jeudi 5 juillet 2012

Poésie du logis

Mon ami Jeremy m'a demandé d'organiser un tour d'horizon de mon nouveau logis.

Tout d'abord, laissez-moi vous présenter la théorie julienienne du logis tokyoïte : des trois éléments désirables que sont (1) un emplacement central, (2) un loyer abordable et (3) une bonne taille, il n'est possible que d'en choisir deux. J'ai opté pour les deux premiers, de sorte que ma tanière ne fait que 16,5 mètres carrés, environ 10 tatamis en mesure japonaise conventionnelle, ou environ 180 pieds carrés, en mesure usuelle canadienne. Sa petitesse aura l'avantage de freiner ma tendance à accumuler des bébelles inutiles.

À présent, amorçons-en la description, photos à l'appui.


Tout d'abord, la vue depuis l'extérieur, avec de biais une des rares avenues bordées d'arbres de Tokyo. Lorsque la corde à linge est rangée, il est possible de s'y asseoir et s'y détendre, ce qui n'est pas donné à tous les balcons de la capitale. Remarquez, dans le coin inférieur droit, la plante, naguère toute petite mais croissant rapidement, que je viens de transplanter. Son nouveau pot, je l'ai trouvé abandonné près de la station, dans lequel se trouvait un jeune conifère achevé par le dessèchement. Cet arbre n'a beau plus être des nôtres, sa terre et son récipient, maintenant aliments et refuge de ma plante, sauront honorer sa mémoire. Trop de poésie pour la botanique, passons à la prochaine photo!


Vient ensuite la vue intérieure, depuis le balcon. Hormis la salle de bains, mon lieu de vie se résume pas mal à ça. À noter que tous les meubles de l'appartement m'ont été donnés, sauf le support à cintres. Dignes d'intérêt ici sont les deux romans qui servent de part et d'autre de support à mon ordinateur qui, vieillissant, a la manie de surchauffer. J'ai pu emprunter Les rapaillages de Lionel Groulx à la bibliothèque de l'ambassade canadienne, ce qui est ironique, lui qui fut un des maîtres à penser du nationalisme canadien-français du début du vingtième siècle. Je m'écarte de la visite guidée, j'en suis conscient, mais en voici d'ailleurs mon passage préféré, une citation d'Albert Lozeau :
Ô belle, ô pure, ô noble, ô délectable langue française. Dieu qui aime les Français, et par lesquels ses desseins s'accomplissent, leur a mis dans la bouche, en témoignage de leur mission sublime, le parler le plus suave, le plus doux, le plus fin, le plus fort, le plus touchant qui ait jamais chanté sur les lèvres humaines. Langue claire, langue droite, probe, ennemie de la fraude [...]. Langue pieuse. « Notre Père, qui êtes aux cieux...», cela ne se dit bien qu'en français. [...]


Notre Notre Père à présent récité, tournons-nous vers le futon, essentiel pour cause d'espace restreint. Je n'ai pas eu trop de mal à m'y habituer, et aujourd'hui je le préfère presque au lit. Et puis, c'est moins dramatique de tomber en bas de son futon...

Retournons-nous et avançons de quelques pas, ou plutôt passons à la cuisine. La table à la gauche, accompagnée de deux chaises, je l'avais remarquée le jour de mon déménagement, posée au flanc de l'immeuble. Je suis allé voir le responsable de l'édifice, qui n'a pas hésité à me les offrir les trois. Je crois qu'il souhaitait s'en départir, malgré leur excellent état, et puisque ici il faut payer pour jeter des meubles, de cet échange nous en sommes tous deux sortis gagnants.

Le subterfuge révélé au petit jour
Quant à la table à droite, si elle est drapée, c'est pour en dissimuler adroitement du matériel, car l'espace de rangement ne déborde pas en ces lieux. Une nappe, une table, et on a un coffre.


La salle de bains est ce qu'on appelle ici un UB, soit Unit Bath (toilette et douche dans la même pièce). Les Japonais préfèrent généralement qu'ils soient séparés, mais cela ne me pose pas problème. Les dames remarqueront ici le couvert abaissé de la cuvette, par courtoisie mais aussi par crainte d'y échapper des articles de toilette.



Chaque étage de l'édifice ne comportant qu'une rangée d'appartements, le couloir donne sur l'extérieur. C'est un avantage, car lorsque je laisse ma porte patio et celle d'entrée entrouvertes, une agréable brise traverse mon logement. Je n'aurais jamais pensé que pareil échange d'air me plaise à ce point, mais c'est le cas. Comme quoi on a beau examiner un endroit sous toutes ses coutures avant d'y emménager, ce n'est qu'en y vivant qu'on en apprend réellement les défauts et qualités. Pas de doute, j'ai un logement de qualité.

2 commentaires:

Camusi a dit...

excellent! petit, mais il y a tout ce qu'il faut., suffit d'etre organise. bien vu de baisser le couvercle des toilettes pour pas y perdre tes affaires ;-) j'Aime ce couloir exterieur pour y mettre les velos, comme dans les films. tu es a quel etage?

Julien a dit...

Je ne suis pas trop claustrophobe de nature, alors ça va! J'habite au sixième, sur huit étages. Pas trop immense comme édifice, ça me va!