mardi 22 mars 2011

À l’assaut du mont Omoto

Je me lève vers 9h30, un seul objectif en tête : atteindre le point culminant de l’île, le mont Omoto, à 526 mètres d’altitude. Si en général la hauteur d’une montagne n’est pas indicatrice de la progression verticale du grimpeur, c’est le cas ici. Mon auberge se trouve en effet en face du port, à 0 m sur le niveau de la mer.

Le temps est frais, parfait!, mais plutôt gris, maudit! Je peux probablement oublier la vue panoramique promise depuis le sommet. Qu’importe. L’objectif ne me quitte pas la tête pour autant.

Vers 10h45, après un petit-déjeuner de champion composé de pâtes, je me rends à la gare pour prendre l’autobus qui me déposera au pied du mont. Je m’étais renseigné la journée précédente, sans prendre la peine de bien noter l’horaire. L’employée m’apprend la mauvaise nouvelle : le prochain bus ne part qu’à 14h30. Diantre!

Je refuse d’attendre. Obstiné, je lui demande où se trouve la boutique de location de véhicules la plus proche. C’est en vélo que j’irai, malgré les douze kilomètres qui d’après moi me séparent de la montagne.

L’aller est long et pénible, car évidemment depuis le rivage ça ne peut que monter, et de plus je dois composer avec un fort vent de face. Je ne lâche pas, Omoto ne m’aura pas si facilement.


J’arrive finalement à l’arrêt d’autobus, à 1,7 km du sentier montagnard. J’avais déjà remarqué que les machines distributrices sont légion au Japon. En voilà une autre preuve : dans un champ au beau milieu de ce nulle part rural, une distributrice se dresse fièrement. Je lui achète une boisson, au cas où un besoin de sucre se fera sentir en grimpée.

Ce 1,7 km ascendant, je le gravis à bicyclette. C’est particulièrement rude. Je me crois presque en étape de montagne du Tour de France. Où plutôt du Tour d’Ishigaki, duquel je suis gagnant par défaut.


Au niveau d’une belle vue sur le monstre à conquérir, j’y vais d’un autoportrait, preuve que je me suis rendu à son pied, si je devais décéder. La pancarte par terre m'avertit de ne pas m’approcher d’une partie de la route qui s’est effondrée, juste derrière moi, probablement en raison de pluies diluviennes. J’espère ne pas finir ainsi.

Là commence la véritable épreuve. Ça monte longtemps, dans la jungle humide, au point où je me demande à un certain moment si j’avais dû m’apporter des vivres, à consommer au sommet. Mais bon, je me dis que la portion de pâte me suffira.

À l’approche du sommet, je suis arrosé de bruine. Du moins c’est ce que je pense, jusqu’au moment où je me rends compte que je suis en fait dans les nuages, qui sont bien bas aujourd’hui.


Au bout d’environ une heure de marche, je conquiers le monstre. Je n’ai pas seulement la tête, mais tout le corps, dans les nuages. C’est très venteux, alors je ne m’éternise pas. J’opte pour un autocroquis sur la pierre indiquant l’altitude finale, je bois ma boisson aux raisins, plutôt atroce, puis j’entame ma descente.


Non loin du point culminant, une tour de communications, presque sortie d’un film de science fiction. Les nuages appellent la Terre!

Le parcours depuis le sommet est sans histoire, hormis les quelques fois où mes souliers glissent sur les pierres mouillées, sans toutefois me briser le coccyx, heureusement.

J’atteins finalement mon vélo, et reviens à bon port, soit le port d’Ishigaki. Cette fois-ci j’ai le vent dans les voiles, ou dans le dos plutôt, et ça descend presque sans interruption, comme ça n’a pas trop le choix quand on se dirige vers le rivage.


Chemin faisant, j’aperçois l’épouvantail le plus épouvantable qu’il m’ait été donné de voir. Poussé par le vent y flotte le cadavre d’une corneille accroché par les pattes. Ses comparses toujours vivantes doivent avoir compris le message.

Je rends le vélo à la boutique, et reviens à l’auberge où en bon Japonais, je me détends en lisant, en regardant dis-je, une bande dessinée softcore (de la nipporn), trouvée dans l’imposante collection de manga de l’établissement, avant de faire une sieste, fier d’avoir eu le dessus sur Omoto.


Dans ce numéro bleu et blanc, les pilotes de l’air s’envoient en l’air. Dans cette journée fraîche et grise, cette montagne je l’ai soumise.

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