Samedi dernier en fin d'avant-midi. À vélo je me dirige vers l'institut où je dois prononcer mon discours. La nuit précédente a été courte, pour cause de préparation jusqu'aux petites heures, mais je me sens plutôt bien, probablement porté par la nervosité.
Dès le premier coin de rue, alors qu'à voix basse je me concentre à répéter mon introduction, mon ami Benoît, invité à la fête, vient me surprendre en arrivant à ma hauteur. Je dois ainsi faire fi de la répétition générale à deux roues, quoiqu'il est un peu tard pour que cela entraîne de quelconques répercussions.
Au bout d'une douzaine de minutes, nous arrivons. La veille, auprès de M. Maeda le responsable de l'événement, je me suis engagé à arriver au moins une dizaine de minutes avant le lancement, à 11h30, mais fidèle à moi-même, j'arrive juste à l'heure.
On m'a que seraient présentes presqu'une vingtaine de personnes, autant des élèves, de potentiels futurs élèves et d'autres enseignants. J'ai prévu mon discours en fonction, en le saupoudrant de blagues accessibles à tous à des moments bien choisis.
Ainsi se dévoile la surprise au moment d'entrer dans la salle : il n'y pas dix personnes, tous des élèves déjà inscrits.
Monsieur Maeda me présente, explique le déroulement de l'activité, et me cède la parole.
D'emblée j'y vais d'une blague légère, à la portée, du moins je le pensais, de l'audience. Absolument aucune réaction, rien. On ne fait que me fixer du regard. C'eut été une comédie loufoque et on n'aurait perçu que le grésillement d'un grillon solitaire.
J'essaie de garder mon calme et de faire comme si de rien n'était, mais à la vitesse de l'éclair j'élimine dans ma tête les jeux de mots et farces plates qui échapperont au public, ce qui n'est pas une mince tâche en devant simultanément donner l'impression d'être en contrôle et poursuivre mon allocution.
Malgré ce faux départ, au bout de quelques minutes, adapté à la passivité ambiante, je reprends mon rythme de croisière et le reste du discours se déroule bien. Quelques déclarations suscitent même de timides réactions.
Je craignais ne pas pouvoir meubler les vingt minutes qu'on m'avait allouées. En fin de discours, pour la première fois je jette un coup sur ma montre, et constate que j'ai parlé presqu'une demi-heure!
On m'applaudit timidement. Monsieur Maeda prend la parole pour me remercier et annoncer la suite, soit une séance de discussion agrémentée d'un goûter. Je discute un peu avec les gens, les organisateurs m'assurent que j'ai bien fait, puis c'est déjà la fin. Avec Benoît, qui habite pas très loin de chez moi, nous rentrons.
Je m'attendais vaguement à ressentir un quelconque sentiment de fierté, de fait accompli, voire d'extase, mais rien. Je viens pourtant de me produire devant des gens, ce qui aurait apparu extraordinaire au Julien gêné et toujours terrifié à l'approche des présentations orales, obligations inévitables des cours de français du secondaire. L'unique émotion ressentie aura été le trac préalable à la performance. Je me dis qu'au fond c'est peut-être le métier qui rentre, après plus de deux ans à être instructeur d'anglais et de français, car enseigner c'est en quelque sorte se donner en spectacle, et ce qu'on ressent d'abord vivement finit par s'estomper avec le temps et l'expérience.
Je ne m'éternise heureusement pas sur ces élucubrations. J'ai livré la marchandise, ai découvert que les Japonais ne constituent pas un public très réactif, sauf s'il s'est égayé de quelques consommations, et mes employeurs ont été satisfaits, prenant même la peine de me verser un cachet. Ce n'est pas l'extase, mais c'est bien!
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