mardi 30 avril 2013

Kagoshima jour 1, suite : beau temps, arbre et conteneur



 Hier, après la nuit exempte de sommeil, mon ami Noriyasu habitant la ville de Kagoshima m'a fait visiter la région, du moins des coins que je n'avais pas visités à l'occasion de mon précédent passage, l'an dernier.

Il m'a notamment emmené à l'emplacement du Festival de sculpture de sable de plage de Minamisatsuma. Le lancement n'étant prévu que ce jeudi, afin de pouvoir accéder au site il m'a fallu prétendre être journaliste dépêché sur le terrain par un magazine canadien.



Nous projetions également d'aller au mont Kaimon, tout au sud de la préfecture, destination choisie au hasard avant de partir de Tokyo car il avait sollicité des suggestions. Nous avons toutefois décidé de mettre le cap au nord, vers le temple Kamou-Hachiman abritant le Kamou-no-okusu, un arbre millénaire et sacré monumental national, après que je lui eus mentionné mon affection pour ces majestueuses plantes.



Vers 16h30, nous sommes arrivés au Mommy's Café, dont la famille propriétaire m'avait accueilli pendant six jours lors de mon voyage à Kyushu à pareille date, l'an dernier. L'heure était aux retrouvailles, et ils me semblaient aussi heureux de me revoir que moi je l'étais à être de retour.

Après quelques heures à discuter et nous amuser, le scénario de l'an dernier, bien plaisant, s'est répété. Tandis qu'ils rentraient à la maison, à une trentaine de minutes en voiture du café, je suis allé me détendre et me laver à l'onsen en face, sachant que j'allais avoir l'endroit à moi seul à mon retour. 

Mon toit pour la nuit, avec façade qui attend de recevoir mon ouvrage

Bien relaxé et en vacances, je n'avais pas de quoi me plaindre. J'avais de lecture et tout le loisir de me la mettre sous la dent. Contrairement à l'an dernier, je n'avais pas besoin de monter ma tente, ni de la démonter au matin venu. En fait, je n'avais même pas de tente, car mon logis allait plutôt prendre forme d'un nouveau conteneur, version miniature de celui servant de structure à leur café, qui venaient de se faire livrer. L'une des tâches qu'on m'avait confiées s'axait d'ailleurs sur la création d'une enseigne attrayante pour la vente de glace concassée. Cela allait devoir attendre au lendemain, heureusement, il me fallait d'abord consulter le marchand de sable, peintre de bâtiment à ses heures.


Un retour qui fait plaisir

lundi 29 avril 2013

Kagoshima, jour 1 : briller par son absence

 La photo d'aéroport de service

Je sors de chez moi à toute vitesse. Pour ne pas manquer mon vol depuis l'aéroport Haneda, je dois aller prendre le train de 4h39 depuis la station Yotsuya, à une vingtaine de minutes de vélo. Le hic : il est déjà 4h21.

Comme d'habitude, j'ai surestimé le temps à ma disposition, et sous-estimé celui dont j'avais besoin, si bien que malgré la nuit blanche à faire mes bagages, régler des détails de dernière minute mais aussi perdre mon temps, alourdi par mon sac à dos je pédale à qui mieux-mieux dans les rues éclairées des premières lueurs de la journée, comme seul espoir de m'envoler vers Kagoshima.

Haletant, j'atteins la plateforme dans la station Yotsuya avec plus de trois minutes d'avance. Quel coussin! Rien ne servait de me presser! Le train s'immobilise, j'y monte et cinquante minutes plus tard, je suis au comptoir de la compagnie aérienne pour y enregistrer mon bagage.

Lorsque finalement je monte à bord et m'installe dans mon siège d'allée, le sommeil ne se fait pas prier. Je ne me réveille qu'à deux reprises pendant le vol de près de deux heures, la première fois juste au moment de me faire servir un verre de jus de pomme et d'en enchaîner un autre avant de me rendormir. Le type assis dans le siège du hublot de ma rangée devait m'épier depuis un certain moment, car aussitôt que j'entrouvre les yeux pour la seconde fois il m'implore de le laisser aller aux toilettes.

Arrivé à destination, dans les vapes je vais récupérer ma valise et prendre le bus en direction de la gare centrale de Kagoshima. À nouveau, mon sommeil n'est interrompu que par quelques brefs moments d'éveil. Finalement arrivé là où mon ami Noriyasu doit venir me cueillir, je profite de l'attente pour aller acheter un café au dépanneur d'en face. Il tombe à point, surtout que deux heures trente à roupiller dans des postures inconfortables peuvent difficilement être qualifiées de nuit de sommeil.

Malgré la fatigue, malgré la course folle, je me réjouis d'avoir quelques jours de congé, de revoir des amis, de prendre mon temps. Tiens, voilà Noriyasu qui annonce son arrivée d'un petit coup de klaxon!



samedi 27 avril 2013

Retour volcanique



Demain tôt je m'envole vers Kagoshima pour y retrouver mes amis propriétaires du Mommy's café, face à la halte routière de Tarumizu offrant une vue saisissante du volcan Sakurajima, qui fume en permanence.

L'an dernier à pareille date, ils m'avaient offert de monter ma tente à l'abri sous l'auvent rigide de leur café pour la nuit, heureusement car il avait fait tempête. J'avais fini par leur tenir compagnie pendant six jours, au cours desquels j'avais tiré grand plaisir à leur prêter main forte pour desservir les nombreux touristes de passage pour la Golden Week.

Quel plaisir en perspective cette année encore, d'autant plus que je devrais faire fureur avec les patins à roulettes d'une autre époque, tout juste dénichés!

vendredi 26 avril 2013

Café parc



Me faire un café, saisir un bouquin et aller les savourer au parc du coin. Le calme enfin revenu après la tempête, ce matin j'ai pu m'adonner à cette activité que j'affectionne.

Le parc était bien vivant. Les mères et quelques pères y jouaient avec leurs enfants, des groupes de retraités se faisaient des parties de croquet, les travailleurs du chantier de construction à proximité s'y accordaient une pause, les éducatrices de la garderie voisine y divertissaient leurs petits bouts de choux.

J'ai lu, siroté mon liquide, pesté un peu contre le vent qui m'obligeait à tenir fermement mon livre, discuté avec Shigeyuki l'ingénieur informatique venu avec sa petite fille Ayaka et rejoint peu après par sa femme.

Le café terminé, je me suis levé, suis allé rincer ma choppe dans le lavabo des toilettes, et me suis accordé une promenade dans le quartier avant de revenir chez moi, où quelques tâches m'attendaient. Il faisait beau, la semaine de folie était derrière, un calme post-tempête fort plaisant.

jeudi 25 avril 2013

Frères et sœurs



De la grande visite hier soir, celle de Nicolas et sa copine Marie-Catherine, le temps d'un repas au resto, comme évasion brève mais bienvenue à mon travail qui n'en finit plus. C'était notre première rencontre, car le lien nous unissant était par Geneviève interposée, la sœur de Nicolas et ma camarade de classe de la sixième année à secondaire cinq. Avant hier soir, il connaissait ma sœur, je connaissais la sienne, nos sœurs se connaissaient, et finalement nous nous sommes connus.

Ils étaient animés d'une curiosité allumée sur plusieurs aspects de la culture japonaise, et je crois m'être bien acquitté de mon rôle de vulgarisateur. Préalablement à leur départ de voyage, Geneviève nous avait présentés par courriel car Nicolas voulait s'assurer de l'exactitude de la petite fiche d'allergies qu'il avait fait traduire vers le japonais. Hier, nous en avons testé l'efficacité, et j'ai le plaisir de vous annoncer qu'il s'en est sorti sans aucune égratignure allergique!

Merci les amis, et à la prochaine!

lundi 22 avril 2013

Vase débordé

Je suis débordé comme rarement je l'ai été jusqu'ici. En cette saison de déclaration fiscale, phénomène annuel inévitable mais honni avec une passion à tous coups renouvelée, et comme toile de fond deux énormes contrats de traduction qui n'en finissent plus et dont l'écœurantite que je leur porte n'en n'accélère pas pour autant l'achèvement, d'alléchants débouchés professionnels se sont offerts à moi, non pas un à un mais en se bousculant et en réclamant tous mon attention sans partage.

Ces occasions sont à la fois fascinantes et pressantes. Elles me réclament sans délai et ce faisant n'ont aucun scrupule à tabasser les agréments de ma vie routinière, tels que des nuits de sommeil normales, de l'exercice occasionnel, des temps libres à savourer et des amis avec lesquels les partager, une certaine assiduité en frais de blogue.

Je suis débordé comme rarement je l'ai été jusqu'ici, et ce n'est pas tout à fait fini. Il y a tant que j'aimerais partager ici, mais vous me pardonnerez de me faire bref, car maintenant n'est pas le moment, surtout que le contrat de traduction numéro un, ce gros bébé nécessiteux, vient de se réveiller en braillant et exige que je vienne le lettrer. Je vous reviens dès que lui et son frangin auront finalement quitté le nid familial.

vendredi 19 avril 2013

Voyage bon marché

À titre de travailleur qui gagne majoritairement son pain à la pige, je n'ai pratiquement jamais bénéficié de congé avec solde. Contrairement à ceux et celles qui continuent de toucher un salaire en période de vacances, chaque périple que je m'accorde représente une interruption de mes revenus. Le coût ne me mesure donc pas qu'aux dépenses que j'y fais, mais également au manque à gagner ainsi suscité.

Ce double effet sur ma situation financière ne m'effleure que rarement l'esprit avant, pendant et après mes voyages. D'instinct et plus ou moins consciemment, je voyage selon mes moyens, sans me priver des dépenses occasionnées.

À mon retour de Shikoku, il y a quelques semaines, mon enseignante de japonais m'a demandé combien m'avait coûté mon voyage. Elle m'a semblé incrédule lorsque je lui ai répondu que j'en n'avais aucune idée, que jamais je ne comptabilisais pareille chose, et que, bien que rien ne m'empêchait de le faire, je n'en voyais pas l'utilité. J'ai ajouté que je m'étais accordé ce voyage en sachant que je pouvais me le permettre, et que cette certitude me suffisait amplement.

Voici la manière dont je résumerais succinctement cette affection des vacances à la fois nombreuses et libres de soucis monétaires :

Voyager souvent pour travailler l'esprit tranquille, travailler assez pour voyager l'esprit tranquille.

mercredi 17 avril 2013

L'agencement

Il y a plus de deux mois, j'annonçais mon intention de créer un collage constitué d'images de l'époque Edo, plus particulièrement de ses derniers moments, théâtre de troubles et de conflits larvés.

Travail de longue haleine, la sélection des images à partir de quelques volumes de matière première vient d'être achevée. Hier je me suis finalement accordé une vue d'ensemble en étendant ces illustrations au sol, en vue de parvenir à une œuvre harmonisée présentant son propre mérite, distinct de celui de chacune de ses composantes.

En voici donc la toute première ébauche. Je m'accorde encore quelques jours pour la parfaire, et recueillir des images supplémentaires au besoin, avant d'amorcer le processus minutieux de découpage, en tenant bien sûr compte des limitations spatiales imposées par le cadre destiné à exposer l’œuvre achevée.


 Me plaît tout projet qui progresse

mardi 16 avril 2013

Piprerie

Nom d'une pipre en bois!

Aujourd'hui, appelez-moi Julien Pipre. C'est à ce nom qu'était adressée l'enveloppe qui m'attendait dans la boîte aux lettres, dans laquelle se trouvait le cahier perdu. Je me doutais qu'en l'épelant au bout du fil, il y a quelques jours, je courais le risque de voir un P ou un T pris pour un T ou un P, mais persuadé que mon adresse, elle, avait bien été notée, je m'étais paré à l'éventualité d'un nom charcuté. C'était là un bien faible prix à payer pour être réuni avec le cahier que je croyais perdu, qui reprendra du service dès que les pages de son successeur auront été remplies de mes gribouillis.

Je m'attendais à devoir m'acquitter des frais d'envoi à la réception du colis, mais l'office de tourisme s'en était déjà chargé. C'était là une belle marque de serviabilité, d'autant plus que l'enveloppe elle-même, robuste et enjolivée d'une mascotte aviaire, ne demandait qu'à être réutilisée. La lettre accompagnant le cahier m'invitait à revenir à Imabari, tout en m'assurant que j'y serai toujours le bienvenu. Revisiter cette ville où il fait si bon égarer ses biens, je pourrais bien me laisser tenter.


lundi 15 avril 2013

Meunier Tudor


Le petit moulin vient de retrouver son grand frère. L’aîné du clan, déniché dans une brocante, a été acquis sans hésitation, son prix n'étant guère supérieur à trois ou quatre tasses à la succursale locale de votre chaîne multinationale préférée.

Sans dénigrer le cadet, le nouveau venu offre une meilleure tenue, pour un broyage plus assidu. Alors petit moulin, ne sois pas jaloux du nouveau favori, et grand moulin, prends soin de ton petit frère. Que je ne vous prenne pas à vous chamailler, c'est compris?

dimanche 14 avril 2013

Vent Valjean


Invité par une amie
Mais faisant à ma tête
À vélo enfourché
Voulais aller à la fête

Comparé à marathon à deux jambes
Distance marathonienne à deux roues
N'était que bagatelle, un jeu d'enfants
Sans toutefois se franchir en coup de vent
Surtout avec vent qui haranguait continuellement

Non sans retard
J'y suis parvenu
Et bien qu'épuisé
M'y suis bien plu


vendredi 12 avril 2013

Numéro chanceux

Pour prendre note de mes impressions de voyage à Shikoku, je m'étais muni d'un petit cahier à couverture rigide, souvenir pratique rapporté de Shanghai six mois auparavant. Il m'avait rendu de précieux services dans les premiers jours, pour écrire mais aussi pour y imprimer les tampons des endroits visités.

À mi-chemin environ de mon périple, le cahier avait cessé de répondre à l'appel. En en retraçant les derniers usages, j'avais déduis l'avoir probablement oublié à l'office touristique d'Imabari, ville ayant servi de point de départ à ma journée en mer.

Sa perte me désolait, mais puisqu'il était à peine entamé et que la nécessité de rebrousser chemin ne me chantait guère, bien vite j'en avais fait le deuil, consacré quelques jours plus tard par l'achat d'un digne successeur.

Je ne l'avais néanmoins pas complètement rayé de ma mémoire, car je me doutais que quelqu'un, quelque part, allait le trouver et le conserver, dans l'espoir de le réunir avec son propriétaire, mais tant que j'allais être en voyage, mieux valait profiter du moment et aller de l'avant.

Une semaine après mon retour et quelques coups de fil plus tard, nos retrouvailles devraient devenir réalité, par gentille dame de l'office touristique interposée. Elle avait initialement eu le regret de m'annoncer que le cahier ne se trouvait nulle part dans son lieu de travail. Je l'avais remerciée de son aide, en lui mentionnant au passage qu'il m'incombait désormais de contacter la société de traversiers voisine, dont le comptoir de vente constituait à mon avis le deuxième endroit de perte le plus probable. Prenant l'initiative d'aller s'y informer, elle m'avait rappelé peu après pour m'annoncer la bonne nouvelle. Permettez-moi de la célébrer, cette bonne nouvelle, par maxime créée pour l'occasion:

Les objets perdus, une réalité avec laquelle il faut composer.
Mais composez le bon numéro et parfois en réalité tout n'est pas perdu.

jeudi 11 avril 2013

L'heure de gloire

 En attendant d'entrer en scène

Mon père Raymond prend sa retraite, et aujourd'hui marque son dernier jour au bureau. Pour souligner son départ, ses collègues lui organisent une petite fête. L'un d'eux, Ken, a la brillante d'idée de m'y inclure, par webconférence.

Tandis que le rassemblement prend de la vigueur dans l'aire ouverte, en catimini dans ce qui me semble une salle exiguë au mur blanc, Ken établit la communication. La connexion nous apparaît rapide, depuis Trois-Rivières l'image et le son me parviennent clairement. Nous discutons en attendant le moment opportun. Ken effectue quelques sorties pour éviter d'éveiller les soupçons.

Le temps est venu. Il saisit le portable de côté, l'écran exhibant mon faciès, sort de la pièce et se dirige vers Raymond. L'angle de vue est intéressant. Je vois défiler le visage de quelques participants, puis celui de mon papa.

Il est agréablement surpris. Je lui souhaite une bonne retraite. Il me demande comment dire cela en japonais. Je m'exécute et j'entends les gens qui rient. Nous discutons un peu plus, ma voix prenant sans doute des airs robotiques par ralentissement de la connexion, puis je le laisse se consacrer à ses collègues qui le fêtent. Une belle initiative de Ken, une source de plaisir pour tous ceux en présence.

Papa, je te souhaite une retraite toute en santé et en activités. Je t'aime!

mercredi 10 avril 2013

Pimenter



Je prends place dans le restaurant de pâtes. Ma dernière visite remonte à des lustres. D'un simple coup d’œil sur l'étiquette, je me rappelle cette sauce d'origine mexicaine parfaitement épicée. J'en étais friand à Toronto, mais ici, impossible de s'en procurer au détail, et il s'agit d'un des rares établissements de Tokyo à l'offrir.

J'ose demander au serveur si la clientèle peut en acheter, et je suis surpris de l'entendre répondre par l'affirmative, après consultation avec les cuisiniers. Chaque bouteille se détaille à 280 yens, soit trois dollars à peine. Je lui en commande trois, bien heureux de me pourvoir d'un produit à même d'ajouter un peu de piquant à la vie, littéralement.

Il me revient quelques minutes plus tard, l'air désolé, avec comme seul offrande une bouteille à moitié entamée. Je le vois venir. 

Puisque nous sommes pratiquement en rupture de stock, j'ai le regret de vous annoncer que nous ne pouvons vous en vendre.

Je pointe la bouteille qu'il vient de m'apporter, à moitié pleine ou à moitié vide, en fonction de votre perspective générale sur la vie, et lui demande, devinant déjà sa réponse, Et cette demi-bouteille-là?

Compliment de la maison, répond-il, prenant un air encore plus piteux. Est-ce que ça ira?

Sourire aux lèvres, je lui confirme que oui, un demi-flacon de cette concoction délicieuse et gratuite, ça ira très bien. Il semble soulagé, je suis satisfait, le récipient de verre était à moitié plein.

Redémarrer

Finies les folies

Ce que j'aime le moins des voyages, c'est d'en revenir.

Entre l'insouciance des vacances et son inapplicabilité au quotidien, 
pendant une mesure ou deux on oublie sur quel pied danser. 

Elle est pénible cette période de transition où, 
alors même que s'estompe l'esprit d'aventure et 
qu'au galop reviennent les responsabilités dont on avait pris congé, 
les bonnes habitudes sur lesquelles est axée la routine, 
essentielles à une vie sédentaire productive et satisfaisante, 
ne se matérialisent pas, bien rodées, comme par magie.

Heureusement,
cette période de réinsertion, 
j'en vois le bout, 
une habitude reprise à la fois, 
y compris celle de contribution journalière au présent blogue, 
que voici ici servie, pour votre plaisir ophtalmique.

lundi 8 avril 2013

Routine de retour


C'est la fin, et parallèlement la reprise de la routine tokyoïte, une habitude à la fois.

Un voyage comme je les aime. Des rencontres uniques avec les habitants du pays, des lieux découverts sciemment ou par hasard, la pratique du japonais sous plusieurs formes, et ce, chaque jour. Un voyage comme je dois m'en accorder trois fois l'an.

Quelle région me servira d'hôte lors de mon prochain périple? Hokuriku, tu me tentes...


samedi 6 avril 2013

Shikoku jour 12 et fin : d'abandon à réussite


À bord du traversier de 6h40 à destination d'Uno, je quitte Naoshima. J'ai le projet, mûri par quelques heures de réflexion hier soir tard, de tenter un peu follement de regagner Tokyo sur le pouce, à presque 700 kilomètres, mais pour espérer réaliser pareil exploit, il me faut d'abord atteindre, au petit matin, l'île d'Honshu, la plus grande de l'archipel japonais.

Trotte du matin

Le terminal de débarquement est tout près de la gare Uno, qui constitue le terminus sud de la ligne du même nom. Pour me rendre à la bretelle d'accès de l'autoroute Sanyo, la voie d'accès routier la plus directe jusqu'à Tokyo, je dois d'abord prendre cette ligne jusqu'à la gare centrale d'Okayama, lieu de transfert vers la ligne principale Sanyo, qui me permettra d'arriver à la station Seto. De là, deux kilomètres de marche me séparent de l'autoroute, ce qui représente, vérification faite, la distance la plus courte qu'il m'est permis d'espérer depuis les gares de cette ligne.


Peu après neuf heures, je m'installe donc à courte distance des postes de péage et y déploie mon sourire, les bras et la nuque exposés au soleil. D'emblée, je vise gros en exhibant les caractères de Tokyo, dans l'espoir que quelqu'un y allant ait envie de se montrer particulièrement généreux.

Appât pour gendarmes

Au bout d'une heure, toujours rien, si ce n'est la visite de policiers, arrivés directement de l'autoroute à bord de deux camionnettes, dont l'un des conducteurs me somme par haut-parleur d'évacuer immédiatement la bretelle. Je m'exécute alors même qu'ils regagnent l'autoroute, sans même être sortis de leurs véhicules. Un peu impersonnel comme unique interaction avec les forces de l'ordre.

Désormais installé au feu de circulation menant à la bretelle proscrite, j'ai le loisir de m'asseoir sur la rampe de ciment, en me balançant les pieds. Je décide d'avoir des visées plus modestes en écrivant puis en exposant sur une nouvelle page les caractères de Kyoto, à deux cents kilomètres à peine.


Une deuxième heure s'écoule. Je commence à avoir faim, mais y donner suite aurait l'effet fâcheux de réduire presque à néant mes chances de succès, à moins que... à moins qu'une astuce toute simple me permette à la fois de me remplir l'estomac tout en laissant savoir aux automobilistes les raisons de ma présence en ces lieux. Je décide d'aller la mettre en application, juste devant l'arrêt d'autobus, tout près.


Ainsi, destination bien en évidence sur mon sac dressé, je prends le temps d'étendre sur ma dernière barre énergétique ce qui me reste de beurre de pinottes. Le temps de l'engloutir à l'aide d'un peu d'eau et je me rends compte que je suis sur place depuis déjà plus de deux heures trente. Les coups de midi approchent, mes espoirs de réussite s'amenuisent, je me mets à redouter de ne pouvoir être de retour au bercail à temps pour le boulot, le lendemain matin. La recherche d'autres options s'impose.

À l'aide de mon téléphone dont la pile s'affaiblit à un rythme alarmant, je cherche. Je pense d'abord aux autocars de nuit, dont les plus tôt me permettraient d'arriver à Tokyo vers sept heures du matin. Mais j'appréhende la journée de travail m'attendant au bout d'une nuit de transport inconfortable, d'autant plus que mon point de départ, Himeji, serait en amont des grandes villes du Kansai, dont Kobe, Osaka et Kyoto, et donc qu'une multitude d'arrêts au sein de ces villes précéderait le réel départ.

Me trouvant un peu ridicule de chercher l'économie maximale au prix d'un retour pénible au bercail, je décide finalement de m'offrir le luxe de revenir à bord du dernier train rapide de la soirée, qui me permettra d'être chez moi le soir même pour dormir dans mon lit.

Le train rapide, nommé shinkansen, est à prendre à Himeji, ville réputée pour son grand château en cours de restauration, à rejoindre d'abord par train local depuis la station Seto, la même dont je suis venu, trois heures plus tôt. Bien content que cette décision me permette de profiter de ce qui reste de cette belle journée, je me lève en vue de préparer mon sac au retour à la station Seto, et c'est alors que j'aperçois un jeune homme qui s'approche. Tandis que sa mère attend dans l'auto, immobilisée non loin, il vient me donner une bouteille de thé et une autre de boisson désaltérante, à la fraîcheur bienvenue. Je lui demande, mais malheureusement ils n'ont pas l'intention de se rendre à Kyoto. Aucun conducteur ne m'aura pris en cet endroit, mais ces gentils inconnus auront eu mon bien-être à cœur! Ainsi ravivé, je rentre à la gare, et profite de l'attente du train pour me libérer de mes bottes et jeans au profit de shorts et souliers.

J'arrive à la gare Himeji vers treize heures trente. Premier arrêt, l'office de tourisme, où l'on me remet la clé d'un vélo à location gratuite. Je laisse mon gros sac dans un coin tranquille de l'office, et vais prendre mon vélo.



Il s'agit seulement de ma deuxième occasion de locomotion à deux roues du voyage, en net contraste avec mon quotidien de cycliste à Tokyo. La balade jusqu'aux environs du château, agrémentée d'une petite brise, est d'un grand plaisir.

Profitant de ce vendredi après-midi ensoleillé, nombreux sont les badauds, attirés par les étals de produits locaux, les performances d'orchestres scolaires, et le charme offert par les cerisiers, encore au plus fort encore de leur floraison, contrairement à ceux de Shikoku.



Me vient la réalisation que sans écran solaire, laissé dans mon sac à l'office de tourisme, les rayons qui me chauffent la peau sans interruption depuis ce matin sont en voie de me donner un premier coup de soleil cette année. Peu enclin à devoir revenir sur mes coups de pédale, je me dis que parfois il faut souffrir pour être au beau temps.

Transporté par la performance, ce petit bonhomme a eu besoin de l'intervention de maman pour que, du haut de ses trois pommes, il cesse de bloquer la vue de tous.


Les groupes d'écoliers enchaînent les représentations sur la grande place. À un certain moment, de jeunes filles s'alignent pour chanter a cappella, et le hasard veut qu'un pigeon souhaite s'y joindre au moment de les prendre en photo.



De la grande place, je vais me balader aux environs du château, dont le donjon principal est emmuré d'une structure temporaire pour la rénovation. Cerisiers et ceux qui s'en immergent croisent sans cesse mon chemin. Je savoure ma chance, heureux au final d'avoir abandonné le pouce avant de me faire prendre.



Je rigole d'apercevoir une fille qui transporte un chien dans le panier de son vélo. Quelques minutes plus tard, aux abords de la douve entourant le château, je reconnais ledit canin, et me met à parler à son propriétaire. Kozué, de son nom, s'y trouve avec Kaoru, sa cadette. Comme tant d'autres de leurs concitoyens, les sœurs Takasé profitent du beau temps. 



Nous discutons un moment, y allons d'un portrait avec chien inclus, et je leur demande si elles veulent bien m'accompagner au restaurant, en soirée. Elles acceptent. Il est seize heures, nous convenons de nous rencontrer à la gare centrale à dix-heures, d'ici là j'ai encore deux heures à déambuler, en sachant que j'aurai ensuite de la compagnie comme dernier souper du voyage. Le beau temps, le moment, même la structure recouvrant le château, tout baigne.



De pouce abandonné à après-midi ensoleillé. Le plaisir de l'échec aux allures de réussite, ou point final, et idéal, à voyage mémorable!








vendredi 5 avril 2013

Shikoku jour 11 : de chien à chaloupe


Début de journée chien

Ville de Miyoshi. Je sue, j'ai chaud. Progressant péniblement sur l’asphalte, je peste contre le soleil de midi qui plombe malgré avril, contre la distance beaucoup plus longue que prévue jusqu'à la route nationale, contre le fait d'être trop habillé, trop chargé. Journée qui commence plutôt mal.

C'est peut-être qu'il s'agit du dernier jour complet du voyage. Jusqu'à maintenant j'ai pu moduler mes destinations au gré du moment, avec comme seul cadre l'idée très souple de faire le tour de Shikoku en sens antihoraire, ce que je suis parvenu à faire, avec quelques passages par l'intérieur.

Mais en cette onzième journée, déjà se fait ressentir la nécessité de regagner Tokyo, et le boulot qui m'attend samedi matin. Mes heures de vacances étant comptées, la liberté des derniers jours s'en trouve restreinte. Aujourd'hui je compte rejoindre la ville de Takamatsu, lieu d'adieu entre moi et l'île qui a su m'accueillir d'admirable façon depuis presque deux semaines.

Avant de partir de ma chambre chez l'habitant, au prix si modique que j'ai préféré donner à monsieur Matsubara, les quatre-vingt ans bien sonnés, mon budget de nuitée plutôt que ce qu'il demandait, j'ai choisi de me rendre d'abord à Kotohira, ville réputée pour Kompira-san, un temple dont la branche tokyoïte est au pied de la tour abritant mon école de japonais.

J'arrive finalement au feu de signalisation visé, de manière à ce que quiconque souhaite me prendre puisse le faire sans danger, en tournant d'abord à gauche, dans une petite rue moins achalandée. Les épaules libérées d'un poids, je me sens bien mieux, et la brise rafraîchissante me redonne la bonne humeur.

Les camionneurs devant s'assujettir aux politiques d'entreprise interdisant de prendre les autostoppeurs, aujourd'hui comme à l'habitude je ne leur réserve pas autant d'attention que les automobilistes, et mets moins d'effort à établir le contact visuel.

Monsieur Fuku, au volant d'un camion-bétonnière, décide toutefois de confirmer la règle en en incarnant l'exception. Se trouvant derrière deux ou trois voitures, il me fait signe de venir monter à bord. Le feu étant sur le point de tourner au vert, je lui indique de venir d'abord se ranger.

L'exceptionnel confirmateur de règle

Il est sympathique, fume comme une cheminée en baissant toutefois la fenêtre à chaque cigarette allumée, a une femme philippine et un fils champion de boxe scolaire. En homme serviable il me dépose sur l'allée pavée menant au temple, qui surplombe une colline. 

Son gros camion détonne en ces lieux, les plus touristiques jusqu'à présent dans mon voyage. Les restaurants et boutiques de souvenirs foisonnent, et les touristes, dont un certain nombre d'étrangers, sont nombreux au point où je me demande si ce jeudi n'est pas férié. 

L'affiche m'invite à visiter le temple le sourire aux lèvres. Je pense avoir mérité mon droit d'entrée.

Après vérification, c'est un jour de semaine comme les autres. Kompira-san est tout simplement prisé du public. Je trouve un restaurant, y commande un bol de sanuki udon, nouilles caractéristiques de la région. On m'offre d'y laisser mon sac à dos en vue de l'ascension. J'accepte volontiers. Les 785 marches me séparant du temple s'en trouveront bien plus faciles à gravir, ainsi allégé. 

L'abondance de touristes et la surabondance de boutiques proposant à quelques différences près les mêmes affaires me font rendre compte à quel point un voyage de pouce comme celui que je me suis accordé me permet non pas de sortir du proverbial sentier battu, mais plutôt de le tracer, mon propre sentier.

Ascension aidée par bâton

Plusieurs paliers d'escaliers sont entrecoupés de segments plats.  Le bâton de marche est de rigueur, pour les jeunes comme pour leurs aînés. Hautain après la conquête des deux toits de Shikoku, je me refuse à pareille tricherie.

Pause à l'ombre de l'arbre, avec ventilateur géant pour jours de canicule

Les cerisiers, aux fleurs bien présentes mais dont la fin approche, commencent à se vêtir de leur feuillage estival. J'aperçois une jolie fille qui les admire. Elle cadre bien dans le portrait.


J'atteins le sommet, profite de la vue de la plaine en contrebas. Un des monts au loin a toutes les allures d'un volcan. Pourtant, Shikoku en est dépourvu.



Le temple Kompira-san est consacré à la divinité Ō-mono-nushi-no-mikoto, gardienne de la navigation maritime. Les nombreuses photos de navires à protéger des calamités sont néanmoins incongrues dans ce sanctuaire perché à 521 mètres du niveau de la mer. Me vient à l'esprit le proverbe japonais sendō ōku shité fune yama ni noru (船頭多くして船山に登る), mettant en garde contre le leadership remis entre trop de mains, qui signifie, littéralement, trop de capitaines et le bateau gravira la montagne. 

Bateaux à flanc de coteau

Il est coutume, à la visite de temples de ce genre, de lancer quelques pièces dans un grand récipient en bois installé sur son parvis puis d'enchaîner une prière. Les plus populaires d'entre eux engrangent de bonnes sommes, et le visage du collecteur crispé par le poids du butin me confirme que Kotohira n'est pas en reste.


J'amorce la descente. L'après-midi est déjà avancée, et je souhaite au minimum rejoindre Takamatsu avant la nuit, ou mieux une des îles de la mer intérieure reliée à cette ville par traversier. De retour au restaurant, je m'entretiens brièvement avec le personnel, intrigué par mon sac et la nature de mon voyage. Je leur demande un lift mais puisque personne ne prévoit d'aller dans ma direction, je retourne à la nationale, la même que ce matin.

Peu de temps suffit à ce que messieurs Uchida et Nishiyama me fassent monter à bord. Représentants commerciaux dont les bureaux sont à Takamatsu, ils reviennent, bredouilles, d'une réunion avec un client de Miyoshi, d'où moi-même je suis parti en début de journée.

La discussion à trois, dans le cadre de laquelle je leur fais part du projet de traversier, précédé d'un visite du château de Takamatsu si le temps le permet, fait changement des dialogues habituels avec un seul interlocuteur. Bien vite, nous sommes à destination, en direction du port.

À notre arrivée, remarquant que le traversier pour l'île Naoshima est sur le point partir, monsieur Uchida le passager bondit hors de l'auto et se précipite à la billetterie. Chargé de mon sac je tente de l'y rejoindre, mais à mi-chemin il revient au pas de course, me donne le billet en refusant tout argent de ma part, et me presse d'aller prendre le traversier, au départ imminent.

Juste avant d'y mettre les pieds, je salue ces deux sympathiques bienfaiteurs. Je me retourne, remets mon billet au préposé et monte à bord. Nous quittons le port presque sur-le-champ.

Je suis à la fois dépassé et extatique par une telle rapidité de transport. Depuis le pont de ce navire, qui bénéficie peut-être de la protection de Konpira-san, j'admire les derniers rayons du soleil couchant, tandis que Takamatsu s'éloigne. La visite de son château pourra attendre.




mercredi 3 avril 2013

Shikoku jour 10 : de chute à cèdre

 Beurre de pinottes et soleil du matin, ou réconfort assuré

Tout comme hier, peu avant les coups de sept heures, depuis la salle de bains des handicapés, spacieuse et confortable, je me lève. La halte routière est cette fois en terrain montagneux, d'où le froid ressenti pendant la nuit. Après un bref réchauffement par friction des mains l'un contre l'autre, je m'habille et fais mes bagages.

Dès que je sors de ma tanière pour la nuit, comme aux aguêts le gérant de la halte y pénètre, prêt à bondir et me mettre la main au collet s'il découvre quoi que ce soit d'abîmé. Quand je l'ai vu la veille en soirée, il m'a averti de m'assurer de ne rien oublier. Il ne pouvait probablement pas s'imaginer que j'allais y passer la nuit. 

Sur le coup, même si je sais que j'ai laissé l'endroit aussi propre qu'à mon arrivée, j'imagine qu'il est furieux qu'un étranger ait osé occuper une bâtisse sous sa responsabilité. Mes craintes se volatilisent lorsque, un moment plus tard, il m'apporte une brochure des attraits touristiques de la région, point de départ d'une discussion matinale au soleil réjouissant qui s'élève des collines.

Il m'inspire à prendre mon temps ce soleil, dont les rayons reviennent me chauffer la couenne après chaque passage de nuage. À neuf heures les étaux de produits régionaux sont ouverts au public. Il reste une quinzaine de minutes, et je décide de précéder mon départ de l'achat de produits maraîchers.

S'assoie à ma table un homme dans la soixantaine. Monsieur Shimasaki de son prénom a le teint bronzé, signe qu'il apprécie le plein air. Il profite de sa journée de congé pour s'accorder une escapade photo des splendeurs montagnardes, et m'invite à partager l'expérience. Le succès sur les routes n'implique pas toujours de devoir s'y poster.



Plus précisément, il est fervent de chutes, l'objectif 300 millimètres à ses côtés lui permettant d'en croquer même à distance. Dans le siège passager du véhicule de cet expert, je découvre des lieux autrement inacessibles.

À tous les bâtisseurs qui, à la sueur de leur front dans les camps de la Baie James ou de la Manicouagan, ont permis au Québec de réaliser son potentiel hydroélectrique, je dédie cette photo du barrage Ōhashi.

Adroitement, de la route nationale, il pénètre dans des routes préfecturales, puis dans des chemins plus étroits et escarpés encore, sachant exactement où se cachent les prochaines cascades. Nous en visitons quatre au total, et une de plus n'eut été du fait qu'elle est tarie à ce moment de l'année, en plus d'un barrage. Plus près du niveau de la mer, les cerisiers se sont déjà presque tous dévêtués de leur éclat floral, mais ici en montagne, ils respendissent encore. Le temps qui s'éclaircit graduellement rehausse l'expérience.

Mi piace!, qu'entonne l'Italien en moi, à la vue de la rivière Yoshino, bercée de soleil.

L'une des chutes, peu impressionnante depuis la route, ne révèle sa splendeur qu'à ceux qui en gravissent d'abord le lit de pierres. L'autoportait s'impose.

 L'eau chute ou la chute d'eau? Moment de réflexion.

Nous traversons un pont rouge pour obtenir un bon angle de vue d'une colonne d'eau à flanc de falaise. Mon objectif ne permet pas de bien la photographier. Mais plus qu'une question d'attirail, les chutes en tant que telles n'ont pas le même attrait à mes yeux qu'aux siens. M'intéressant plus souvent aux gens et à ce qui les anime, j'immortalise monsieur Shimasaki, absorbé qu'il est par sa passion. Et tant qu'à m'étendre sur l'asphalte pour optimiser l'angle, je mets mes jambes à contribution.



Au bout de quelques heures à successivement monter et descendre des routes sineuses à largeur variable, au cours desquelles je ressens les symptômes prévisibles du mal des transports, le gentil monsieur Shimasaki me dépose à la gare Ōsugi, près de la route qui devrait me permettre d'atteindre ma destination pour la journée, Miyoshi.

Il n'est que 13h30, le soleil brille. Une collation d'agrumes, souvenirs de la halte de ce matin, semble tout indiquée.


Ōsugi (大杉) signifie littéralement gros cèdre. La toponymie japonaise est généralement liée à des réalités historiques, mais plus rarement au présent, si bien que d'instinct je ne scrute pas le paysage dans l'espoir d'y apercevoir un arbre gargantuesque. Au moment d'amorcer la courte marche jusqu'à la route nationale, toutefois, je remarque un grand poteau comportant l'inscription 日本一の大杉, soit le gros cèdre numéro un du Japon. Là où je me trouve n'étant pas ainsi nommé pour rien, vers l'illustr'arbre je me dirige.

J'ignore s'il est numéro un pour son âge, sa taille, sa circonférence ou son volume, et la brochure ne m'éclaire pas davantage. Il est assurément massif, et probablement plusieurs fois millénaire. Je tente de le photographier de manière à en maximiser la grandiosité, effet obtenu en m'incluant dans la photo, minuscule car posté en retrait.

Je pourrais prétendre qu'il n'est pas si gros, mais ça serait vous mentir.

Je retourne à la gare, y récupère mon sac à dos que l'employé ferroviaire à convenu de surveiller, et vais me dresser sur la route vers Miyoshi. Il est seize heures. Je suis confiant d'être pris rapidement. Chapeau sur la tête, me gardant au chaud sans m'aveugler le soleil contrebalance la brise frisquette de fin d'après-midi.

Le temps s'écoule, l'ombre formée par la colline derrière laquelle le soleil disparaîtra bientôt gagne du terrain, personne ne stoppe. À deux reprises je me repositionne pour rester au soleil, jusqu'à ce que ces derniers rayons quittent la route pour se limiter aux collines, derrière. Ombre ou soleil, aucun automobiliste n'a envie d'avoir de la compagnie.

Au bout d'une heure trente, je range ma pancarte, me charge du sac à dos, et retourne à la gare. Aucun coup de pouce à obtenir du pouce, Miyoshi sera rejointe en train, mais après si belle journée, impossible d'en perdre mon entrain!