mercredi 4 août 2010

L'imposture

Début de l’été 2003. J’ai dix-neuf ans. Je fais du pouce un peu partout en France, l’esprit aventurier.

Je déambule dans les rues d’Aix-en-Provence par un après-midi ensoleillé. La ville est belle et je ne suis nullement pressé.

J’arrive à la hauteur d’un édifice qui se distingue des autres. C’est l’hôtel de ville. Je décide d’aller dans la cour intérieure, sans trop y réfléchir.

D’une fenêtre ouverte du deuxième étage, j’entends quelqu’un qui parle, qui semble en plein discours. Ça m’intrigue.

Je monte à l’étage. La porte de la salle est grande ouverte. Je la franchis. La pièce est remplie. On y sert hors-d’œuvre et champagne.

Le serveur m’approche. Son plateau est rempli de flûtes. J’en prends une volontiers. Voilà une offre que je ne peux refuser!

J’écoute la fin de l’allocution entendue depuis l’extérieur, puis j’applaudis, histoire de me fondre au groupe.

Un autre personnage prend le relais. Mais quelque chose cloche dans son discours, comme dans celui de son prédécesseur. Je ne comprends qu’environ le tiers de ce qui est dit. Quelques mots me sont intelligibles, puis je ne pige plus rien. Ça m’amuse. Le champagne commence à faire effet.

Les discours terminés, les gens se mêlent entre eux et le temps est à la causette. Un peu éméché, je n’ai aucune difficulté à me livrer à cet exercice mondain.

« Un événement en l’honneur de l’occitan, vous dites? Fascinant! »

« Oui, j’aime beaucoup la langue occitane, même que j’ai pu en discerner quelques passages. »

« Ce que je fais ici? Je dois vous avouer que je n’ai aucune raison de me retrouver en ces lieux. Je suis entré dans cette salle un peu par hasard. D’où viens-je? Du Québec. Ah! vous aimez les Canadiens? Ça tombe bien! »

Au bout d’un moment, je juge bon de tirer ma révérence, non sans avoir dégusté de succulents hors-d’œuvre au saumon.

En quittant la salle, je saisis une petite bouteille de Coca-Cola, comme dernier butin.

« Monsieur! Attendez monsieur! », que j’entends soudain derrière moi. Je me retourne. C’est le serveur, qui se dirige vers moi à grands pas.

Ça y est, je suis cuit. Mon subterfuge ne tient plus.

« Permettez-moi ». Il empoigne la bouteille et l'ouvre d’un vif mouvement de décapsuleur.

« Merci, mon brave! », je lui dis, soulagé.

Je descends les escaliers. Au palier, je prends une gorgée. L'imposteur l'a échappé belle.

Aucun commentaire: