Je songe brièvement à relocaliser mes quartiers de nuit à l'ombre, mais j'en conclus qu'il vaille mieux s'activer, au diable d'insuffisance sommeillesque.
En m'extirpant de mon sac de couchage, seulement habillé d'une paire de boxeurs, j'aperçois avec surprise un grimpeur matinal, à une trentaine de mètres. Absorbé par l'observation du paysage en contrebas, il ne semble pas avoir remarqué ma présence, et quand il le fait, je suis déjà tout vêtu. Quelques minutes plus tard au moment où il accède au sentier menant à Jinba, nous prenons le temps de discuter et j'apprends qu'il est parti de son domicile de Tachikawa ce matin tôt en voiture, laquelle il a stationné en début de sentier.
Il poursuit sa route tandis que je m'installe pour déjeuner. Je reprends à mon tour l'ascension vers sept heures trente. La chaleur inconfortable ressentie depuis le sac de couchage n'est que mauvais souvenir, car à l'ombre des arbres qui longent le sentier, la progression est confortable. Et compte tenu de la différence altitude nette d'à peine cent trente mètres entre Kagenobu où j'ai passé la nuit et Jinba où je m'en vais, la pente est plus souvent qu'autrement douce et plaisante sur les presque six kilomètres du parcours jusqu'au sommet.
À peine une vingtaine de minutes après m'être lancé, je croise avec surprise le même bougre. Celui-ci n'est pas qu'en simple randonnée, mais en jogging montagnard. Nous nous saluons, et j'oublie de lui demander si l'attend le travail après ce léger exercice matinal.
Le sentier est empreint de quiétude, mais de temps en temps je rencontre d'autres randonneurs, seuls ou en groupe, lancés au petit matin depuis la base, sans l'avantage d'une nuit à la belle étoile en hauteur. C'est que ça se lève tôt, ces petits montagnards-là!
Cheval blanc sur ciel bleu, avec orange sur pattes
J'atteins le sommet vers dix heures trente. À l'horizon, aucun nuage et un vue à 360 degrés des alentours, avec comme point de mire l'incontournable Fuji. À l'opposé, la vaste plaine du Kantō. L'endroit a été aménagé en profondeur, avec des tables de pique-nique un peu partout, une statue équine (car le 馬 des caractères de Jinba [陣馬] signifie cheval), des toilettes, un restaurant dont la terrasse offre une vue prenante sur l'iconique volcan conique.
Je prends le temps de m'imprégner de ce beau tableau et d'en tirer quelques photos, puis vais m'installer sur une table de la terrasse, avec comme droit d'entrée l'achat d'un café. Celui-ci étant bien trop chaud, je le couvre, me couche sur le banc de bois, et avec une veste roulée en guise d'oreiller, m'accorde une deuxième courte nuit, fort méritée. Oui, Jinba et son cheval blanc valaient bien une nuit blanche.
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