Les hivers de ma jeunesse ont été enrichis par de nombreuses journées à dévaler les pistes de Stoneham, au nord de Québec, station de ski dont je me plaisais à traduire le nom par roche jambon. Mon anglais limité m’empêchant de réaliser qu’il eut plutôt fallu opter pour jambon de roche (ou encore jambon à la roche, à la manière de gâteau au chocolat pour chocolate cake). Qu’importe qu’elle fût erronée, l’appellation roche jambon me faisait rigoler. Jamais, toutefois, je n’aurais pu m’imaginer qu’un jour j’allais établir un parallèle entre ce souvenir de jeunesse et l’industrie nippone. Observez-moi procéder exactement ainsi, dès que sera opéré le changement de paragraphe.
La société japonaise Bridgestone, l’un des principaux
producteurs mondiaux de pneumatiques, a été fondée en 1931 par Shōjirō
Ishibashi. Le nom de famille de ce dernier (石橋),
relativement commun, signifie littéralement pont (橋) de pierre (石), puisqu’en japonais comme en anglais, l’objet (pont, 橋) est précédé de son qualificatif (pierre, 石),
contrairement à l’ordre objet-qualificatif qui prévaut en français. À la
manière de mon roche jambon, au moment
de baptiser son entreprise, le bon Shōjirō a donc, sciemment ou fautivement, traduit
son nom de famille en confondant objet et qualificatif, ce qui fait en sorte qu’aujourd’hui,
au lieu de pneus Stonebridge, ce sont
chaussées de pierres de pont que nos
bagnoles franchissent les ponts de pierre, en route vers une splendide journée à
slalomer dans les pentes rocheuses, parmi d'autres jambons.
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