dimanche 31 mars 2013

Shikoku jour 7 : de stationnement à stade

Depuis plus d'une heure le réveil fait son trouble-fête, mais dans mon sac de couchage je suis si bien que je ne cesse de repousser le moment d'en sortir. Il est sept heures moins quart lorsque finalement j'en émerge. Mon emplacement pour la nuit aura été un coin tout au fond du stationnement cinq étoiles surplombant la station Takahama, dissimulé derrière une camionnette et une voiture drapée.






Hier soir, à l'approche des coups de minuit, avant de découvrir cet endroit confortable au point de me donner envie ce matin de rester couché, j'ai d'abord pensé à dormir au bout d'un quai de ciment, mais la présence de pêcheurs nocturnes et la crainte d'être visité par des bestioles venues des mers m'ont plutôt poussé à explorer les hauteurs, d'où la civilisation cédait vite la place à la forêt, idée vite abandonnée au souvenir d'histoires porcines. Me permettant de m'isoler et des gens et des bêtes, le stationnement a été mon point de salut.

Sac de couchage, sac-bivouac et matelas roulés et arrimés à mon sac, je descends à la station. Je comptais me lever plus tôt pour passer sous le radar d'honnêtes citoyens affolés par la présence d'un étranger osant dormir dehors, mais même après sept heures, presqu'aucune paire d'yeux n'est en vue pour me voir.


La station Takahama constitue le terminal sud d'une ligne municipale de tramway. Je l'emprunte pour me rendre jusqu'à la station Otemachi, de laquelle quelques minutes de marche me séparent de la station centrale. J'y arrive vers huit heures. J'achète un billet pour Mukaibara, au sud, point de départ du pouce pour la journée. Le prochain train quitte la gare peu après neuf heures. Je décide d'aller attendre au café, aperçu plus tôt.

Ce faisant, un panneau orange vif me saute aux yeux. Il annonce qu'à quatorze heures aura lieu le coup d'envoi d'une joute de soccer opposant l'équipe locale, Ehime FC, au Fagiano d'Okayama, et qu'un service de bus a été mis sur pied pour l'occasion. Et ainsi ma journée prend un tournant sportif!

J'ai plusieurs heures devant moi. Dans le café, je m'installe tout au fond, stratégiquement posté à côté d'une prise de courant. Puisqu'une permission demandée d'y brancher un ordinateur serait presque assurément refusée, sans demander je m'exécute, et rédige l'entrée du jour 6 du voyage. Comme rédemption à mon effronterie mais aussi pour maintenir le rythme de composition, je leur achète un deuxième café.

Je prends le bus de 11h30, et pendant le trajet j'en profite pour manger plusieurs des mikans achetées la veille. À ma gauche, une mère avec trois jeunes enfants, dont le badge de fanclub accroché à leur cou me permet deviner qu'ils vont aussi assister au match. À un certain moment, la petite fille assise à la droite de la mère m'offre une grinotine salée. En guise de remerciement, je leur offre chacun une clémentine. Ils sont ravis, et moi aussi, tant pour le geste posé que pour le sac ainsi allégé.

L'autobus nous dépose au bout d'environ quarante minutes. Je remarque la demi-douzaine d'autocars nolisés par les fans d'Okayama. Devant le stade, c'est la fête. Plusieurs centaines de fans d'Ehime FC, tout d'orange vêtus, et des douzaines de fans d'Okayama coexistent, boivent et se nourrissent avant la partie. Je suis surpris par une telle popularité, pour des clubs de seconde division!

Il reste près de deux heures avant le coup de sifflet initial. Je déanmbule parmi les fans, prends des photos. Je vais aussi explorer les environs. Non loin se trouve un terrain de rugby. Un match s'y déroule. Alors que j'observe ces gaillards se rentrer dedans, s'écraser les uns contre les autres dans les mêlées et s'arracher le ballon à tour de rôle, et ce, presque sans protection, je ne peux m'empêcher de penser qu'il faut être un peu fêlé ou bien masochiste pour pratiquer ce sport et en tirer du plaisir. Je les immortalise en pleine mise en jeu, puis vais rejoindre mes amis les fans de foot.



Je prends place dans la courbe sud du stade peu avant 14 heures. Le match commence. En voici un résumé, digne d'une revue de presse sportive.





Gros match de soccer hier, opposant l'Ehime FC de Matsuyama, au Fagiano, venus d'Okakayama. La préfecture étant réputée pour ses mikans, agrumes semblables aux clémentines et aussi dénommées mandarines de satsuma, les trois mascottes de l'équipe prennent leur forme, soit un attaquant cool, un gardien furieux, et une jolie mikanette.

La foule, déchaînée, était toute en chansons, chose surprenante pour un club de seconde division de la J League. Les quelques centaines de fans des visiteurs, arrivés pour la plupart en autocars nolisés, ne cédaient pas leur place en frais de dévotion.

Malheureusement, cette belle joute s'est soldée par la défaite de 1-0 des locaux, incapables d'enfoncer le but égalisateur malgré des efforts soutenus dans les palpitantes dernières minutes. Malgré la douleur de la défaite, le plaisir était au rendez-vous!
Ayant tiré une leçon des automobilistes manqués par un débarquement tardif du traversier, la veille, je regarde les derniers moments de la partie devant les escaliers menant à la sortie. Afin de maximiser le bassin de bons samaritains du volant, dès le coup de sifflet final je sors du stade et me mets à marcher vers la route nationale 32. En direction nord elle mène au centreville de Matsuyama, d'où je suis venu, et en direction opposée elle se rend jusqu'à Ozu, ma destination suivante. Je marche que quelques minutes sur le trottoir de la voie d'accès à la 32 et déjà une file de voitures s'est formée à mes côtés. Sans cesser d'avancer, j'exhibe de la main droite mon cahier affichant ma destination, au cas où l'un des conducteurs en file, ayant peut-être plus tôt aperçu cet étranger fan de son équipe, se sente inspiré à poser un geste de bonté.

En moins de deux, je suis exaucé. Direction Ozu, grâce à Masahito, le meilleur fan d'Ehime FC!



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