Par exemple, j'arrive régulièrement à mes leçons de japonais bien après les coups de dix heures prévus, et il est presque impossible pour moi d'arriver à l'heure d'ouverture de bureaux d'immigration, malgré la potentielle économie de temps ainsi engendrée.
En revanche, je ne suis jamais en retard au travail, l'imponctualité étant un des principaux motifs de congédiement de mon employeur, et qu'en de très rares occasions je manque des rendez-vous importants ou même des rencontres prévues entre amis.
Je suis ainsi arrivé à l'ambassade chinoise plus tard que j'eus voulu. Avant même d'y entrer, j'avais une certaine appréhension, malgré mon dossier complet et mes formulaires dûment remplis. C'est que j'avais entendu de deux amis des histoires contradictoires quant à l'obtention d'un visa de tourisme pour les ressortissants de pays tiers résidant au Japon.
Selon le premier récit, qui finit bien, le personnel de l'ambassade vous remet un beau visa le jour même, et vous repartez heureux et satisfait de l'efficacité sinobureaucratique.Mes recherches sur Internet concordaient malheureusement avec ce dernier cheminement, et la réceptionniste de l'ambassade n'a pas manqué de me le confirmer. Je suis sorti, mais au lieu d'entrer directement dans l'une des deux agences, car oui il semblait y en avoir deux, je suis passé devant en réfléchissant à la stratégie à adopter. C'est alors que j'ai vu sortir de l'une d'elles l'Anglais qui m'avait précédé à la réception du service consulaire.
Selon le second, plus sombre, le personnel consulaire ne fournit pas directement ce qui est pourtant un visa tout à fait basique, et vous devez vous rendre dans une agence de voyage jouxtant pratiquement l'ambassade, où des types louches mais bien connectés sont heureux de graisser la machine à visa pour vous, moyennant une contrepartie propre à vous sortir les yeux de leur orbite.
Je lui ai demandé les prix exigés, ce à quoi il m'a répondu que pour un visa le jour même, c'était trente mille yens (370$), pour celui au bout de deux ou trois jour ouvrables, onze mille yen, et si je pouvais attendre 4 jours ouvrables, ça revenait à huit mille yens, ce qui représentait tout le même le double des frais de visa théoriques. Pressé par le temps et peu enclin à se faire détrousser de la sorte, ce pauvre type avait décidé d'abandonner l'idée de visiter la Cité interdite au cours d'une escale prochaine dans la capitale chinoise. Je lui ai remercié de m'avoir renseigné, et il m'a fait promettre d'apprécier doublement le pays, pour moi comme pour lui.
À la fois résigné et sur mes gardes, je suis entré dans l'agence, mais pas celle d'où était sorti l'Anglais. Connaissant les prix du concurrent, je me préparais à exercer mes talents de négociation. L'homme au guichet du fond m'a demandé de m'asseoir. Il a examiné mon dossier de demande, qui lui semblait satisfaisant, pour ensuite me confirmer que, puisque mon départ n'était que le treize, j'allais pouvoir venir récupérer mon visa mercredi prochain.
Les frais : sept mille yens, mille de moins qu'à côté. Surpris par ce prix, je n'ai même pas négocié. C'était mieux que prévu, et dans les circonstances j'estimais m'en sortir plutôt bien. J'eus pu lancer une campagne de pression pour forcer l'ambassade à changer ses pratiques pour ainsi éliminer la nécessité d'un tel intermédiaire, mais pareilles protestations indignées iront à une prochaine fois, ou à mon prochain, car on ne badine pas avec la Chine.
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