dimanche 31 mars 2013

Shikoku jour 7 : de stationnement à stade

Depuis plus d'une heure le réveil fait son trouble-fête, mais dans mon sac de couchage je suis si bien que je ne cesse de repousser le moment d'en sortir. Il est sept heures moins quart lorsque finalement j'en émerge. Mon emplacement pour la nuit aura été un coin tout au fond du stationnement cinq étoiles surplombant la station Takahama, dissimulé derrière une camionnette et une voiture drapée.






Hier soir, à l'approche des coups de minuit, avant de découvrir cet endroit confortable au point de me donner envie ce matin de rester couché, j'ai d'abord pensé à dormir au bout d'un quai de ciment, mais la présence de pêcheurs nocturnes et la crainte d'être visité par des bestioles venues des mers m'ont plutôt poussé à explorer les hauteurs, d'où la civilisation cédait vite la place à la forêt, idée vite abandonnée au souvenir d'histoires porcines. Me permettant de m'isoler et des gens et des bêtes, le stationnement a été mon point de salut.

Sac de couchage, sac-bivouac et matelas roulés et arrimés à mon sac, je descends à la station. Je comptais me lever plus tôt pour passer sous le radar d'honnêtes citoyens affolés par la présence d'un étranger osant dormir dehors, mais même après sept heures, presqu'aucune paire d'yeux n'est en vue pour me voir.


La station Takahama constitue le terminal sud d'une ligne municipale de tramway. Je l'emprunte pour me rendre jusqu'à la station Otemachi, de laquelle quelques minutes de marche me séparent de la station centrale. J'y arrive vers huit heures. J'achète un billet pour Mukaibara, au sud, point de départ du pouce pour la journée. Le prochain train quitte la gare peu après neuf heures. Je décide d'aller attendre au café, aperçu plus tôt.

Ce faisant, un panneau orange vif me saute aux yeux. Il annonce qu'à quatorze heures aura lieu le coup d'envoi d'une joute de soccer opposant l'équipe locale, Ehime FC, au Fagiano d'Okayama, et qu'un service de bus a été mis sur pied pour l'occasion. Et ainsi ma journée prend un tournant sportif!

J'ai plusieurs heures devant moi. Dans le café, je m'installe tout au fond, stratégiquement posté à côté d'une prise de courant. Puisqu'une permission demandée d'y brancher un ordinateur serait presque assurément refusée, sans demander je m'exécute, et rédige l'entrée du jour 6 du voyage. Comme rédemption à mon effronterie mais aussi pour maintenir le rythme de composition, je leur achète un deuxième café.

Je prends le bus de 11h30, et pendant le trajet j'en profite pour manger plusieurs des mikans achetées la veille. À ma gauche, une mère avec trois jeunes enfants, dont le badge de fanclub accroché à leur cou me permet deviner qu'ils vont aussi assister au match. À un certain moment, la petite fille assise à la droite de la mère m'offre une grinotine salée. En guise de remerciement, je leur offre chacun une clémentine. Ils sont ravis, et moi aussi, tant pour le geste posé que pour le sac ainsi allégé.

L'autobus nous dépose au bout d'environ quarante minutes. Je remarque la demi-douzaine d'autocars nolisés par les fans d'Okayama. Devant le stade, c'est la fête. Plusieurs centaines de fans d'Ehime FC, tout d'orange vêtus, et des douzaines de fans d'Okayama coexistent, boivent et se nourrissent avant la partie. Je suis surpris par une telle popularité, pour des clubs de seconde division!

Il reste près de deux heures avant le coup de sifflet initial. Je déanmbule parmi les fans, prends des photos. Je vais aussi explorer les environs. Non loin se trouve un terrain de rugby. Un match s'y déroule. Alors que j'observe ces gaillards se rentrer dedans, s'écraser les uns contre les autres dans les mêlées et s'arracher le ballon à tour de rôle, et ce, presque sans protection, je ne peux m'empêcher de penser qu'il faut être un peu fêlé ou bien masochiste pour pratiquer ce sport et en tirer du plaisir. Je les immortalise en pleine mise en jeu, puis vais rejoindre mes amis les fans de foot.



Je prends place dans la courbe sud du stade peu avant 14 heures. Le match commence. En voici un résumé, digne d'une revue de presse sportive.





Gros match de soccer hier, opposant l'Ehime FC de Matsuyama, au Fagiano, venus d'Okakayama. La préfecture étant réputée pour ses mikans, agrumes semblables aux clémentines et aussi dénommées mandarines de satsuma, les trois mascottes de l'équipe prennent leur forme, soit un attaquant cool, un gardien furieux, et une jolie mikanette.

La foule, déchaînée, était toute en chansons, chose surprenante pour un club de seconde division de la J League. Les quelques centaines de fans des visiteurs, arrivés pour la plupart en autocars nolisés, ne cédaient pas leur place en frais de dévotion.

Malheureusement, cette belle joute s'est soldée par la défaite de 1-0 des locaux, incapables d'enfoncer le but égalisateur malgré des efforts soutenus dans les palpitantes dernières minutes. Malgré la douleur de la défaite, le plaisir était au rendez-vous!
Ayant tiré une leçon des automobilistes manqués par un débarquement tardif du traversier, la veille, je regarde les derniers moments de la partie devant les escaliers menant à la sortie. Afin de maximiser le bassin de bons samaritains du volant, dès le coup de sifflet final je sors du stade et me mets à marcher vers la route nationale 32. En direction nord elle mène au centreville de Matsuyama, d'où je suis venu, et en direction opposée elle se rend jusqu'à Ozu, ma destination suivante. Je marche que quelques minutes sur le trottoir de la voie d'accès à la 32 et déjà une file de voitures s'est formée à mes côtés. Sans cesser d'avancer, j'exhibe de la main droite mon cahier affichant ma destination, au cas où l'un des conducteurs en file, ayant peut-être plus tôt aperçu cet étranger fan de son équipe, se sente inspiré à poser un geste de bonté.

En moins de deux, je suis exaucé. Direction Ozu, grâce à Masahito, le meilleur fan d'Ehime FC!



samedi 30 mars 2013

Shikoku jour 6 : de château à bateau

 
Dans ma chambre du petit hôtel face à la station d'Imabari, je me réveille peu avant sept heures. Hier soir, épuisé de ma journée, j'ai voulu m'étendre un moment sur le lit avant de faire quelques préparatifs pour le lendemain. Le moment aura duré sept heures.

Je tire les rideaux. Le temps est superbe. Imabari est le point de départ de nombreux traversiers assurant la liaison avec les îles de la mer intérieure. Après les derniers jours en montagne, l'heure est venue de se consacrer à la mer.

Je fais mes bagages, rends la clé, puis marche jusqu'au terminal des traversiers. Souhaitant comme auparavant progresser vers l'ouest (et bientôt vers le sud, car j'arrive au bout de l'île de Shikoku), je décide de me diriger vers un chapelet d'îles qui relient Shikoku à Honshu, la principale île japonaise, concentrant la majorité de la population et les plus grandes villes. Depuis Kure, sur l'île d'Honshu non loin d'Hiroshima, je constate que je pourrai prendre un traversier vers Matsuyama. Reste à savoir si je parviendrai à effectuer ce trajet ambitieux en une journée.

Puisque ces petites îles sont reliées les unes aux autres par une série de ponts, je n'achète qu'un billet pour le traversier à destination de la première d'entre elles, Okamura, en espérant que l'autostop me permettra de gagner Honshu sans trop de difficultés.

Le départ est à 14h40. J'ai donc plus de deux heures à consacrer à Imabari. Sans hésiter je me dirige vers son château tout près, bien en évidence, puisqu'il constitue l'unique structure d'envergure des environs. Je suis initialement un peu insatisfait d'avoir à attendre autant de temps, mais il fait si beau que bien vite je m'en réjouis.


Chemin faisant, j'aperçois un grand rapace qui me survole en grands cercles. Surgit en moi le souvenir des nombreux visionnements des Cités d'or, les samedis matins de mon enfance. J'essaie de le prendre en photo alors même qu'il croise l'axe du soleil, mais c'est peine perdue.

J'approuve

Le château s'est muni de ses plus beaux atours, les cerisiers en fleurs. Sur la passerrelle menant à son entrée, je demande à un gars accompagné de sa femme et sa fille de me prendre en photo, puis je leur rends la pareille.

Dans la cour intérieure, des petits groupes s'adonnent à l'hanami, l'observation des cerisiers en fleurs, prétexte à boire et manger en plein air. Et ils sont beaux, ces cerisiers. Je fais le tour de l'enceinte du château, entourée d'une douve remplie d'eau de mer, dont émane le fumet agréable de l'air salin. De là, j'aperçois un homme qui s'affaire à balayer le temple jouxtant le château. La symmétrie offerte par les colonnes en arrière-plan me plaît. Je le prends en photo.


Je me balade encore un moment, puis m'installe sur un banc, décidé à me chauffer au soleil en observant les gens qui profitent de leur samedi.

Vient toutefois me voir le gars, pris plus tôt en photo. Il m'invite à me joindre à leur groupe, en pleine séance d'hanami. J'accepte et je vais prendre place sur la grande toile bleue. Ils m'offrent nourriture et alcool, j'accepte la première, et demande du thé à la place du second. Il est un peu tôt à mon goût pour se mettre chaud.



Nous passons un moment agréable, au bout duquel je tire ma révérence, en y allant d'abord d'un portrait de famille. Belle façon de meubler son temps en attente de transport!

De retour au terminal, j'embarque dans le traversier. Je quitte Shikoku, avec promesse d'y revenir, dans la journée si possible.

Un parcours de traversier ne serait pas complet sans photo d'hublot

Ressentant une certaine fatigue alors qu'il reste un peu plus de vingt minutes avant l'arrivée, je m'assoupis. Je me réveille alors que presque tous les passagers sont déjà débarqués. Je saisis mon sac et sors à toute vitesse, le cerveau encore ensomeillé.

La route menant à la prochaine île passe devant le terminal. Je m'y installe. Mon cahier a beau indiquer l'île la plus à l'ouest, Kamagari, la quasi-absence d'automobilistes n'est pas gage de réussite, d'autant plus qu'il ne reste que deux heures avant la tombée de la nuit. Avec un peu de jugeote et sans siester, je m'aurais assuré de débarquer en premier, pour tenter le coup avec les automobilistes ayant aussi pris le traversier. Mais il est trop tard, ceux-ci sont partis depuis plusieurs minutes déjà. Tant qu'à rester planté là, mieux vaut marcher, et se retourner, pancarte à la main, pour les rares conducteurs.

Je prépare mon sac en vue d'un transport piétonnier de longue distance, inutilement car Yuki immobilise son véhicule. Revenant d'une journée consacrée à la pêche de plaisance, elle rentre chez elle, peu après Kure, là où j'espérais pouvoir prendre le traversier de retour à Shikoku. Ça tombe bien!

Le premier pont nous permet d'accéder à Toyohama, île réputée pour sa production d'agrumes. Elle me fait visiter un centre de distribution, d'où j'achète un sac de clémentines au goût divin, sucrées mais avec une note bien équilibrée d'amertume. 


Nous longeons la côte des îles suivantes, puis nous atteignons Honshu. La ville de Kure est axée sur l'industrie lourde. Nous croisons une aciérie, un chantier naval, une base de la marine japonaise. Yuki indique un grand pont rouge qui nous surplombe, en précisant qu'il vient d'ouvrir à la circulation. Je lui demande à quand remonte son inauguration, m'attendant à une réponse en termes d'années. Mercredi de cette semaine, qu'elle me répond!

Yuki la pêcheuse sportive me dépose vers 18h30 au terminal des traversiers. Je pourrai donc monter à bord du dernier de la journée à direction de Matsuyama, à 20h30 avec arrivée à 22h25. La carte me donne à penser qu'à une arrivée aussi tardive, les environs du point de débarquement à Matsuyama seront pratiquement déserts, et que le dernier train de la station, non loin, sera déjà parti. L'aventure de traversier se conclura donc par la recherche d'un endroit douillet pour passer la nuit!



vendredi 29 mars 2013

Shikoku jour 5 : de Tengu à gelato

Dans le refuge au pied du sommet, je m'extirpe du sac de couchage vers 6h20. Je comptais me lever sur les coups de cinq heures, mais la montre, mal réglée, m'a permis de faire la grasse matinée.

Il fait froid. J'enlève les longs bas de laine et le chandail portés pour la nuit et enfile mes vêtements de la journée. Plusieurs couches sont de mise : t-shirt thermal, mince gilet de laine, épaisse chemise de coton, veste, coupe-vent.

La seule lumière à pénétrer dans le refuge provient du petit évent, près du plafond, duquel deviner la météo de la journée relève de l'impossible. Pour en avoir le coeur net, j'ouvre la porte. Sans être radieux, le temps est frais mais clément, avec passages nuageux.


Je bois le café préparé la veille, préparé étant peut-être un peu fort lorsqu'il s'agit de mélanger eau et grains dans une bouteille et de laisser infuser toute la nuit, puis je déjeune, assis dans l'entrée du refuge à observer le paysage montagnard.

Après avoir étendu mon sac de couchage et les vêtements portés pendant la nuit pour les libérer de l'humidité, j'amorce l'ascension. Parfois les escaliers et les passerelles sont libres de neige, du moins partiellement, mais bien souvent je dois progresser à flanc de montagne dans la neige de printemps, qui heureusement tient bien en place et s'enfonce juste assez pour me permettre une prise stable. S'il faut absolument y faire face, c'est le type de neige à souhaiter : plus molle et la progression est lente et pénible à force de s'enfoncer jusqu'aux genoux, plus dure et presque impossible d'obtenir une prise solide sans crampons. Je fais particulièrement attention aux plaques glacées, en marchant sur la végétation en bordure de sentier au besoin.


Je m'accorde des pauses-photo par-ci, par-là, si bien qu'au bout de quarante minutes je parviens au temple perché sur l'un des deux sommets. J'y suis fin seul, accompagné que par le souffle du vent, alors même que le ciel se dégage. De là se pavane le pic Tengu, qui déchire le paysage, point final de mon ascension et accessible depuis une crête me semblant vertigineuse par moments.


J'amorce le dernier droit. Le vent est fort, mais pas au point de redouter qu'il m'emporte. À un certain moment, je jete un coup d'oeil au bout de la crête. Une falaise vertigineuse attend l'alpiniste qui perd pied. Je m'en éloigne.

J'attends le point le plus élevé de l'ouest du Japon. Tout autour, que de la montagne, quel tableau! S'y trouve l'écriteau indiquant l'altitude, arrimé à une longue chaîne. Je suis donc libre de me prendre en photo, panneau à la main.



Plus d'une demi-heure s'écoule. Je suis nullement pressé car j'ai la montagne à moi seul et que j'ai le sentiment de l'avoir méritée. Mais puisque toute bonne chose a une fin, j'amorce le retour au refuge.

De là, je fais mes bagages et ingurgite des kilojoules pour la descente. Un grimpeur solitaire arrive à ma hauteur. Bien équipé, il doit être en fin de soixantaine et semble en excellente forme physique. Nous parlons pendant un moment, puis je lui souhaite bonne chance pour la montée finale.

Un second randonneur se pointe, un quart-d'heure plus tard. Il est tout le contraire du premier : un peu bedonnant, il progresse sans bâton de marche et, au lieu de bottes, n'est chaussé que de simples souliers de course. Je l'avertis que c'est presque de la folie de tenter d'atteindre le sommet, équipé si légèrement. Il acquiese et poursuit sa route.

J'entreprends la descente. Elle se déroule plutôt bien, et heureusement il ne reste qu'un kilomètre lorsque j'arrive à bout de mes réserves d'eau. Arrivé à la bâtisse abritant le haut des gondoles, je prends le temps de remettre dans mon sac les articles superflus laissés la veille dans un casier.

Je redescends dans la gondole de 16h20, qui me fait descendre de 900 mètres jusqu'à la route qui me permettra de revenir à Komatsu, la ville la plus proche. Puisque je me trouve tout au bout de cette route et ce, hors-saison, je dois attendre près de 20 minutes avant le premier automobiliste, qui heureusement s'arrête sans hésiter. 

En l'absence d'automobilistes, les photos de fantaisie sont de mise

Tokuoka, qui doit avoir mon âge, revient d'une journée de randonnée, décidée sur un coup de tête en se levant. Il me dépose à la station Komatsu. Il est déjà 17 heures, je ne sais trop que faire, Komatsu comme telle me semble sans intérêt. Je regarde la carte, et constate que la prochaine ville d'importance, Toon, est à une trentaine de kilomètres au sud-ouest. J'en écris les caractères (東温) sur une page de cahier spiralé, et vais me poster au coin de la route nationale menant à cette ville, juste en face de la station. J'ai comme stratégie d'y faire du pouce jusqu'à l'obscurité, puis, en cas d'insuccès, de prendre le train vers Imabari, ville plutôt au nord-ouest.

Je dois bien y être depuis 40 minutes lorsqu'une jolie fille traverse la rue et me demande ce que je fais là. Je lui explique mon voyage axé sur le pouce, puis notre conversation diverge sur divers sujets. Elle m'indique le restaurant de pâtes où elle travaillera ce soir, dès 18h30. L'envie de faire du pouce se dissipe comme par magie. Ce doit être que l'idée d'un bon spagat m'est alléchante après une longue journée de randonnée, ou bien que Yuko m'est tombée dans l'oeil.

Il reste encore trente minutes avant l'ouverture du restaurant. Je lui demande si elle connaît un onsen près, question d'arriver bien propre pour le souper et de me libérer de ces vêtements de montagne. Aucun qui soit à distance de marche, qu'elle me répond, mais elle convient de me prêter le vélo réservé aux employés du restaurant pour me rendre à l'établissement le plus près, à deux kilomètres. Je prends des vêtements de rechange et ma trousse, j'enfourche la bécane et fonce jusqu'à l'onsen promise.


Je reviens au restaurant cinquante minutes plus tard, rafraîchi et les talons m'abritant l'estomac, et on m'installe au comptoir. L'endroit est bondé, les cuisiniers et les serveurses, dont Yuko, travaillent sans relâche. J'ai à peine le temps de lui parler entre les commandes à prendre, les plats à servir, les tables à desservir.

Je commande des pâtes à la mozzarella et aux tomates. Elles sont délicieuses. Je m'en veux de ne pas avoir opté pour l'omori, la portion extra large. Tout à coup, les lumières sont tamisées, et de la cuisine on apporte un gâteau à un client en chantant happy birthday. Les lumières rallumées, j'en profite pour mentionner à Yuko qu'hier aussi, c'était le jour de ma naissance.

Quelques minutes plus tard et c'est à mon tour de me mériter un gelato d'anniversaire, gracieuseté de la maison. De Tengu à gelato, belle manière de couronner la journée!






Shikoku jour 4 : de rivière à refuge

D'une voix feutrée, Masahiko me réveille. La veille, il a convenu de venir me porter à Oboke, à une trentaine de minute à l'ouest, pour la poursuite de mon périple. Il me lève plus tard que prévu, mais ne semble pas pressé pour autant, malgré la journée de travail qui l'attend. Le stress n'est pas ressenti aussi intensément en région rurale.

Tandis que je fais mes bagages, Masahiko prépare du café et s'installe sur le balcon de la maison qu'il loue, trop grande pour une seule personne. Ma tâche achevée, je vais le rejoindre. M'accueillent une tasse de café et surtout une vue saisissante de la rivière Iya, impossible à deviner hier, arrivés que nous sommes en soirée.


Nous nous mettons en route. Masahiko me décrit son passé de salaryman à Tokyo, à s'avillir dans une tour à bureaux, jusqu'à ce qu'un moment d'introspection l'ait inspiré à prendre un nouveau tournant. Je l'indique que nous nous rejoignons sur ce point, un moment de clarté au cours d'une soirée d'été dans le Vieux-Québec m'ayant inspiré à écrire.

Nous arrêtons à Mannaka, un restaurant d'Oboke dont le nom signifie littéralement en plein milieu (de l'île de Shikoku). L'arrivée arrive à point nommé. J'ai un début de haut-le-coeur, car route sinueuse et ventre vide ne font pas bon ménage.

J'invite Masahiko à déjeuner. À la table, le propriétaire du restaurant, monsieur Ohira, vient nous voir, et nous remet chacun une bouteille d'eau, tirant sa source du mont Tsurugi, d'où je suis parti, la veille. Viennent ensuite des petits biscuits. Lorsqu'il apprend que je compte me rendre vers le mont Ishizuchi comme prochaine étape du voyage, il s'empresse de me trouver un conducteur.

En moins de deux, il m'en présente un, prêt à partir sur-le-champ. Je lui présente mes excuses en lui expliquant que je comptais rester sur place un peu après le départ de Masahiko pour régler quelques détails.



J'accompagne Masahiko jusqu'à sa camionnette. Nous nous souhaitons bonne continuation, je le remercie pour son hospitalité irréprochable.

Je regagne ma place dans le restaurant. Le propriétaire m'apporte un café, sa tournée. J'ai le temps de redonner une beauté à mes bottes et de finir l'entrée de blogue sur le jour 3 de mon voyage, puis monsieur Ohira vient me voir et m'explique qu'un distributeur de thé est disposé à m'emmener jusqu'à la route menant à Ishizushi. Me voilà en voiture sans effort, c'est presque trop facile!

Monsieur Wada est sympa. Le parcours est terminé en moins de deux, du moins c'est mon impression, et je suis en bordure de route, les caractères d'Ishizushi écrits lisiblement sur le cahier spiralé que j'exhibe aux automobilistes.



Une mère transportant sa mère et son fils me cueille. Aller à Ishizuchi ne faisait pas partie de leurs plans de la journée, mais ils sont disposés à m'y emmener. Le parcours me semble allongé par la voix de la grand-mère, stridente. On me dépose au pied de la remontée permettant de gagner le pied de la montagne, à 1300 mètres, pour un dénivellé de presque 700 mètres jusqu'au sommet.



Je m'informe au personel sur place. Un refuge se trouve à une trentaine de minutes du sommet, lequel est accessible en trois heures depuis le haut de la remontée. Il est 14h30. Je décide d'aller y passer la nuit, puis d'atteindre le sommet tôt le lendemain. Au bout d'une heure à faire le plein de calories et à départager mes affaires entre celles à laisser dans un casier et celles à emporter, je me lance, armé d'un bâton de marche prêté par l'employé sur place.


Si en général je parviens aux points de repère plus vite qu'annoncé, cette fois il me faut bel et bien deux heures trente avant de pouvoir déposer mon sac. L'obscurité est sur le point d'envelopper le paysage, alors j'en profite pour prendre quelques photos, avant de me terrer dans le refuge pour la nuit.



J'y trouve un thermomètre fonctionnel, qui indique cinq degrés. Les précautions seront de mise. Je remarque aussi que la porte se verrouille, et c'est avec porte verrouillée que je compte dormir même si je ne suis pas superstitieux et que j'estime qu'il est pratiquement impossible qu'on me surprenne au beau milieu de la nuit. Mais ne sait-on jamais.



Je mange copieusement, prépare mon départ du lendemain, prends quelques photos de la nuit éclairée de la pleine lune ou presque, puis m'emmitoufle dans mon sac de couchage. Il est à peine vingt-deux heures, le réveil est réglé demain à cinq heures, aujourd'hui c'est mon anniversaire, j'ai vingt-neuf ans. Vive la vie!




mercredi 27 mars 2013

Shikoku jour 3 : de pluie à Chiiori



Dans la chambre où je passe la nuit, le réveil sonne peu après les coups de sept heures. Je le désactive et vais tirer le volet de ma fenêtre. Il pleut, surprise.

Je descends à la salle à manger car m'attendent thé et petit-déjeuner. Le segment météo de l'émission du matin laisse présager des averses toute la journée.

Le repas terminé, je retraite à la chambre. J'en émerge plus tard que prévu, le processus d'étanchéisation de ma personne et de mes bagages requérant passablement de temps et de réflexion. Je paie la nuitée, et m'aventure à l'extérieur.

Le pied du mont Tsurugi est aussi déserté aujourd'hui qu'hier. L'aubergiste m'a déjà confirmé que la desserte d'autobus n'allait commencer qu'en avril, mais aucune trace également d'automobilistes. Tout ce que je puis faire, c'est de marcher sur la 438 vers l'ouest, sinueuse et qui descend continuellement.

En dépit de la pluie, la marche est d'emblée plutôt plaisante. Il ne fait pas trop froid, je suis somme toute assez bien équipé, la nature est belle. Dès le départ je fais fuir une perdrix, plus tard au tour d'un chevreuil. 

Au bout d'une heure et demie environ, la pluie tombe avec tout autant de régularité et le plaisir n'est plus tout à fait au rendez-vous. L'eau a fini par s'inflitrer à l'intérieur de mon manteau, le vent s'est levé, mes épaules sont souffrantes. J'ai croisé trois automobilistes en sens inverse, mais aucun dans ma direction.

Soudain, j'entends une voiture qui s'approche, derrière. Je me retourne et brandi le pouce droit. Le chauffeur s'arrête à ma hauteur. Monsieur Matsuura et sa femme sont les aubergistes que j'ai rencontrés hier, qui n'étaient en mesure de m'accueillir car ils en étaient à faire le ménage de printemps avant la grande ouverture d'avril. Ils se rattrapent en me faisant monter à bord.

Non seulement m'emmènent-t-ils jusqu'à leur village, duquel je pourrai prendre le bus de 15h30, mais en attendant, ils ont la gentillesse de m'offrir thé et collation à leur domicile.



Si j'y suis au chaud, je me sens misérable quand vient le temps de remettre mon imperméable détrempé pour aller prendre l'autobus. Il doit me mener à Oboke, conformément à l'objectif vague de progresser vers l'ouest, quoique je n'ai aucune idée de ce que je vais y faire. C'est alors que je me rappelle que des amis m'avaient conseillé de visiter Chiiori, une fondation qui promeut l'héritage culturel de la vallée d'Iya, dans laquelle je venais de pénétrer, en proposant des nuitées dans une maison traditionnelle à toit de chaume. Une amie m'a dit qu'il était possible d'y faire du bénévolat pour gagner une perspective de la vie rurale de la région.

J'en cherche l'emplacement grâce à mon téléphone. Non seulement Chiiori est en plein sur la trajectoire du bus, mais il est à moins de cinq kilomètres! Je me précipite d'aller demander au chauffeur de m'y déposer.

À l'arrêt, un employé de la fondation monte à bord. Il est surpris de mon arrivée. Je lui indique que je suis venu y faire du volontariat. Il me répond que ce n'est plus possible depuis quelques années. Le chauffeur nous semble impatient de poursuivre sa route, alors nous descendons.

Dans le bureau de la fondation, je fais la connaissance de Seiji, venu à ma rencontre dans l'autobus, et Masahiko, son collègue. Nous discutons plusieurs minutes de leur travail, de qui ils sont, de qui je suis, de mon voyage, mais aussi d'un sujet plus brûlant d'actualité, à savoir, que faire de Julien ce soir.


La question se règle d'admirable façon lorsque Masahiko m'invite à dormir chez lui. Ravi, je les remercie de leur bonté, d'autant plus que l'idée de dormir à la belle étoile après une journée passée sous la pluie n'était pas très attrayante.



Seiji me fait visiter la maison de Chiiori, de l'extérieur seulement car un groupe d'Irlandais y loge. La pluie a cessé, de gros nuages survolent en contrebas, et la lumière diffuse de fin d'après-midi confère un voile de mystère au paysage. Je suis trempé mais heureux. Heureux d'une journée de pluie au dénouement irréprochable. Et puisqu'après la pluie, le beau temps, demain s'annonce bien! 





mardi 26 mars 2013

Shikoku jour 2 : de sommeil à sommet

Ohayo gozaimasu! La voix tonitruante de monsieur Hanaï qui me souhaite bonjour me tire brutalement du sommeil. Il vient de tirer le rideau de la boîte du camion, et je devine qu'il est pressé de partir. Mais aurais-je passé tout droit en désactivant mon réveil sans même me réveiller? Je regarde ma montre. Elle indique 3h51, soit plus d'une heure avant le départ convenu! Il m'explique qu'il s'était trompé par rapport à l'horaire des traversiers, et qu'il avait essayé de m'en avertir la veille. Voilà comprise la raison de son appel d'hier, manqué pour cause de cellulaire éteint!

Je fais mes bagages à toute vitesse sous vive pression ressentie, tâche des plus désagréables en étant dans les vapes. En moins de dix minutes, je suis dans la cabine aux côtés de monsieur Hanaï, les dents brossées, à peine mieux réveillé, sachant que je devrai refaire mes bagages, arrivé à Tokushima. Il fait encore nuit, qui ne devient jour qu'après une longue sieste, entamée à la brunante.

Monsieur Hanaï, au pays du soleil levant

Nous atteignons Tokushima vers six heures trente, ce qui laisse amplement le temps à monsieur Hanaï de prendre le traversier de huit heures. Toute la pression qu'il m'a imposée n'aura au final servi qu'à me permettre un départ tôt en matinée.

Je prends un train à même de faire du pouce sur la 438, dans l'objectif vague d'atteindre le mont Tsurugi, deuxième toit de l'île. À la station Nikenya bercée des rayons du soleil, je prends le temps de déjeuner, sous le regard médusé des passagers qui y débarquent aux dix minutes environ.

Beurre de pinottes, délice nourrissant au soleil délecté

Au bout d'un moment, Daisuke et Eri me cueillent. Travaillant pour le compte d'une société d'exploitation forestière, ils doivent aller inspecter un site de coupe, en plein sur le chemin menant au mont Tsurugi.

Nous roulons pendant plus d'une heure en terrain de plus en plus escarpé. Arrivés au site, ils y vont de leur inspection, tandis que je vais explorer les environs. Ma carte indique que Tsurugi est tout près, mais puisque pratiquement aucune voiture ne passe dans cette direction, ils jugent préférable de me déposer à Mami, au nord-est, de retour à la civilisation. Je constate qu'en prenant le train depuis cet endroit, en dix minutes je pourrai tenter à nouveau l'accès à Tsurugi, cette fois par la 439.




Le plaisir d'observer autrui à l'ouvrage, dans ce cas-ci Eri et Daisuke

Le village se nomme Sadamitsu, qui me fait penser à Saddam Hussein. Un habitant de l'endroit, dont les propos ne me sont que partiellement intelligibles, car il a un accent fort et ne tente pas de l'assouplir pour m'aider à comprendre, me conduit jusqu'au pied du mont. La route pour s'y rendre est dans l'état le plus piteux qu'il m'ait été donné de voir au Japon, si bien que je ne me surprends pas de voir le panneau routier à destination, indiquant l'interdiction d'y circuler la nuit jusqu'au 1er avril.

Mis à part les quelques travailleurs qui préparent la remontée pour la saison touristique, l'endroit est désert. Les deux seules auberges sont fermées, et je n'aperçois que quelques randonneurs, qui regagnent leur voiture et partent. Je me résigne à devoir bivouaquer, à l'abri des éléments sous le stationnement de la remontée. Puisqu'il n'est pas encore seize heures, je décide entretemps de faire moi aussi un peu de randonnée.

Le sentier menant au sommet de Tsurugi me mène d'abord à un temple, lequel est flanquée d'une auberge, exploitée par le prêtre et sa femme. La porte d'entrée n'est pas verrouillée, j'entre et je discute avec eux du prix d'une chambre pour la nuit. Puisqu'il est un peu élevé, je leur indique je vais y penser pendant les quelques heures à me balader.

Je pars sans espoir d'atteindre le sommet, car les deux heures d'ascension et la neige abondante, aux dires d'une famille rencontrée plus tôt, ne me permettraient pas un retour avant l'obscurité. La montée se déroule toutefois bien, et un déclic se produit vingt minutes plus tard en rencontrant deux Suédoises qui redescendent. Plustôt que deux heures de montée avec de la neige à mi-mollet, elles parlent plutôt d'une heure et demie (avec nombreuses pauses) et d'un peu de neige par endroits, jusqu'à la cheville.

Redoublant d'ardeur, je me lance. Ce sera le sommet, coûte que coûte. Il y a bien quelques endroits encore recouvert d'une neige sale, mais pas de quoi s'inquiéter. J'atteins mon objectif peu avant 17 heures, ce qui fait en sorte qu'à l'exception de quelques chevreuils, vite enfuis, j'ai le sommet à moi seul.



L'ascension de ce mont n'était pas au programme, mais un voyage teinté de souplesse comme le mien permet pareilles surprises. Et comme préparation à l'ascension plus ardue d'Ishizuchi, la plus haute montagne de Shikoku, difficile d'espérer mieux. 

J'amorce la descente de retour au pied de la montage, décidé de rester à l'auberge ce soir, pour me récompenser de cette deuxième palpitante journée de voyage. Que les jours à venir me réservent d'autres belles surprises!




lundi 25 mars 2013

Shikoku jour 1 : de traversier à sommeil routier


Lundi 25 mars. Première journée du voyage. Je suis dans le traversier reliant Wakayama, ville atteinte en train depuis Osaka, d'où je suis descendu de l'autocar pris la veille au soir, à Tokushima, sur l'île de Shikoku, point de départ de douze jours d'aventure. Je suis à la fois détendu par l'esprit des vacances et occupé par mille et un détails logistiques, car débordé que j'ai été avant d'amorcer ce voyage, mes préparatifs se sont limités à la manière d'atteindre Shikoku, en négligeant d'autres éléments d'importance, par exemple où aller et que faire

Je sors à quelques reprises sur le pont du traversier pour admirer le paysage et le photographier, et aussi humecter l'air salin, agréable signe annonciateur des vacances. À ma quatrième ou cinquième sortie, s'amorce avec une fille une conversation ayant comme point de départ mon offre de la prendre en photo avec son appareil. Elle s'appelle Tomomi, elle aussi est en vacances. Elle compte se rendre à Kochi, sur la côte sud de l'île, pour y rencontrer une bonne amie, mais puisque cette dernière n'est disponible qu'à compter de dix-huit heures, Tomomi a décidé de meubler son temps par la visite du fort de Kochi, et elle a tôt fait de m'offrir de l'accompagner. Libre que je suis à voyager, j'accepte volontiers. Sans même faire de pouce, j'ai déjà trouvé mon premier chauffeur bienfaiteur.

Ensemble, nous effectuons la visite de Kochi et son château, dont le plaisir est rehaussé par la belle température. Les cerisiers sont en fleurs, le port du t-shirt sans autre couche est de mise, voilà qui amorce bien un voyage.




Après un dîner et une marche dans les rues de la ville où Tomomi a passé une partie de sa vie, celle-ci me dépose à la gare de Kochi vers 16h15. Comme suite de l'aventure, je décide d'essayer de rejoindre avant la tombée de la nuit le cap Muroto, au sud-est de la préfecture, un pari ambitieux. Je prends d'abord le train pendant une vingtaine de minutes, puis me poste en bordure de route nationale.

Au bout d'une vingtaine de minutes pendant lesquelles j'ajoute graduellement des couches lors des trouées de véhicules pour pallier le vent frisquet, monsieur Hanaï s'immobilise et me fait monter à bord. Habitant Muroto, il a loué le gros camion qu'il conduit en vue d'aider son fils à déménager d'Osaka, le lendemain. Puisqu'il comptait le stationner pour la nuit à la halte routière de sa ville, il m'offre d'y dormir, et ensuite de m'emmener jusqu'à Tokushima, où il prendra en sens inverse le traversier duquel je suis débarqué, le matin même. Il me dépose à destination, nous convenons à un départ le lendemain à cinq heures, puis nous nous souhaitons bonne nuit.

Fin seul dans un endroit déserté et bénéficiant d'un toit (ou d'une toile) pour la nuit, j'installe mon lit et vais me balader, conclusion idéale à première journée formidable.



Première journée



L'esprit léger, les vacances méritées, j'écris ces lignes sur la première journée de mon périple de l'intérieur de la boîte du camion loué par monsieur Hanaï, qui demain doit déménager son fils. Il l'a laissé pour la nuit à la halte routière de Muroto, un cap au sud-est de la préfecture de Kochi. La pile de mon ordinateur semble sur le point de me lâcher, alors ce texte est sous le signe de la concision, avec promesse de me reprendre dans les jours à venir. En bref, quelle formidable première journée, prélude je l'espère à bien d'autres à venir!

jeudi 21 mars 2013

Mérite

J'aime les voyages. J'aime aussi le sentiment de les avoir mérités, idéalement après une période de travail intense. Ainsi libéré d'un poids, je pars l'esprit tranquille, je savoure chaque moment libre.

Dimanche prochain s'amorce enfin mon périple d'une douzaine de jours à Shikoku, la plus petite des quatre principales îles composant l'archipel japonais. Et cette semaine, j'ai été occupé jusqu'à l’écœurement, et ce n'est pas tout à fait fini.

Sous l'urgence des préparatifs de voyage, des mots à traduire par milliers, des factures à régler, et de la saison des impôts presque oubliée, mes habitudes de sommeil, d'activité physique, d'alimentation et d'étude du japonais ont été reléguées au second rang.

Fatigué mais ravivé par le départ imminent, je vais me coucher, sachant que demain et après-demain seront encore bien chargés, mais qu'après, liberté. D'ici là, je m'aviserai de garder un œil sur la liste, cruciale, avec ses rubriques à faire, à acheter et à apporter. Nul doute, ce voyage, je l'aurai amplement mérité.


Le tunnel fait encore deux jours, mais déjà j'aperçois une lumière d'espoir, tout au bout. 

mercredi 20 mars 2013

Passage caissier

Un nom si long ne demande qu'à être raccourci

Des nouvelles de la société de taxi, par voie postale. Une facture de 21 900 yens, et deux photos à l'appui. J'ai présumé qu'elles constituaient un ensemble avant-après, comme preuve des dommages et de leur réparation, mais elles représentent toutes deux le clignotant au coin cassé, ne se distinguant que par l'angle de vue.


Les frais exigés, que j'eus préférés plus faibles, correspondent plus ou moins à mes attentes. J'aimerais pouvoir les contester avec bonne chance d'obtenir gain de cause, mais sans argument valable à ma décharge, mieux vaut abdiquer. Alors, docilement, lors de mon jogging d'après-midi, je passerai à la banque et y payerai le prix de ma folie destructrice de taxi.

lundi 18 mars 2013

Coutelas

La pierre à aiguiser. Depuis quelques semaines elle était là qui me regardait, appuyée contre le mur du comptoir de la cuisine. Hier enfin je l'ai sortie de son emballage pour qu'elle aiguise, pour qu'elle se réalise.

Digne de la royauté

Mon couteau de cuisine étant encore bien tranchant, la volonté d'affûter tirait plutôt sa source de mon voyage imminent de pouce et de camping, en préparation duquel mieux valait parer son canif aux tâches les plus délicates. Mais d'une pierre, deux couteaux, comme le dit le diction version Julien, tous deux allaient se mériter un traitement.



Le propriétaire de la boutique m'ayant vendu la King des pierres avait eu la gentillesse de me donner une fiche illustrant la technique recommandée, accompagnée de sa traduction. Mais puisqu'il est difficile à partir d'images de bien saisir les mouvements adéquats, je m'en suis remis à la base de référence la plus vaste et polyvalente qui soit, l'Internet.



La première étape consistait en l'immersion de la pierre, absorbant l'eau car poreuse, pour lubrifier le processus. La fiche conseillait cinq minutes, une vidéo visionnée plutôt quinze à vingt minutes. J'ai coupé la pierre en deux en optant pour un bain de dix minutes.

Il m'a fallu ensuite stabiliser la pierre imbibée sur une serviette, et après quelques visionnements supplémentaires de vidéos explicatives par peur de bousiller mon attirail, je me suis mis à l'ouvrage, d'abord avec le canif, dont l'éventuel aiguisage bâclé m'aurait été plus facile à avaler. (Cette dernière phrase me fait penser à avaleur de sabres, une digression hors sujet, mais juste un peu.)



La pierre ayant deux côtés au calibre distinct, j'ai commencé par celui plus grossier, de grain 250, pour ensuite effectuer la finition au moyen de celui au grain 1000. Mes mouvements étaient d'abord gauches et hésitants, mais graduellement j'ai gagné en confiance, si bien qu'à la fin ma technique en était presque fluide. J'étais prêt pour le couteau de cuisine.

Les deux lames fraîchement affûtées puis nettoyées, l'heure était à l'essai pratique. Le vendeur m'avait indiqué que tout couteau suffisamment acéré devait être en mesure de trancher une tomate finement sans l'écrapoutir. J'en avais une dans le garde-manger, quelle chance!


Le test était concluant, ses constatations, sans équivoque, les fines tranches, délicieuses. L'appétit ouvert et par pierre inspiré, j'ai voulu passer autre chose au couperet. Deux kiwis de mon panier à fruits allaient faire, au diable les idées reçues quant à la manière de les tailler. L'avaleur de kiwis au sabre affilé était en mission culinaire.