La peur de
la mobylette surmontée la veille, l’heure est au tour de Camiguin à deux roues.
Guillaume n’ayant aucune expérience à cet égard, ni aucune cicatrice sur le
mollet droit pour le prouver, je suis conducteur par défaut.
La journée est
bien plus belle qu’hier, quoique la mer agitée nous pousse à abandonner l’idée
d’y faire de la plongée en apnée. Nous projetons heureusement de nous rabattre
sur les sources, froides et chaudes, comme source de plaisir hydrique.
Nous
donnons le premier coup d’accélérateur vers dix heures trente. Premier arrêt,
le chemin de croix d’une bourgade joliment dénommée Bonbon. Nous gravissons le
flanc de montagne, et vite couverts de sueur, admirons à intervalles réguliers
les quinze étapes de la crucifixion et de la résurrection du Christ, sous forme
de statues de plâtre dont les contours crus me rappelle les tableaux de
peinture naïve. Sans être éreintante, cette montée suivie du retour à la moto
stationnée sur la route périphérique de l’île nous rappelle ce que nous avons
fait subir à nos jambes, encore endolories, deux jours auparavant lors de
l’ascension du mont Hibok-Hibok.
Notre
exercice physique quotidien rayé de la liste, nous remontons à moto, et
progressons vers le sud. La route est généralement dégagée et toujours en bon
état. Preuve que l’île ne reçoit qu’un faible nombre de visiteurs de
l’extérieur (ce qui, je n’en doute point, est appelé à changer, car Camiguin a
tout les atouts pour plaire au touriste), les attractions touristiques sont mal
ou pas indiquées, et les restaurants se font rares.
Partageant un petit creux,
nous arrêtons d’ailleurs à l’un d’eux, face à la mer. Persuadés que nous
pourrons nous y nourrir à satiété, car de nombreux mangeurs s’y trouvent déjà,
nous mordons la poussière lorsqu’on nous dit que l’endroit est fermé, saison
basse oblige, et que lesdits mangeurs font partie d’un groupe organisé ayant
transporté leur propre manger!
L’estomac
dans les tibias (ou peut-être les chevilles, mais pas tout à fait dans les
talons), nous repartons, à l’affût d’un établissement de restauration,
n’importe quel. La quête s’enrichit de petites routes explorées en vain, d’un
resto-eldorado dont on perd la trace, et de barres tendres salvatrices nous
permettant de poursuivre le chemin un temps. Se met finalement sur notre chemin
le Lagoon Café, donnant sur, tenez-vous bien, un lagon. L’endroit est déserté
malgré le beau dimanche, ce qui me donne à croire que les restos sont en
général probablement hors de prix pour le Camiguinien moyen, ce qui explique, en
plus du très faible nombre de touristes, la rareté des restaurants et autres
bistros.
Après
dîner, nos atteignons le village de Benoni, lieu de départ des traversiers vers
Mindanao. En ce dimanche, la fête de Saint-Pierre bat son plein, et les
environs de l’église sont bondés. Sur le parvis, de vieux haut-parleurs crachent
une musique religieuse plutôt entraînante, enivrés de laquelle les villageois
dansent à la gloire de Dieu. Nous allumons quelques cierges vendus par
d’entreprenantes dames, puis allons observer les parties de basketball qui se
déroulent de part et d’autre du terrain, de l’autre côté de la rue. Nous allons
finalement nous informer quant à notre traversier, qui doit quitter le port le
lendemain matin à huit heures. On nous indique qu’en vertu de l’incertitude des
conditions météorologies, le départ reste à confirmer, et qui pourrait très
bien être annulé.
De retour
sur la route, d’abord lentement puis en accéléré une fois la foule de fêtards
derrière nous, nous visons d’atteindre une source d’eau froide, baptisée Macao Spring. On l’atteint au moyen
d’une route de terre boiteuse par endroits, non sans d’abord emprunter la
mauvaise route. La source est composée d’un bassin plus ou moins naturel et
rempli d’une eau tout à fait naturelle et fraîche. Quelques jeunes Philippins
(quoique dans ce pays dont l’âge médian est inférieur à vingt-trois ans,
ceux-ci pourraient être considérés vieux un peu) consacrent leur après-midi à
se partager des alcomixes, tandis que
d’autres, réellement jeunes, se plaisent à se tirailler dans l’eau.
Rafraîchis
et remis en route, il ne nous reste plus que les chutes de AAA (nom plutôt long qu’il me faudra retracer). Dans les terres à
cinq kilomètres environ de la route périphérique, nous en dénichons et
empruntons la route d’accès, et montons de manière presque ininterrompue. Nous
parvenons au site vers dix-heures vingt, ce qui nous laisse environ quarante
minutes de clarté, requise à un retour sans danger sur cette route libre de
lampadaires. La chute, tombant le long d’une paroi rocheuse à l’impressionnant
dénivelé, est magnifique. Nous l’admirons et l’immortalisons, et c’est à ce
moment que la pluie se met de la partie.
D’abord faible et n’entravant pas la
prise de photos, bien vite elle s’intensifie au point de nous forcer à retarder
notre départ motocycliste. Spéculant qu’elle se calmera bien vite, nous
achetons une mince galette garnie de sirop à un kiosque dont la propriétaire
nous offre gracieusement de prendre place sur une petite table à l’abri de la
pluie. Depuis cet emplacement protégé, nous ne pouvons que rire en constatant
la pluie qui sans cesse semble empirer, jusqu’à devenir déluge dans la rue,
alors même que la lumière du jour faiblit à rythme alarmant.
Si le rire
est jaune, le soulagement ne manque pas d’être vécu sincèrement lorsque
finalement la pluie s’estompe pour rendre praticable le chemin de retour. Je
descends lentement et prudemment, guidés par les phares qui ne sont pas encore
essentiels mais presque, et nous finissons par regagner la route principale,
depuis laquelle la Casa Roca n’est plus très loin. Nous aurons relevé avec brio
le défi de la moto, malgré l’obstacle de l’eau tombée du haut!
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