lundi 23 mai 2011

Portrait d'adoptée du Japon : Elli Plunkett




Tout d’abord, d’où viens-tu, et pourquoi es-tu venue au Japon?
Je viens de Chicago. Mon père est Américain, ma mère est Japonaise.

Mon père est passionné du Japon. À la fin de ses études universitaires, il a décidé de s'installer au Japon et d’y travailler. Au bout de quelques années il a rencontré ma mère. Ensemble, ils m’ont eu, puis ma sœur.

Deux semaines après ma naissance, nous sommes retournés aux États-Unis.

Bien que j’aie principalement grandi aux É.-U., nous venions chaque année au Japon. Nous avons même vécu au Japon trois années de suite, au cours desquelles j’étudiais à une école internationale, en anglais.

En fait, j’ai toujours étudié en anglais, qui est ma langue maternelle, même si ce n’est pas la langue de ma mère. Je me vois comme Américaine, même si je connais bien le Japon, et plus particulièrement Tokyo. Mon père ayant toujours alterné le travail entre les États-Unis et le Japon, il y a quatre ans il a décidé de travailler uniquement au Japon, où nous vivons toute la famille dans un bel appartement. 

Je suis étudiante d’une université américaine à l’heure, et j’ai décidé de faire un échange à Sophia, voyant en cela une occasion idéale d’approfondir mon japonais.

Et pour te rapprocher de tes racines maternelles…
Exactement.

Quelle est ton université?
Indiana University, à environ quatre heures de voiture au sud de Chicago.

Comme décrirais-tu ta vie ici, en tant que personnes aux origines binationales?
Je suis certainement gaijin ici. Les passeurs de prospectus destinés aux Japonais ne m’en tendent pas, et les gens sont surpris lorsque je leur parle japonais, j'imagine parce que j’ai le visage d’une étrangère.

En fait, j’aurais même de la difficulté à dire que tu es demi-Japonaise.
En effet. Ma sœur a l’air plus Japonaise.

Lorsque tu parles japonais, les gens d’ici comprennent-ils immédiatement qu’il ne s’agit pas de ta langue maternelle?
Pas immédiatement, mais après une minute [rire]. Mon accent est japonais, mais mon niveau est plutôt bas.

Estimes-tu commettre beaucoup d’erreur lorsque tu parles japonais?
Ce n’est pas nécessairement que je fais des fautes, c’est plutôt que je ne suis pas en mesure d’exprimer tout ce que je voudrais dire. Surtout lorsque la conversation est plus profondeur que, disons, le fait de commander à partir d’un menu, ou d’aborder des sujets de base. Il m’est difficile d’exprimer le fond de ma pensée.

Par exemple : je suis très proche de mes grands-mères, mais de différentes manières. Avec grand-maman américaine, je peux lui dire tout ce que je ressens, et lui demander conseil. Avec son homologue japonaise, tout ce que peux dire, ce sont des choses superficielles telles que : « allons faire cela », ou « c’est délicieux ».

Suis-tu des cours de japonais à l’heure actuelle?
J’ai suivi un cours à mon premier semestre, mais j’ai opté pour un niveau trop élevé. À mon arrivée au Japon, j’avais entendu dire que les cours universitaires étaient tous très faciles, que c’était une vraie farce. Je n’étais donc pas à mon affaire, et je faisais souvent l’école buissonnière.

J’ai obtenu des notes médiocres, et c’est maintenant que je me rends que pour obtenir mon diplôme à temps, je dois prendre le double de cours, et je dois tous les passer. J’obtiens de meilleurs résultats ce semestre [rire], mais sans suivre de cours de japonais. Je n’ai pas le temps.

Dans ta situation particulièrement, quels sont les principaux avantages de ne pas être Japonaise?
Puisque je parle couramment anglais, je jouis d’excellentes perspectives d’emploi, d’autant plus que je n’ai pas besoin de visa, passeport japonais oblige.

Je fais du tutorat de préparation au SAT et je suis gardienne d’enfants. Ce faisant, je gagne quatre fois plus que si j’occupais ces emplois d’étudiant aux États-Unis. Je fais cinq fois le salaire minimum américain.

Pour tout dire, c’est des raisons pour lesquelles je m’en suis mal sortie au semestre dernier : je ne me concentrais qu’à faire de l’argent et trouver du travail, sans m’appliquer dans mes études.

Inversement, quels sont les inconvénients d’être gaijin à tout moment?
Difficile à dire, car je suis presque entièrement à l’écart de la société japonaise. Je suis venue au pays parce que je voulais être plus Japonaise, m’intégrer à la société japonaise, mais il est excessivement difficile de m’impliquer dans des activités ne s’adressant pas spécifiquement aux étrangers, puisque je ne peux lire le japonais. Aux États-Unis, je prenais part à tous ces clubs et activités, et ici je ne suis même pas en mesure de lire les sites web de divers organismes.

Il s’agit là d’un désavantage considérable. Je voulais devenir Japonaise, mais j’ai presque abandonné cette ambition car 1) j’ai l’air étrangère, et 2) je ne parle pas couramment la langue.

Tu as dû donc revoir la vision que tu t’étais faite de ta vie au Japon.
Exact.

Tu es ici pour environ un an, c’est bien ça?
J’y serai jusqu’à la fin juillet, auquel moment mon séjour aura duré un an.

Après cela, songes-tu à rester plus longtemps?
Oui. Mon plan, qui est sujet à modification, est de retourner aux États-Unis, faire ma dernière année d'études pour obtenir mon diplôme, et revenir au Japon pour tenter à nouveau de m’intégrer et de devenir plus Japonaise.

À présent, j’étudie, je travaille et je fais tout en anglais, mais à mon retour je veux travailler au sein d’une entreprise japonaise, ce qui me forcerait réellement à approfondir mon japonais.

Qu’est-ce qui te manque le plus de l’Amérique?
Mes amis. La vie universitaire américaine est incomparable. Ce qui me manque d'Indiana University, c'est le sens de la communauté. En y étudiant, on a l'impression de faire réellement partie de la population étudiante, on a l'occasion de rencontrer d'innombrables personnes aux vues semblables, comme s'il s'agissait d'un grand village estudiantin.

À Sophia, ce sens de la communauté n'existe pas, et c'est plus difficile de se faire des amis. Je vais sur le campus uniquement pour assister à mes cours, et j'en sors dès qu'ils finissent. Je consacre une large part de ma vie en dehors de mon université.

Ici, quand les étudiants veulent sortir, ils vont bavarder dans des petits bars ou des isakayas. Aux États-Unis, ils organisent plutôt des partys de maison, remplis à craquer de jeunes exaltés. Ça me manque.

Ça me manque également d’avoir accès à tous les renseignements, de comprendre tout, d’être en mesure de chercher sur Internet dès que j’ai besoin ou envie de quelque chose. Ici, je suis toujours limitée aux sites Web et ressources pour gaijin, tels que le magazine Metropolis.

Souhaites-tu ajouter quoi que ce soit?
S’il y a une chose de l’Amérique qui ne me manque pas, c’est la nourriture!

Aussi, depuis mon arrivée, j’ai gagné en maturité, Tokyo étant une ville si propre et classe, à des années-lumière d’Indiana University, remplie de gens disjonctés.

Tu as donc l’impression que le Japon t’a en quelque sorte « civilisée », qu’il t’a rendue plus respectueuse?
Oui [rire].

C’est un peu la même chose pour moi. À Toronto, bien qu’il ne s’agisse pas d’une ville sale, on aperçoit souvent des détritus tels que des vieux journaux qui traînent, et en cela on se dit que ce n’est pas grave de jeter des trucs par terre.  En revanche, ici, lorsqu’on a un bout de papier à jeter…
... on le garde, jusqu’à trouver une poubelle.

Oui, même s’il n’y en a nulle part.
Oui! [rire].


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