Pendant plus de cinq ans à Toronto, j'ai été traducteur à la pige. Ce travail à contrat était bien payé, mais plutôt pauvre en avantages sociaux. Cette pauvreté se traduisait (et ce verbe est bien d'adon) par aucune couverture médicale ni dentaire, une absence de congés avec solde et l'inexistence des congés de maladie. Un boulot à occuper lorsqu'on est jeune et en santé.
Je me considère encore jeune et en santé, mais j'ai aujourd'hui la chance d'être au service d'une entreprise aux avantages sociaux non pas plus avantageux, mais aux avantages sociaux tout court.
À l'époque, lorsqu'une bonne grippe semait la pagaille en moi, la seule solution consistait à poursuivre mon labeur le temps que le système immunitaire reprenne le dessus, quitte à voir ma productivité décliner. En travaillant devant un ordinateur, je n'avais pas à tousser fiévreusement devant mes clients. Soit je travaillais, soit je ne générais aucun revenu, et ce dilemme n'en était pas vraiment un. En cinq ans, je crois n'avoir jamais manqué à l'appel.
Sous l'influence de cette philosophie du travail à tout prix en dépit d'un contexte différent, hier je suis allé à mon école en vue d'enseigner deux leçons à la même étudiante. Quel désastre! Entre éternuer bruyamment et me retenir de le faire, en passant par la répression de l'envie de renifler le mucus s'accumulant tout en reprochant une fictive allergie, je crois avoir semé l'effroi chez mon étudiante, et je redoute lui avoir transmis mon infection.
Ainsi, ce matin, mon état ne s'étant pas sensiblement amélioré, pour la toute première fois j'ai annoncé par voie téléphonique mon absence pour cause de maladie. Même si j'avais des raisons tout à fait valables de le faire, je n'ai pu m'empêcher de me sentir un peu truand, comme si je commettais une transgression, un interdit. C'est une drôle de sensation que de caller malade, un peu étrange mais certes plus agréable que celle ressentie par mon nez, rougi et irrité.
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