vendredi 30 décembre 2011

À Torowa Ribuiēru

Je suis dans ma chambre d'enfance du domicile parental, baigné par la lumière reflétée par la neige qui recouvre le sol dehors. Le temps a tendance à se dérober sous nos yeux, et si j'en n'ai pas l'impression, il y a un an déjà je m'embarquais dans cette aventure japonaise. En guise de dernière entrée de l'année, trois observations juliennes sur ce séjour en sol étranger :

L'exotisme des premiers temps s'estompe naturellement, et ce qui était au départ curieux ou surprenant devient banal. Parfois, heureusement, un son, une odeur, un point de vue ou une sensation de déjà-vu me replonge dans cet état d'esprit des débuts, où tout était nouveauté, tout était découverte.

Quand j'aperçois des noms propres d'origine étrangère, j'ai à présent le réflexe de me demander s'ils peuvent être naturellement prononcés par les Japonais. En termes citadins nord-américains, Chicago, Toronto et Miami s'en sortent bien, tandis que Los Angeles, Vancouver et Trois-Rivières (Rosanzerusu, Bankūbā et Torowa Ribuiēru) sont plutôt charcutés.

Le Japon, dont le futur n'était déjà pas tout à fait rose, a subi en mars 2011 le triplé séisme, tsunami et crise nucléaire, sa pire catastrophe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Si mon avenir, tout comme celui du pays, demeure incertain, j'ai tout de même décidé de le poursuivre en ces contrées.
Bonne Année à tous celles et ceux qui ont tiré du plaisir à me lire!

mardi 27 décembre 2011

Des ménages

Un – de Shawinigan à Trois-Rivières, avec la famille à l'âge de huit ans
Deux – de Trois-Rivières à Québec, rue Murray, à l'âge de dix-huit ans, avant d'amorcer mes études universitaires
Trois – de Québec, rue Murray, à Québec, près de l'autoroute du Vallon, pour emménager avec ma sœur
Quatre – de Québec à Paris, en tant qu'étudiant en échange à Sciences Po Paris, dans le dix-neuvième arrondissement, métro Jourdain, très près du parc des Buttes-Chaumont et de la Place des fêtes
Cinq – de Paris à Toronto, rue Seaton, à vingt-et-un ans, pour cause de boulot trouvé, la chambre au 265 Seaton ayant auparavant été occupée par mon collègue de l'époque, Michel Legault
Six – de Toronto, rue Seaton, à Toronto, rue Montrose, pour déménager avec mon bon ami Jeremy
Huit – de Toronto, rue Montrose, à Toronto, avenue Ossington, car on avait trouvé un logis exceptionnel de par sa taille et sa qualité
Neuf – de Toronto à Tokyo, arrondissement de Setagaya, logement conseillé par mon ami Alain pour amorcer mon année au Japon
Dix – De Tokyo, Setagaya, à Tokyo, quartier Yostuya, après à peine dix jours, car je me suis rendu compte que mes priorités ne correspondaient pas à celles d'Alain
Onze – De Tokyo, Setagaya, à Tokyo, logement de mon collègue George à Takenotsuka, pour raison de logement bien moins cher dans cette ville chère
Ainsi s'agira-t-il déjà de mon onzième déménagement à vie, ce qui fait pas mal de déplacements pour un homme de vingt-sept ans. Tout est fin prêt, ou presque, pour l'inspection de ma chambre par le personnel de la société immobilière, prévue entre neuf et dix heures demain. C'est barbant les déménagements, même s'ils constituent une bouffée d'air qui dégourdit.

Et qu'est-ce qui m'attend à la suite de ce déménagement démangeant? Trois semaines au Canada à voir famille et amis, au grand plaisir de moi, ma famille et mes amis.

dimanche 25 décembre 2011

Lavement

Plus que trois nuits à dormir dans cette petite chambre d'Arakicho, ce district du centre de Tokyo. Trois dernières nuits après plus d'onze mois à y vivre, dans cette petite chambre.

J'ai amorcé les préparatifs en vue de l'inspection finale de mes quartiers par le personnel de Sakura House, la société immobilière gérant l'immeuble dans lequel j'ai vécu tout ce temps.

L'impression nette que j'en tire de cette amorce de préparatifs, c'est que l'être humain a la fâcheuse tendance à accumuler beaucoup de matériel inutile, et ce, malgré que l'être humain en question aime se concevoir non-matérialiste.

Ainsi un sac de plastique rempli de papiers repose sur mon lit, sans compter ma corbeille qui déborde d'autres cochonneries à se défaire. Tant de choses m'empêchant de naviguer la vie en toute liberté.

Voilà peut-être le bienfait qui fait du bien des déménagements fréquents, le rappel que la vie n'est pas une accumulation de bébelles, mais bien une somme d'expériences intangibles littéralement, mais bien tangibles figurativement. À bien y penser, ce grand ménage fait partie de cette somme d'expériences, et ce, sur fond antipodal de Boxing Day, synonyme d'accumulation de bébelles.

jeudi 22 décembre 2011

Déjà le vingt-trois. Le temps a cette tendance à se dérober sous nos yeux, et chaque année immanquablement je juge que Noël arrive trop vite.

Cette année, toutefois, je serai au Japon pour l'occasion, pays dépourvu de tradition de nativité. Il s'agit plutôt d'un moment de romance pour les couples, et j'aurai la chance de me la jouer romantique dans un ryokan en bonne compagnie.

Le Nouvel An, beaucoup plus important au pays du soleil levant, je le vivrai en revanche en sol canadien, durci par le gel, et entouré de mes proches, famille et amis. Voilà qui m'en voit ravi!

lundi 19 décembre 2011

À souhait

Je viens d'achever ma préparation de leçon en vue de mon cours de japonais, demain à onze heures. Alors que, jusqu'à tout récemment, je suivais un cours de deux heures chaque jour de semaine, depuis la fin novembre, ma ration d'apprentissage en classe se résume désormais à deux cours privés de trois heures, les lundis et mercredis pour un total hebdomadaire de six heures.

Bien que ma présence en classe ait ainsi diminué de dix à six heures, j'ai nettement l'impression que j'apprends plus efficacement ainsi, car justement il est plus aisé de faire place à une préparation adéquate, pour ainsi optimiser chaque minute face à l'enseignant. C'est presque honteux à dire, mais je crois bien avoir perdu mon temps auparavant, à l'époque des dix heures. Il n'est jamais trop tard pour redresser son mode d'apprentissage.

Lorsque je m'attarde à la maîtrise de nouvelles formes grammaticales particulièrement ardues, je ressens un certain inconfort plutôt tangible au cerveau, comme si le réalignement ainsi occasionné de mes neurones se faisait au prix d'efforts bien ressentis.

Parfois cette gêne cervicale m'irrite un tantinet, mais puisqu'il faut souffrir pour être beau, je persévère, en attendant ce moment chéri où, dans le cadre d'une conversation libre avec mon enseignant ou quelque autre Japonais, je parviens à insérer d'une manière tout à fait à propos ladite forme grammaticale à l'origine du dérangement neuronal. C'est en pareille situation que les fruits de l'effort prennent tout leur sens, mûrs, sains et savoureux à souhait.

dimanche 18 décembre 2011

Récentualité

Dernièrement, un artiste m'a figurativement jeté par terre, comme rares les choses autres que la gravité le font.

Dernièrement, dans le cadre d'un imbroglio dans lequel je jouais initialement un rôle d'apparence neutre, j'ai été forcé de choisir mon camp, par une remise en perspective circonstancielle.

Dernièrement, le temps s'est refroidi, même que cette nuit on approche le point de congélation. Cela n'est rien, à comparer à ce qui m'attend au Canada. Le manteau d'exploration arctique de mon père devrait être mon fidèle compagnon pendant ces trois semaines.

Dernièrement, j'attends le retour d'une gente dame, en voyage d'affaires dont la durée, courte sur toute une vie, semble interminable en ce début de relation.

samedi 17 décembre 2011

Relativité du compliment

Une longue journée 

pendant laquelle
on se fait complimenter
sur sa nouvelle cravate

Une longue journée
 un peu moins longue

vendredi 16 décembre 2011

La borne

Avec l'ami Jérôme il y a peut-être un mois, nous marchons le long du boulevard Shinjuku, à quelques minutes de chez nous. Je crois que nous revenions de souper d'une izakaya, mais quant à la certitude de ce souvenir, ma main au feu je ne jetterai pas.

Je remarque ce qui ressemble à une borne conçue pour gonfler les pneus de bicyclette. Une autre combine pour escroquer les cyclistes, que je me dis, sans trop m'y attarder.

Quelques jours plus tard, au retour de mon cours de japonais, je détermine que le temps est venu de donner un coup de pompe à mes pneumatiques.

Je me rends tout d'abord à la station service, où la dernière fois un pompiste sympathique m'avait permis d'utiliser la pompe manuelle de l'établissement. À mon petit désarroi, il s'agit d'un autre employé cette fois-ci, et l'effronté nie catégoriquement l'existence de la fameuse pompe.

Renfrogné, je me retiens de m'obstiner, et amorce la montée menant à mon domicile, sur des roues un peu flasques à mon goût. Ce faisant, je me souviens de la borne titulaire de la présente anecdote, et me résigne à y aller, même si la nécessité de payer pour de l'air m'offusque au passage.

Lorsque je la localise, une agréable surprise m'attend : son utilisation est gratuite, gracieuseté des autorités de Yotsuya, mon quartier. Le sourire en coin, tandis que je redonne de la fermeté à mes routes, je me dis qu'il ne faut pas toujours se laisser borner par ses propres présuppositions.

jeudi 15 décembre 2011

Tragiconnerie

La grande tragiconnerie humaine. Parfois on y assiste, parfois on y prend part.

À titre de spectateur, tantôt on est aux premières loges, tantôt on se retrouve confiné aux plus hauts gradins. On se plaît à penser que nos cris, applaudissements, incantations et huées en influencent l'issue, mais jamais on ne sait si c'est le cas. L'entrée est gratuite ou tarifée, parfois coûteuse, mais c'est souvent à la sortie qu'on doit payer.

En tant qu'acteur, à l'occasion on décroche le premier rôle, plus souvent on joue celui de soutien, et notre rôle perd ou gagne en importance à mesure qu'évolue l'action. Rarement le scénario est suivi à la lettre; généralement il y a place à l'improvisation à divers degrés, à la qualité d'exécution variable. Et s'il est facile de retracer les origines du récit, la fin n'en est pas moins imprévisible.

D'acteur il arrive qu'on devienne spectateur et vice-versa, à notre insu ou en toute connaissance de cause. Un tel changement, brusque ou graduel, nous prend régulièrement à contrepied, et il faut du temps pour nous rééquilibrer. D'un tel coup de théâtre certains trouvent un second souffle, d'autres en perdent le souffle.

La grande tragiconnerie humaine. Dans tous les foyers près et loin de chez vous.

mardi 13 décembre 2011

Prompt rétablissement

Pendant plus de cinq ans à Toronto, j'ai été traducteur à la pige. Ce travail à contrat était bien payé, mais plutôt pauvre en avantages sociaux. Cette pauvreté se traduisait (et ce verbe est bien d'adon) par aucune couverture médicale ni dentaire, une absence de congés avec solde et l'inexistence des congés de maladie. Un boulot à occuper lorsqu'on est jeune et en santé.

Je me considère encore jeune et en santé, mais j'ai aujourd'hui la chance d'être au service d'une entreprise aux avantages sociaux non pas plus avantageux, mais aux avantages sociaux tout court.

À l'époque, lorsqu'une bonne grippe semait la pagaille en moi, la seule solution consistait à poursuivre mon labeur le temps que le système immunitaire reprenne le dessus, quitte à voir ma productivité décliner. En travaillant devant un ordinateur, je n'avais pas à tousser fiévreusement devant mes clients. Soit je travaillais, soit je ne générais aucun revenu, et ce dilemme n'en était pas vraiment un. En cinq ans, je crois n'avoir jamais manqué à l'appel.

Sous l'influence de cette philosophie du travail à tout prix en dépit d'un contexte différent, hier je suis allé à mon école en vue d'enseigner deux leçons à la même étudiante. Quel désastre! Entre éternuer bruyamment et me retenir de le faire, en passant par la répression de l'envie de renifler le mucus s'accumulant tout en reprochant une fictive allergie, je crois avoir semé l'effroi chez mon étudiante, et je redoute lui avoir transmis mon infection.

Ainsi, ce matin, mon état ne s'étant pas sensiblement amélioré, pour la toute première fois j'ai annoncé par voie téléphonique mon absence pour cause de maladie. Même si j'avais des raisons tout à fait valables de le faire, je n'ai pu m'empêcher de me sentir un peu truand, comme si je commettais une transgression, un interdit. C'est une drôle de sensation que de caller malade, un peu étrange mais certes plus agréable que celle ressentie par mon nez, rougi et irrité.

lundi 12 décembre 2011

Trois pour un

Par cette belle journée ensoleillée, c'était le moment d'aller à Shinagawa récupérer mon nouveau visa, pour un trajet à vélo de neuf kilomètres. Déjà que ces dix-huit kilomètres au total représentent un bon exercice, les parcourir en souffrant d'une infection de la gorge et d'une légère fièvre relève de l'exploit, sinon de la témérité.

Ainsi j'ai mis la main ce nouveau visa, valide un an. J'aurais voulu obtenir celui de trois ans, mais pour ce faire, il m'aurait fallu trafiquer le formulaire prérempli par Berlitz, l'entreprise me parrainant, en biffant le chiffre un dans la colonne de la durée de séjour demandée en années pour le remplacer par un trois.

Ce n'est qu'après coup, déçu en observant le visa d'un an estampillé dans mon passeport, que je me suis dit qu'il aurait valu la peine de tenter le coup.

Cette mince mésaventure est l'équivalent d'une répartie assassine, à une remarque désobligeante, à laquelle on ne pense que trop tard. Tiens-toi prêt l'an prochain à subir ma réplique cinglante de trois ans, toi l'auteur de commentaires malavenants d'un an!

dimanche 11 décembre 2011

Aux doigts mais pas aux yeux

Il y a des premières à l'hiver. Première activation du chauffage, première sortie du manteau, premier port de bas chauds, première enfilade de gants.

Pour moi, le moment marquant n'est ni le port de vêtements isolants ni la remise en marche d'une machine, mais une sensation, ou plutôt la perte de sensation. Ne plus sentir le bout de ses doigts pour la première fois depuis des mois, le voilà pour moi le début de l'hiver, la voilà la vraie première. 

Et puis il y a toujours la petite douleur afférente au retour de la sensibilité pour nous rappeler que si le corps a froid aux doigts, la vie n'a pas froid aux yeux.

vendredi 9 décembre 2011

Mitaines-Unies d'Asie

Tôt le matin, en bon travailleur je suis en train, assis entre une dormeuse et un lecteur. À l'arrêt Ochanomizu (御茶ノ水, littéralement eau de thé car à l'époque c'était à la rivière bordant cette gare qu'on puisait l'eau servant à l'infusion de cette boisson), à l'arrêt Ochanomizu donc, les portes du train sont sur le point de se refermer lorsqu'entre en trombe une fille qui venait de débarquer. Elle se penche et, tandis que derrière elle les portes se referment, elle ramasse sa mitaine tombée au sol un instant plus tôt. Pour ne pas faire des orphelines de ses moufles, la pauvre s'est sacrifiée, au prix de devoir revenir sur ses pas, ou plutôt sur ses rails. C'est le prix à payer pour maintenir ses mitaines unies.

mercredi 7 décembre 2011

Discours-rire

Ce soir, l'institut de japonais où j'étudie organisait un party de Noël. Monsieur Genki, le propriétaire, m'avait demandé de prendre part au concours de discours.

Pensant à tort que nous allions être plusieurs à nous donner en prestation, j'avais accepté. Nous n'étions que deux, moi-même suivi d'une fille, qui à l'accent et à la teinte capillaire, je dirais d'origine russe.

À en juger la réaction de personnes en présence, je crois bien avoir remporté la compétition. Du moins, et cela est pour moi un objectif fondamental de l'apprentissage de toute langue, j'ai réussi à faire rire mon public à plusieurs reprises. Le discours avait pour thème la raison de ma venue au Japon. De quoi s'esclaffer jusqu'en avoir mal aux poumons.

mardi 6 décembre 2011

Nuit de frigidaire

C'est le récit d'un homme qui a envie de bouger, de se dépoussiérer les jambes, de se secouer le cardiovasculaire, mais dont les projets sont contrecarrés par madame Nature.

Tant le mardi que le jeudi après-midi, moments pour lui propices à la course à pied, la mamzelle s'est mise à pleurer de froides larmes sur le pavé.

Renfrogné, l'homme titulaire du récit, dans son incarnation du jeudi, se résigne à devoir courir le lendemain, vendredi. Averti, il jette un coup d'œil aux prévisions météos. Diantre, la dame ne dérougit pas et nous réserve de la pluie demain aussi! Mais c'est qu'elle est peu avenante, cette régente du temps!

Tant pis, se dit l'homme qui demeure le même homme que l'homme susmentionné, je me rendrai au souper prévu avec une amie sans d'abord haleter et suer sur une dizaine de kilomètres.

De retour après son goûter de pizza, sa foi fort bon, l'homme ressent soudain l'envie d'y aller courir, malgré le minuit qui cogne aux portes de son fuseau horaire. N'en déplaise à la mère de Miss Météo, qui de tout manière s'est accordée une pause de pleurnichements.

À l'ombre des lampadaires, ainsi l'homme a couru en solitaire, fendant le frigide air.

lundi 5 décembre 2011

Pluvieux que jeune

Si en journée ennuagée ponctuée d'averses

Le temps est pluvieux

En journée où le soleil brille de tous ses rayons

Et les averses brillent par leur absence 

Le temps est-il plujeune?

Parabière

Vous entrez dans un bar. Vous avez soif, vous êtes paumé, et vos tendances cleptomanes vous démangent. Vous faites un tour d'horizon de l'endroit, à la recherche de promesses enivrantes à dérober.

Vous apercevez tout d'abord des cocktails peu surveillées. Trop spécifique, que vous vous dites, et puis le risque de tomber sur une concoction douteuse est trop élevé.

Vos yeux se portent ensuite sur une bouteille de bière importée fraîchement débouchée, probablement laissée là par un gars parti pisser. Excellente sélection, vous pensez, mais trop exclusive. Une fois la vessie soulagée, le bougre n'aura aucun mal à me retrouver.

Fait irruption dans votre champ de vision la victime idéale : un verre de bière pression presque plein, dans un coin pratiquement désert. Prise parfaite parce que, à moins d'être pris sur le fait, son caractère anonyme vous décharge du fardeau de la preuve. Comme un billet de banque, une fois en votre possession, personne ne peut prouver que cette bière pareille à toutes les autres ne vous appartient pas.

Vous salivez en attendant quelques minutes l'arrivée de l'hypothétique propriétaire de la boisson, puis vous vous dirigez vers le Saint-Graal d'un pas décidé. Vous l'empoignez et vous vous éloignez de la scène de crime, la démarche tout aussi assurée. Personne ne réagissant au larcin, vous portez la coupe à vos lèvres et savourez le nectar de la victoire.
Au Japon, un phénomène semblable à celui décrit dans cette parabole se produit en temps pluvieux. Il est en effet d'usage de laisser son parapluie dans des égouttoirs disposés à l'entrée des restaurants, dépanneurs, bars et autres établissements. C'est alors que la horde des détrempés se transforme en voleurs de grand chemin. Ces mécréants ne volent pas les parapluies de qualité aux motifs qui se distinguent, mais plutôt les modèles les plus abordables. Standardisés, à la toile blanche ou transparente, leur vol n'est que formalité, et une fois entre vos mains, et bien il vous appartient.

L'honnête citoyen, victime de la combine, en vient à la conclusion que lui aussi se doit de faire de même. Ainsi, dans ce pays où la plupart des vols brillent par leur presque absence, le parapluie fait figure d'exception. Que faire d'autre, sinon d'acheter un parapluie qui se distingue, où une bière importée rarement commandée?

dimanche 4 décembre 2011

George

Il s'appelle George, mais son vrai nom est Jerzyk, il a quarante-sept ans, c'est un collègue à moi. Anglais d'origine, mais Polonais de famille, il n'est pas issu du moule des Anglais ventripotents passés un certain âge gros buveurs amateurs de soccer, comme son pote Paul qui n'a pas cessé de boire et fumer malgré son diabète, mais plutôt de celui des Anglais passés un certain âge mais bien sapés, actifs et appréciés de la gente féminine.

George a la cote auprès des femmes, et il leur rend bien la pareille. Il aime me relater ses bonnes aventures et mésaventures à cet égard. S'il parlait français, je ne pense pas qu'il s'opposerait à se faire qualifier de coureur de jupons. Si seulement je pouvais le lui dire en polonais.

George a un grand cœur et est prêt à beaucoup pour ses amis. Et puisque je ne suis plus qu'un collègue mais maintenant son ami, George m'a offert de venir vivre chez lui à mon retour au Japon, à la mi-janvier. Il a une chambre inutilisée, depuis laquelle jadis il donnait des cours privés. De quatre-vingt-trois mille yen, mon loyer mensuel passera ainsi à quarante-cinq mille yen. C'est sans tenir compte du trouble ainsi épargné à devoir trouver un nouveau logis.

George, c'est un bon Jacques.

vendredi 2 décembre 2011

Direction nord

Il est sept heures cinquante trois. À attendre l'arrivée du train de la ligne Chuo en direction de la station Shinjuku, dans laquelle je dois effectuer un transfert jusqu'à la gare Akabane ma destination (dont les kanji 赤羽 signifient notamment plumes rouges), où à l'école Berlitz de l'endroit j'ai deux leçons au menu dès huit heures trente, je reviens sur la raison pour laquelle j'ai manqué la deuxième entrée de la série de sept escomptées.

Me voilà maintenant sur une plateforme de la station Shinjuku, à attendre l'arrivée du train de la ligne Shonan de huit heures sept qui m'apportera, espérons, à bon port. La raison énoncée au premier paragraphe tient, je l'avoue, à une planification fautive de mon temps, bien que je sois tenté de rationaliser ce manquement grave à ma propre ligne de conduite. L'humain est bien plus digne de mon attention que la machine, rationnalise-je, et justement hier soir je me suis consacré à une humaine digne de mon attention.

Le train ralentit à l'approche de la gare Ikebukuro. À l'occasion, le soleil du matin se fraye un chemin et m'aveugle momentanément. Une belle journée prend le relai d'une nuit belle. 

jeudi 1 décembre 2011

Le sceptre chanceux

C'en est rendu à un point ridicule. Où est passée, où a déguerpi, cette force qui te poussait à contribuer chaque jour à la présente tribune? Quelle huile te faut-il jeter pour raviver la flamme qui se fait plutôt étincelle faiblissante depuis quelques temps?

Si les mauvaises habitudes sont difficiles à chasser, on pourrait également avancer que les bonnes ne se maintiennent pas sans effort. Comment donc, et voilà le cœur du problème, rétablir la bonne habitude? Si l'adjectif quotidien détermine ce qui revient chaque jour, et bien il faut recommencer un jour, et ce jour c'est aujourd'hui, ou cette nuit, pour être précis.

Dès lors, l'objectif quotidien se transforme en cible hebdomadaire. Sept entrées journalières consécutives, c'est tout ce que je me demande. Le sceptre du sept chanceux, à moi de le brandir, victorieux.

lundi 28 novembre 2011

Sanguinolent

Lorsque je rencontre un élève pour la première fois, autant afin de briser la glacer que d'avoir un aperçu de son niveau d'anglais, je lui demande tout d'abord de me dire trois choses sur lui-même, puis de me poser trois questions. Lorsque parfois il ou elle ne comprend pas et commence par me poser des questions au lieu de débiter des renseignements sur sa personne, je sais que la leçon s'annonce peu avancée, voire laborieuse.

Les questions dévient rarement des classiques tels que celles ayant trait à mon âge, mon pays d'origine, mon lieu de résidence au Japon, mes passe-temps, et ma durée de séjour au pays. À l'occasion, heureusement, quelques étudiants me surprennent.

La semaine dernière, une dame m'a demandé, en guise de deuxième question, quel était mon groupe sanguin, lequel, de l'avis d'un nombre surprenant de Japonais, détermine le caractère d'une personne. J'ai dû lui avouer que je l'ignorais, et qu'il me faudrait demander à ma mère pour le savoir.

D'un côté, j'ai trouvé risible sa croyance, partagée par tant de ses compatriotes, de l'influence de l'AB+ ou de l'O- sur la conduite d'une personne, et ainsi sa volonté de savoir dans quel camp je me situais. De l'autre, je me suis trouvé un peu ridicule de ne pas être au fait de mon propre groupe sanguin, connaissance après tout potentiellement utile si un jour j'en venais à nécessiter une transfusion d'hémoglobine. Maman, éclaire-moi s'il-te-plaît!

jeudi 24 novembre 2011

Revoyure


Il est parti, et avec son départ s'est pointée la petite déprime postvoyage caractéristique, qui heureusement ne saurait durer. Les souvenirs des bons temps passés ensemble demeureront, et c'est ça qui compte, au fond.

Ce n'est qu'un au revoir, en sol canadien d'ici à peine plus d'un mois. À tantôt, l'ami!

Les daims avaient faim.

Au point de mâchouiller de la chaîne
Le Jérôme aussi avait faim. Délicieuse okonomiyaki au menu.
Un peu de nouveau Japon par-ci, par-là

Immeubles moches et fils électriques à outrance, le visage du nouveau Japon

Billy Batts le lutteur cogneur. Ne lui manque qu'un clou rouillé
transperçant le bout de son arme. Et son adversaire est...
... Mad Dog Laflamme, fort comme un fort.

Monolithe, à la manière de l'Odyssée de l'espace

Premiers sommets enneigés dans la préfecture de Gunma

Le personnel de patinoire n'est pas l'apanage du Canada

De vrais amis, ça te tient pendant que tu tiens le sac à vomi

Le sage règne sur son fief

Reste à voir où nous chemins vont se recroiser

mercredi 23 novembre 2011

Belle de la nuit

Deux heures trois du matin. Il s'agit de la dernière soirée du Jérôme, mais puisque ledit Jérôme est parti je-ne-sais-où avec une belle de la nuit tokyoïte, j'ai le loisir de rédiger sans ambages la présente entrée.

Que de belles vacances nous avons partagées. Il m'a même confié n'avoir pas parlé autant français depuis longtemps, Ontarien qu'il est. Je suis probablement dans la même situation, Tokyoïte que je suis.

Car, au bout du compte, on n'exclue pas la personne qui parle...
et
Avec Jérôme, on a fait des jeux de mots à la tonne.
Avec Jérôme, on a eu une franche discussion à propos de Patrick Normand.
Avec Jérôme, on s'est trouvés détrempés à Nara sous une pluie constante, sous laquelle même les daims avaient l'air de se sentir misérables.
Avec Jérôme, en matière de Latraverse, on a écouté un peu de Plume, tout en convenant qu'on n'aimait pas trop Emmanuelle.
Les deux heures et demie sont dépassées, et je suis toujours intrigué par son emplacement actuel, et ça me fait sourire, cette absence de certitude. Il est bon parfois d'ignorer quelques éléments, de ne pas tout savoir.

dimanche 20 novembre 2011

Savoir d'大阪

Au bar avant d'aller au lieu de départ de l'autocar de nuit de retour à Tokyo, tu te sais en bonne compagnie lorsque la tournée offerte à un sympathique homme d'affaires et son ami est payée à ton insu par ledit homme d'affaires sur sa carte de crédit de compagnie.

En te promenant avant l'arrivée de l'autocar de nuit de retour à Tokyo, tu te sais pas trop vieux lorsque tu perçois, agacé, le signal à ultrason destiné à empêcher les jeunes de flâner devant le grand magasin. 

Dans l'autocar de nuit de retour à Tokyo, tu te sais chanceux lorsque la seule personne ayant manqué l'autocar, rempli à capacité, est celle qui devait prendre place dans le siège d'à côté.

vendredi 18 novembre 2011

Hôtel Osaka

Je viens de téléphoner à une douzaine d’auberges d’Osaka en vue de trouver un toit pour demain soir. Toutes sauf une affichent complet, et celle qui fait figure d’exception à la règle est très mal située. Notre séjour aura beau être samedi, je n’envisageais pas qu’Osaka, une grande ville peu touristique, soit si populaire. Tant pis, Jérôme et moi-même tenteront de dénicher un bon deal demain, qu’il s’agisse d’un capsule ou d’un business hotel. Osaka n’en sera que plus surprenante.

Cet exercice téléphonique aura eu l’avantage de me forcer à tirer profit de mes compétences en japonais, et je me surprends un peu d’être somme toute parvenu à communiquer sans heurts.


L'agent orange
Faire goûter au Japon sa propre médecine

Le cowboy scrutant son ranch urbain

Engrish, première itération
Il se japonaise à vue d'œil bridé
Vue depuis château
L'homme et son domaine
Engrish, seconde itération
L'art d'assortir le vélo au manteau
Jé's Bond

bestu vinir að eilífu!


mardi 15 novembre 2011

Fraîcheur ventée


Nous nous trouvons dans le traversier qui nous amène à Matsuyama, sur l'île de Shikoku, depuis Hiroshima. Jérôme prend place à l'avant, tandis que je suis à l'arrière, où il y une prise de courant pour mon ordinateur. Il fait beau soleil, dehors et dans ma tête.

Recevoir des invités, c'est s'exposer à un vent de fraîcheur, dans la mesure où ça nous oblige à nous extirper de notre routine, à chasser l'air vicié du quotidien, et à aller à la découverte de lieux autrement négligés. Merci de ton passage, Géronimo, et merci aux parents et à la sœur d'avoir fait de même en septembre!

L'homme dont la barbe a la couleur d'une arche immergée.

Après toute cette marche, nous nous sommes
accordés une pause-sieste bien méritée
Idem pour la pause-cigarette.

Bébés-Bouddha au sourire béat
Pleurer la mort de grand-papa Bouddha.

Bambi et bébé-Bouddha, une team d'enfer.

On appelle ça une embarcation. Une embarcation qui va nous débarquer vers
de nouvelles aventures qui vont casser la baraque.

mercredi 9 novembre 2011

De la grande visite


Aéroporté lundi dernier, l'ami Jérôme et moi sommes prêts, à bord de l'hélicoptère rudimentaire du musée de la police, à combattre les crapules, à sauver le veuf et l'orpheline, et à apporter le salut aux citoyens nippons désemparés. Le Mal n'a qu'à bien se tenir!
Une mise entre parenthèses mises entre parenthèses, ça ressemble à quoi?

((Une))

vendredi 4 novembre 2011

De prendre une débarque

Et le prix de la meilleure affiche d'avertissement du risque de déboulage des escaliers découlant de cubes rouges et oranges électrifiés nonchalamment laissés là revient à...


jeudi 3 novembre 2011

Je suis

Je suis paresseux, juste un peu
Je dois parfois me frôler le cul

Je suis ambitieux, mais pas trop
Un jour, j'écrirai un roman-ruisseau

Je suis couche-tard, un peu trop
Mais jamais j'ai été en retard au boulot

lundi 31 octobre 2011

Poing géant

De retour derrière l'objectif, à immortaliser le collègue Clive, cette fois dans la tour au vingt-deuxième étage de laquelle siège mon école de japonais. À moi la gloire et les chambres noires!

Le poing

Le géant

jeudi 27 octobre 2011

Crépuscule sur le Tōhoku

Coucher de soleil depuis la maison des bénévoles
Café instantané à mes côtés, j'arrive déjà à la fin de ma dernière journée. Il est étonnamment bon ce café, d'ailleurs. Ce soir, peu avant minuit, je monte à bord de l'autobus qui me ramènera au bercail.

Mes doigts parcourent le clavier moins vite qu'à l'habitude. La journée à piocher pour décoller du sous-plancher aggloméré ont rendus mes muscles d'avant-bras un peu moins vifs. Quelques observations sur mon séjour :

Les maisons sont conçues pour être bâties, et non pas débâties. Avec le nombre imposant d'heures-personnes consacrée à un seul domicile, celui du barbier, pendant ma présence de quatre jours, je n'ose même pas imaginer le coût d'une telle corvée, si elle avait été effectuée par des travailleurs rémunérés.

Mercredi, le dîner était offert gratuitement par le marché de poissons local. Au menu, de la soupe de crabe et de la kujira frite. Bien que je sois opposé à la consommation de kujira, et que j'essaie d'éviter les aliments frits, ça reste qu'elle était déjà décédée, cette kujira, et gratuite. J'en ai donc mangée. On ne mord pas l'hameçon qui nous nourrit.

Presque huit mois se sont déjà écoulés depuis la vague de destruction, mais partout les débris, parfois personnels tels que des photos, jonchent toujours le sol. Avec ses milliers de bâtiments lourdement endommagés, lorsqu'ils n'ont pas été carrément détruits, Ishinomaki mettra des années à retrouver un semblant de normalité. D'ici là, le principal secteur d'activité sera celui de la reconstruction, et les bénévoles demeureront une ressource précieuse et appréciée. 
Et vous, quand viendrez-vous prêter votre coup de main forte?

mardi 25 octobre 2011

Histoire entraidante

Je me trouve dans la pièce commune de la maison où loge le groupe de bénévoles que j'ai rejoint à Ishinomaki, dénommé It's not just mud. La pièce est vide, depuis presqu'une heure. Les autres se sont retirés dans leurs quartiers. Cette réalité contraste avec ce qui prévalait hier, alors que nous étions une bonne douzaine.
Coupez! Coupez! Ce n'est pas bon comme introduction de texte. Il faut plus de mordant, plus d'émotions!
Lundi matin, neuf heures trente. Devant la gare d'Ishinomaki, un homme attend qu'on vienne le cueillir. Les badauds se succèdent, mais personne qui ressemble à un bénévole venu accueillir un confrère, fraîchement arrivé après une nuit mal dormie dans l'autocar de nuit.

L'homme en question, votre narrateur, a plus tôt aperçu un écriteau sur la façade de la gare, indiquant les caractéristiques du séisme du onze mars, en plus de comporter une ligne, à environ un mètre de hauteur, indiquant le niveau maximal atteint par le tsunami à cet endroit. L'océan se trouve à quelques kilomètres.

Mais que peut bien faire mon contact?, l'homme à la barbe de trois jours se demande impatiemment, en jetant une énième fois un coup d'œil agacé à sa montre.
Coupez! Coupez! C'est quoi cette surdramatisation? Le narrateur n'était nullement pressé. Il est venu donner de son temps, pas courir après! Et pourquoi encore relater le tout à la troisième personne? C'est quoi cette manie?
Je dois avouer ici que je ne sais pas trop comment m'y prendre pour décrire mon deuxième séjour de volontariat, d'où le présent récit tarabiscoté.

Simplement écrit, nous nous affairons à rendre habitables les domiciles endommagés, sans pour autant être détruits, par le tsunami. Cela implique d'arracher les cloisons sèches, la mousse isolante des murs et les plafonds, d'enlever les broches, vis et clous qui les tenaient en place, et au besoin de démonter le plancher pour retirer la boue sous-jacente.

C'est peut-être pour ça que j'éprouve de la difficulté à bien décrire mon expérience : à la base, le bénévolat comme je le fais présentement n'a rien de glorieux. C'est plutôt banal, même.

Mes collègues, en revanche, sont sans exception agréables à côtoyer et l'atmosphère qui règne en est une de camaraderie. Chacun a son histoire à raconter. Il y a notamment Yannick, de France, qui depuis quatre mois fait sa part, énorme; Andrew, le néo-zélandais homme au foyer venu retaper le foyer d'autrui; Horiba-san, venu tout d'abord en aide à titre de membre des Forces japonaises d'autodéfense qui, une fois redevenu civil, a décidé de poursuivre son œuvre; ou encore Anna, une Américaine née et élevée au Japon, revenue après plus de trente ans aux États-Unis, et sur le point d'amorcer l'administration d'un orphelinat local.

Les habitants de l'endroit, aussi, ont leur histoire à raconter. Qu'il s'agisse de cette homme de soixante-quinze ans qui se réjouit à l'idée de bientôt pouvoir rouvrir sa boutique de saké, fondée il y a quatre-vingt ans par son père; de ces dames âgées débordant de gratitude car nous les avions aidées à déménager; ou du propriétaire du salon de barbier dans lequel nous travaillons depuis deux jours, qui se fait un point d'honneur de nous apporter jus de fruits et collations et ce faisant de nous remercier à profusion; tous vivent avec l'espoir de jours meilleurs.

Ainsi, le bénévolat, glorieux ou non, c'est fondamentalement des humains qui, entre eux, s'entraident. C'est ça qui compte après tout, nonobstant les textes sinueux, dont le présent, à la fin duquel vous arrivez maintenant.

jeudi 20 octobre 2011

Perspective


Un calmar qui donne l'impression d'être autre chose. 
À chacun son interprétation, mais je vois une belle tête de champignon.

mercredi 19 octobre 2011

Zette

Dix-sept minutes de rédaction sans retenue, parce que dix-sept ressemble à disette, comme dans disette à mon apport quotidien au blogue.

Commençons par la réflexion quant à mon avenir, annoncée naguère à la troisième personne sur la présente tribune. J'ai décidé de poursuivre l'expérience japonaise un temps. Quelques êtres proches m'ont guidé dans ce questionnement, et pour cela j'en suis reconnaissant.

Un facteur décisif de ma décision de rester et de poursuivre mon apprentissage de la langue nippone est la réalisation que, comme tant d'autres, j'ai la fâcheuse tendance à ne pas terminer ce que j'entreprends. Si mon niveau de compréhension et ma capacité à exprimer ma pensée dans la langue de Ken Watanabe sont aujourd'hui appréciables, j'ai l'impression qu'un retour précipité au pays du sirop d'érable et de la chasse à l'original me ferait perdre ces appuis linguistiques. Simplement dit, mes assises langagières ne sont pas tout à fait assez solides, la langue n'est pas encore tout à fait mienne, pour m’asseoir sur mes lauriers et présumer que le japonais j'ai maîtrisé. Voilà une chose de commencé que, pour une fois, je vais m'efforcer de terminer.

Dès dimanche soir, je serai de retour dans le nord-est du Japon (Tohoku, 東北), pour faire du bénévolat au profit des sinistrés du tsunami. Si la première fois je n'ai offert qu'une journée, cette fois-ci, il s'agira de quatre. Reste à savoir quels sont les besoins du moment. Dans tous les cas, comme toujours il me fera plaisir de sortir de Tokyo, ce microcosme macroscopique évoluant apparemment en autarcie, comme toutes les grandes métropoles. C'est bien de se rappeler qu'il existe un Japon extra-muros, au-delà de la ligne Yamanote.

Si je comptais consacrer un mois de mon existence, en janvier prochain, à visiter famille et amis au Canada, le soutien apporté par Berlitz quant à ma demande de visa m'a forcé à quelques concessions, dont celle de ne passer que deux semaines au pays. Je devrai me grouiller un peu plus qu'escompté pour voir tout le monde, alors chaque instant en votre compagnie n'en sera que plus précieux, plus urgent.

Sur ce, les disettes minutes sont écoulées. Bonne nuitée!

lundi 17 octobre 2011

Coq-cophonie

Boubam, bam, bingboum...
buruburuburuburu, zazazazaaaaazazaa, buruburu, zazazazazaaaaaza, vroum, vroum vroum...
Toc, toc, toc, tinc, tanc, toc toc...

Ces onomatopées peu convaincantes, représentant des planches jetées par terre, une scie mécanique et des coups de masse, constituent une tentative douteuse de mettre en mots la cacophonie qui règne devant chez moi. 

À huit heures tapant chaque matin du lundi au samedi depuis trois semaines maintenant, une équipe de démolition se met à l'ouvrage, et amorce sa brillante symphonie de bruit. Ses membres ont la tâche de démantibuler deux maisons dont le temps est venu.

La terre étant plus précieuse que les bâtiments qui la recouvrent, comme partout ailleurs à Tokyo, d'autres domiciles, plus modernes mais probablement tout aussi exigus, prendront ensuite le relais. Depuis mon arrivée, bon nombre de bâtisses de mon quartier, jugées désuètes, ont connu le même sort.

Des gars de la construction, tu parles d'un réveil-matin. On est loin du cocorico de la campagne d'antan, on s'entend. 

samedi 15 octobre 2011

Et légumes



Oh, fluite alors! J'ai une fluite d'eau. Fluite fluite, appelle le plombier, sans quoi mes fluits frais tremperont dans le fluide! On verra pour la fluite des choses!

vendredi 14 octobre 2011

Nikko


Train dans la nuit naissante
Je suis tout de bleu vêtu
Félicitations : c'est un garçon!

Faire son étranger

Vendredi dernier, je me procure à une boutique de téléphonie cellulaire autorisée un nouveau fil de recharge pour mon téléphone prépayé, l'autre ayant été irrémédiablement endommagé. Il se détaille presqu'à mille yens, ce qui n'est pas donné pour pareille bébelle.

Je me rends ensuite à un petit marché non loin pour m'acheter du manger, et voilà que je tombe sur la même affaire, pas autorisée mais dix fois moins cher.

Je l'achète, content car je pourrai compter sur un remboursement, en argent comptant.

Le vendredi suivant, au retour du cours de japonais, je me rends à la boutique. Un type qui a des allures de gérant garde l'entrée. Il me demande si j'ai un rendez-vous. De toute évidence c'est l'heure du diner qui commence, dès que les clients déjà présents auront été servis. Je lui dit que non, et en lui présentant le chargeur dans son emballage et la facture, je lui explique que je désire simplement un remboursement.

Le type, déjà peu avenant, observe brièvement la boîte de plastique et de carton, puis me dit sèchement qu'il ne peut rependre ce produit, sous prétexte que j'en aurais ouvert l'emballage. L'effronté, le véreux!

C'est à ce moment que je souviens des sages paroles de Ryan, un collègue de travail. En cas de problème, avait-il dit, fais ton gaijin, ton étranger, et reste planté là à t'obstiner jusqu'à obtenir satisfaction.

Je me lance : Non, je n'ai jamais ouvert la boite, le produit est resté dedans car j'ai retrouvé mon vieux chargeur chez moi tout de suite après l'achat du nouveau (ndlr : je ne pouvais tout de même pas lui révéler la vérité du chargeur contrefait à cent yens). J'ai ma facture et l'acquisition remonte à une semaine à peine, alors j'exige un remboursement.

Ce petit Napoléon grimace de dédain, puis pénètre, chargeur en main, dans le magasin pour consultation, me laissant sur le pavé. Il ressort une minute plus tard avec les 960 yens en monnaie, qu'il me remet prestement en échange de ma facture, sans sourire, politesse ni regard dans les yeux.

Moi, je souris en m'éloignant, fier de cette petite victoire. Petit Napoléon s'est frotté à Waterloo Pitre.

mercredi 12 octobre 2011

Sur le fait

J'ai vu un plouc aujourd'hui

Un pauvre plouc que j'ai surpris

Se vidant la vessie sur mon édifice

Qui de pisse souillait ma bâtisse


Le bougre me voyant du coin de l’œil arriver

Le zizi s'est empressé de ranger

Et sans plus tarder s'est mis à marcher

Sans derrière oser lorgner


Ce n'est qu'après un temps

Qu'il s'est risqué à un regard oblique

Juste à temps pour me voir, ricanant

À l'idée de l'avoir pogné, ce pisseur public

lundi 10 octobre 2011

Laurent

Il arrive que je me mette à rêver de faire du vélo-tourisme, ou bien de m'évader longtemps dans le bois, dans la montagne, dans l'arrière-pays. C'est peut-être parce que j'habite Tokyo, selon certaines estimations la plus grande conurbation du monde, et avant j'habitais Toronto, selon toutes les estimations la plus grande du Canada, et donc que je ressens un besoin assez viscéral de revenir dans les espaces verts, souvent fréquentés durant mon enfance mais rarement maintenant.

Parce qu'il est parfois de bon aloi de s'imposer des objectifs, en voilà deux : faire une escapade à vélo d'ici un an, et ce d'au moins dix jours, et partir en randonnée en nature au moins cinq jours, d'ici l'été prochain. Et pourquoi ne pas opter pour le sentier Laurentien?

jeudi 6 octobre 2011

L'histoire

C'est l'histoire d'un gars en période de questionnement par rapport à son avenir.

C'est l'histoire d'un gars qui ne sait plus trop s'il veut rester, revenir ou partir ailleurs.

C'est l'histoire d'un gars qui, s'il décide de rester, doit encore déterminer comment s'y prendre.

C'est l'histoire d'un gars qui a le culot d'écrire sur lui-même à la troisième personne.  

mercredi 5 octobre 2011

Appel de la nuit

Minuit, le téléphone sonne.  

Julien? C'est Alain. Je viens de recevoir le message de ta mère. Apparemment ton frère a été hospitalisé en psychiatrie et elle n'est pas capable de te rejoindre!

Euh, quoi? C'est quoi cette histoire-là?


Ta mère c'est bien Anabelle? Ton frère s'appelle Alexandre, non?

Non. Ils s'appellent respectivement Armelle et Guillaume. Tu ne connais pas un autre dénommé Julien?
Mmm, laisse-moi y penser. Ah oui, ça me revient! Ça fait une éternité, de ce Julien! Désolé mon ami, bonne nuit!
 Bon nuit, l'ami!

Familiarité

Une dizaine de jours à ne pas publier. Inspiration tiédie doublée de vacances avec la famille. 
Que de piètres excuses, j'en conviens, mais du temps en famille ça fait du bien.