourd'hui c'est neige qui tombe dru
Hier la météo ne m'a pas plu
Aujourd'hui elle ne plaît pas non plus

mercredi 7 mars 2012

Datation

Mon ancienne école de japonais, où à l'occasion j'enseigne le français, est dotée d'une petite bibliothèque composée de titres anglais et japonais, certains datant visiblement d'un certain temps. Je n'ai jamais vu quiconque y prendre un livre.

Il y a quelques semaines, j'ai décidé d'y puiser un peu de lecture, tout d'abord par The Sun also Rises, d'Ernest Hemingway. Sur la première page, son propriétaire initial avait indiqué l'année, 1965, et le lieu d'achat, Maruzen Tokyo. Quatre ans à peine après la mort autoinfligée d'Hemingway!

Ce roman m'ayant plu de par sa prose succincte, voire minimaliste, je l'ai aujourd'hui échangé contre The Snows of Kilimanjaro du même auteur, un recueil de nouvelles lui aussi jauni par le temps. L'inscription de son acheteur, cette fois sur la pochette arrière, n'indique pas la provenance, mais la date est plus précise.


Le 7 décembre 1968. Je cherche sur Internet, et datesinhistory.com m'apprend qu'un certain Richard Dodd a ce jour-là rendu à la bibliothèque un livre emprunté en 1823 par son arrière-grand-père.

Des dates, des bouquins qui datent, quel thème qui épate!

mardi 6 mars 2012

Ambassadique

Me voilà dans le train à neuf heures vingt-huit du matin. Direction ambassade canadienne, pour y déposer ma demande de renouvellement de passeport. Comme c'est mon habitude dans pareille situation, je m'imagine avoir oublié à la maison quelque document justificatif essentiel, comme si la lumière du four distraitement laissée allumée allait faire dérailler tout le processus.

Dérailler, judicieux choix de verbe dans un train bondé.

La disponibilité des services consulaires de l'ambassade ne s'étend que de neuf heures trente à midi. Faudrait bien y aller d'un commentaire désobligeant du genre, font rien que travailler deux heures et demie par jour ces fonctionnaires pourris sales, mais je m'abstiens, ou presque, car je sais bien qu'il y a beaucoup de travail à faire au-delà de se montrer plus disponibles auprès des citoyens canadiens.


Une école de conduite de mon quartier, dont la publicité me dévisage dans le métro, a un logo ressemblant notablement aux caractères runiques des SS nazis. Je sais maintenant pourquoi je préfère le train à la voiture comme moyen de me mouvoir.

Consul dise, je vous ambasse, mes chers.

lundi 5 mars 2012

Entrevue d'anniversaire

Monsieur Pitre, je suis journaliste au Nouvelliste et je suis en train de préparer un article en vue du premier anniversaire de Fukushima

Cet événement vous a-t-il donné envie de revenir au Canada? Sinon, pourquoi êtes-vous resté au Japon?
Je mentirais si je prétendais ne pas avoir eu peur, n’avoir jamais eu de doute quant à l’avenir de ma vie au Japon. Dans les premiers jours de la crise, au beau milieu des perpétuelles répliques du séisme (la plupart plus fortes que ce que la majorité des Mauriciens ont pu ressentir dans leur vie), et surtout après les explosions d’hydrogène qu’on disait sans danger à Fukushima Daiichi, j’étais sur le qui-vive, confus, parfois effrayé, les denrées essentielles de plus en plus rares dans les supermarchés n’aidant pas.

Le mardi 15 mars, le séisme s’étant produit le vendredi précédent, j’ai décidé de m’évacuer de Tokyo, pour aller à Hiroshima, à 800 km à l’ouest, afin d'y rejoindre un ami. Ne m’a pas échappé l’ironie d’aller à Hiroshima pour m’éloigner d’une crise nucléaire! Après des vacances, prévues avant le séisme, à Okinawa et Ishigaki, îles à l’extrême sud du pays, je suis revenu à Tokyo au début avril, où je continue à vivre depuis.

En décidant de rester, j’estimais que les risques inhérents aux problèmes à la centrale de Fukushima, qui se situe tout de même à plus de deux cents kilomètres de Tokyo, ne justifiaient pas de faire une croix sur mes projets nippons. À l’aube du premier anniversaire de Fukushima, je ne regrette pas cette décision.

Que faites-vous au Japon (travail)?
J’y apprends le japonais, j’enseigne le français et l’anglais, et je suis traducteur, ce qui était mon métier avant ma venue. Je suis également auteur à mes heures.

De quelle municipalité en Mauricie êtes-vous originaire?
Je suis né à Shawinigan, mais mes parents et amis habitent Trois-Rivières. Autant me dire Trifluvien.

Est-ce que vous avez été obligé de changer certaines habitudes depuis l'événement? (ex.: vérifier la provenance des aliments, éviter de manger du poisson, éviter de circuler à certains endroits au Japon)
Je n’ai rien modifié à mes habitudes, si ce n’est que, pour la première fois de ma vie, j’ai fait du bénévolat, dans la ville d’Ishinomaki, l’une des plus dévastées par le tsunami. Je n’y ai consacré que quelques jours, mais des centaines de bénévoles beaucoup plus dévoués que moi, Japonais comme étrangers, certains y œuvrant des mois durant, y font toute la différence, en aidant les survivants à rebâtir leur vie, à trouver la force de faire leur deuil d’êtres chers et de se tourner vers l’avenir. Il s’agit là d’une grande leçon d’humilité, et j’espère pouvoir y retourner sous peu.

Vous sentiez-vous bien informé de la situation lors des événements?
Je m’informais presque exclusivement auprès de la BBC, et je crois qu’elle faisait du bon boulot.

Il régnait une grande confusion dans les premières heures et premiers jours de la crise. Je crois que non seulement autant les autorités que les dirigeants de TEPCO, la société exploitant notamment les centrales Fukushima Daiichi et Daini, voulaient éviter de semer la panique chez les Tokyoïtes (imaginez devoir évacuer une agglomération aussi peuplée que le Canada tout entier), mais qu'eux-mêmes ignoraient également ce qui se passait réellement.

Ni TEPCO ni les autorités n’étaient préparées à la possibilité qu’une centrale nucléaire puisse être frappée d'un doublé séisme-tsunami, bien qu’elles eussent dû l’être, la centrale ayant été construite en bord de mer dans l’une des régions les plus actives au monde sur le plan sismique. Elles n’ont donc eu choix que d’improviser dans les premiers temps, progressant à tâtons dans le brouillard d’une situation allant dans une direction inconnue. Le pompage d’eau de mer directement dans l’enceinte des réacteurs ne faisait sûrement pas partie des procédures établies d’exploitation d’une centrale nucléaire!

Est-ce qu'on parle encore de l'affaire Fukushima, un an après?
Les gens n’en parlent pas souvent entre eux, bien que les médias traitent assez régulièrement de divers aspects de cette réalité, notamment des questions de radiation, le sort des milliers de travailleurs affectés au nettoyage de Daiichi, la viabilité de TEPCO compte tenu des frais énormes ainsi engagés, l’avenir des résidents évacués de la zone d’exclusion. Le gouvernement a estimé que la mise hors service complète de Fukushima Daiichi pourrait prendre jusqu’à une quarantaine d’années. Tout indique qu’on en entendra parler longtemps encore!

samedi 3 mars 2012

Faire rage ou ferrage

Nous avons parlé d'entrepreneurs, des qualités requises pour en être un bon. Figurait notamment la volonté de prendre des risques, malgré le potentiel d'échec.

Ayant une faible tolérance au risque, comme nombre de ses compatriotes, il a estimé qu'il n'avait pas ce qu'il faudrait pour être un tel pionner.

Nous avons discuté longuement de Sachio Semmoto, fondateur de KDDI, société qui fut l'un des premiers concurrents de NTT privatisée, jadis monopole gouvernemental de l'industrie des télécommunications.

Il m'a exprimé son appréciation de la leçon. Le sentant sincère, je lui ai dit qu'il pouvait toujours demander au personnel de soutien de n'avoir que moi comme enseignant.

Quelques minutes plus tard, Kondo-san à la réception m'indique que l'élève Koji m'a réclamé comme instituteur préféré. Je l'ai bien ferré, et ainsi la journée s'est bien achevée!

Ça doit faire une heure maintenant

J'imagine que tu as d'autres projets en veilleuse, 
j'ai bien hâte de les lire lorsqu'ils seront complétés!

Ainsi m'écrivait mon ami Frédéric dans sa réponse à mon courriel, dans lequel je lui demandais de me servir de référant dans le cadre du renouvellement de mon passeport. Son message, contenant beaucoup d'autres phrases, était particulièrement étoffé en tant que survol de sa nouvelle vie à Ottawa, depuis son déménagement, avec sa copine Lucie.

C'est en rédigeant ma propre réponse à son courriel, réponse qui a dû attendre une journée, car je voulais lui en rédiger une digne de lecture, au-delà du simple remerciement pour sa volonté de faire office de référant et de me transmettre ses coordonnées, que j'ai eu l'idée d'écrire sans cesse, ou presque, pendant une heure juste, juste pour voir ce qui en résulterait. Comme j'ai écrit à Fred en lui annonçant que l'idée de cette heure à tricoter le clavier venait de me traverser l'esprit, dans cette avalanche de mots, il y aura bien quelques flocons valables de détour. Fred saura me pardonner cette indiscrétion, ce dévoilement au grand jour de mots qui devaient rester entre nous.

Déjà presque dix minutes de temps sous mes pieds dérobé. Déjà quatorze mois depuis mon arrivée en sol de soleil levant. Mars y est, et sous peu la date fatidique du onze, marquant le premier anniversaire du jour où la terre s'est secouée un peu plus qu'à l'habitude. Ça faisait une secousse qu'on avait pas senti une telle secousse, qu'aurait dit mon grand-père, si, improbablement, il avait été Japonais doué du parler canadien français. 

Romuald a d'ailleurs eu quatre-vingt-sept ans le mois dernier, et lui et son épouse, ma grand-mère Thérèse, ont décidé, compte tenu de leur autonomie en perte d'indépendance, d'emménager dans une résidence de retraite. C'est donc dire qu'à toutes fins pratiques je ne mettrai plus jamais les pieds dans leur maison, lieu de riches et nombreux souvenirs infantiles. Je ne vois mes grands-parents que rarement, et j'ai honte de ne pas les voir plus souvent, de ne pas faire d'effort en ce sens. Je résous ici même de leur donner un coup de fil. Maman, rappelle-moi leur numéro de téléphone, s'il-te-plaît.

Grand-papa est né en mille-neuf-cent-vingt-cinq, la mention de ce fait ici n'a pour motif que de souligner ma préférence pour les chiffres en toutes lettres. J'aime les chiffres en lettres, mais pas les lettres en chiffres, je trouve ça laitte.

Mes amis, si seulement vous voyiez les trains tokyoïtes (j'ai toujours aimé la présence du tréma ici, et tréma, c'est un mot joli, je trouve) tôt le samedi matin, vous en seriez ébaubi (un terme synonyme d'ébahi et appris de l'illustre Marc Labrèche. Si Marc Labrèche est un personnage illustre, Tintin est-il un personnage illustré?). C'est jaune de monde ces trains-là à huit heures trente! (Remarquez ici encore l'heure indiquée en toutes lettres. Délectez-vous également de la judicieuse adaptation de l'expression c'est noir en monde à la réalité asiatique. Futé, non? J'admets que non seulement la présente parenthèse s'éternise, mais également que leur nombre est excessif. Fermons-la, pour commencer.)

Non seulement se libérer du joug de la parenthèse soulage de la claustrophobie textuelle, mais la création d'un nouveau paragraphe n'apporte-t-elle pas un vent de fraîcheur oxygénée? Attention, on peut y prendre goût.

Voilà déjà un nouveau paragraphe, c'est un peu tôt, non? Faut dompter ses ardeurs, se montrer patient. Je viens tout juste de résister à la tentation de me paragraphier à nouveau, à la fin de la phrase précédente, mais la présente phrase, et espérons la suivante, font toujours partie du même paragraphe, ce qui démontre indubitablement que je suis sur la voie du rétablissement de mon affliction de va-vite paragraphique, et qu'au fond, un nouveau paragraphe est impossible tant qu'un point n'est pas utilisé; suffit dès lors d'employer virgules et point-virgules à n'en plus finir pour se concocter un paragraphe à n'en plus finir, au risque de se retrouver à l'opposé, dans le territoire de la constipation paragraphique, dont les premiers symptômes commencent, vous en conviendrez, de se manifester, et c'est pourquoi je m'administre dès maintenant un ex-lax de syntaxe,  j'ai nommé le point.

J'espère avoir désormais su établir un équilibre de rédaction, avec une régularité de paragraphe ni trop longue, ni trop courte, à la consistance de sentences ayant du sens. Ça me rappelle qu'un des plaisirs que j'extrais de ce blogue, et de la langue française dans un sens plus large, c'est ma capacité, voire ma facilité, à créer de nouveaux mots, de nouvelles expressions, de plein gré, sans me borner à ce qui existe déjà. Merci langue française, malgré tes exceptions, tes difficultés et tes idiosyncrasies. Ton idio de syncrasie m'a toujours plu.

J'ai reçu de diverses sources quelques cartes postales dernièrement, certains liées au Japon, d'autres non. Qui souhaite en recevoir? Que je vous connaisse ou non, qu'importe : transmettez-moi vos coordonnées par courriel à l'adresse julienpitre@gmail.com, et je viens de décider que je vous enverrai une carte postale, liée au Japon ou non, mal écrite à la main mais personnalisée. Ne soyez pas timide, allez!

Mon passeport vivra son dernier jour de validité le vingt mars. L'ambassade canadienne recevra donc l'honneur de ma visite cette semaine, la chanceuse. À mon dernier passage, j'avais remarqué que les urinoirs de la toilette des hommes (pas celle des femmes, ai-je besoin de le mentionner?) donnaient directement sur une grande fenêtre, allant du plafond à la moitié du tibia de l'homme (mais aussi de la femme) de taille moyenne, donnant directement sur une sorte d'étang composé de pierres aux arêtes vives et dépourvu de flore, censé je crois représenter le bouclier canadien aux milliers de lacs dans toute son austère splendeur. Un bassin d'eau comme inspiration à pisser, difficile de demander mieux, sauf peut-être les chutes du Niagara, autre symbole de canadianité. 

Le décompte est presque terminé. Une heure est vite passée, vite partie, fait vite partie du passé, c'est un fait, faut s'y faire. Mais en toute honnêteté, j'ai quelque chose à vous avouer que vous ne répéterez pas : je ne m'étais accordé que cinquante-neuf minutes, qui se sont officiellement terminées alors même que je tapais le deux-points de la présente phrase. Ça doit faire une heure maintenant.

jeudi 1 mars 2012

Tôt ou tard

Déjà tard
Demain, un autre jour, bientôt
Dure la vie du couche-tard
Au monde des lève-tôt