M. Pagé arrosant son jardin. |
D’où viens-tu et qu’est-ce qui t’a apporté au Japon?
Je suis né à Saint-Louis-de-France. Mon père ayant été cultivateur et menuisier, j’ai hérité de ces deux passions.
Après mon secondaire, je me suis joint à Communauté des Frères de l’instruction chrétienne de Pointe-du-Lac, au sein de laquelle j’ai fait une partie de mon éducation à Cap-Rouge, près de Québec.
De là j’ai passé quatre ans aux États-Unis, en Ohio. Mes études universitaires ont eu lieu à la Walsh University, dirigée par les frères de cette même communauté.
En 1970, à l'âge de 22 ans, je me suis amené au Japon comme missionnaire.
Est-ce qu’ils t’avaient donné le choix d’y aller?
On nous avait demandé si quelqu’un souhaitait aller au Japon. Puisque ça m’intéressait, j’en avais fait la demande. C’est la raison pour laquelle j’ai fait ma formation aux États-Unis : pour me préparer à [enseigner] l’anglais.
Nous avions trois écoles au Japon. Ayant obtenu ma licence d’enseignement de l’État d’Ohio, j’ai enseigné d’abord trois ans à notre école internationale de Tokyo, desservant les étrangers habitant la capitale. Soixante nationalités étaient représentées, majoritairement des enfants d’expatriés travaillant dans les ambassades et les grandes compagnies. Cette école étant affiliée à une école américaine, je n’avais pas besoin d’être titulaire d’une licence d’enseignement japonaise pour y enseigner. Ma licence américaine suffisait.
J’ai ensuite étudié à une école de langue japonaise pendant deux ans, après quoi j’ai enseigné à une école japonaise de Yokohama. C’est là que j’ai obtenu ma licence d’enseignement japonaise, reconnue par la préfecture de Kanagawa.
J’ai enseigné à cette école pendant une vingtaine d’années. Au même titre qu’un professeur japonais, j’ai été titulaire de classe, et j’ai même eu des fonctions dans l’école.
J’ai fini par me tanner de la grosse organisation d’une grande école, de la tension que ça pouvait engendrer. Souvent j’allais me promener en campagne, et je rêvais justement de vivre en campagne japonaise.
À moment donné, j’ai décidé de voler de mes propres ailes. Je suis retourné au Canada, où j’ai essayé de me trouver un emploi.
Ce retour au Canada remonte à quand?
Ça fait 18 ans, donc vers 1993 ou 1994.
Étais-tu encore membre de ta communauté religieuse?
C’est à ce moment-là que j’ai décidé de quitter les ordres.
J’ai pensé d’abord me trouver un emploi au Canada, disons dans une organisation japonaise, pour rester en contact avec le Japon. Y ayant vécu 23 ans, je ne voulais pas y aller d'une rupture totale.
J’ai pensé d’abord me trouver un emploi au Canada, disons dans une organisation japonaise, pour rester en contact avec le Japon. Y ayant vécu 23 ans, je ne voulais pas y aller d'une rupture totale.
J’ai essayé toutes sortes d’options, mais rien n’a fonctionné. Quand Air Canada a lancé un nouveau vol pour le Japon, à l’aéroport d’Osaka, j’ai pris part à l’entrevue. Ils exigeaient la connaissance des trois langues : le japonais, l’anglais et le français. J’ai passé avec brio ce volet, mais dans les aspects techniques je ne m’en suis pas aussi bien sorti. Je n’ai donc pas obtenu l’emploi.
Comme je m’ennuyais du Japon, j’ai décidé d’y revenir, et de recommencer à zéro, cette fois-ci en tant que « civil ».
Je suis arrivé à l'aéroport Narita, et puisque je connaissais bien Yokohoma, j’ai pris le bus vers cette ville. Je me suis loué un appartement à la semaine, et sans tarder j’ai feuilleté les annonces classées à la recherche d’un emploi. Il m'a fallu une semaine pour décrocher un poste à Mito, capitale de la préfecture d’Ibaraki.
Malheureusement, je n’ai pas vraiment aimé l’endroit. C’était une petite école privée, plus une business que de l’éducation. J’avais l’impression que mon employeur était un profiteur. Même si j’y suis resté seulement deux mois, j’y ai fait de bonnes rencontres, dont une dame, amie du maire de Mito. Elle m’avait dit : « donne-moi ton CV, je vais le transmettre au maire »
Tu avais des contacts dans les hautes sphères.
Oui [rires]. Trois jours plus tard j’ai reçu l’appel du directeur d’une école secondaire, ici, à Kashima, qui cherchait un professeur d’anglais. J’ai été engagé dès le lendemain. J’y ai travaillé six ans comme professeur, au même titre que les professeurs japonais.
À un certain moment, la direction de l’école a changé et les choses se sont gâtées. J’ai donc décidé de remettre ma démission à l’âge de 53 ans, afin de partir à mon compte, de fonder ma propre école.
Un facteur qui m’a motivé à quitter cet emploi est que, sur ces entrefaites, j’ai obtenu ma résidence permanente japonaise.
C’était vers quelle année?
1997, peut-être. Dès lors, je me suis dit que j’étais libre, que je n’avais plus besoin d’avoir un employeur. [NDLR : travailler pour un employeur est une condition essentielle à l’obtention et au maintien d’un permis de travail, mais pas d’une résidence permanente. Cette dernière confère tous les droits du citoyen japonais, à l'exception du droit de vote.]
C'est ainsi que j'ai découvert que ce terrain [sur lequel la maison est maintenant bâtie] était à vendre. Je l’ai acheté et je me suis construit, après quoi j’ai ouvert mon école.
Elle existe depuis quand?
J’amorce ma onzième année. Elle a ouvert ses portes en avril 2000.
Es-tu satisfait du stade auquel tu es rendu dans la vie?
Tout ce que j’ai vécu jusqu’à présent, l’expérience que j’ai prise, a rendu le présent possible. Je suis une personne qui regarde vers l’avant. Je ne regrette absolument rien. J’ai bien aimé mes années à Yokohama et Tokyo. Elles ont été très enrichissantes, et elles ont pavé la voie à ce que je vis présentement.
C'est maintenant que j’ai le plus l’impression de rendre service à la communauté. Dans une grosse école, tes efforts sont perdus dans un ensemble, c’est plus difficile de bien rejoindre les gens. Tandis que dans une petite école comme la mienne, c’est moins machinal, tu peux rejoindre les gens, qui viennent parce qu’ils en ont envie, par choix.
De tous les emplois que j’ai occupés, c’est celui que je préfère. J’ai passé l’âge de la retraite depuis quatre ans, mais tant que les élèves vont vouloir venir, tant qu’ils vont être satisfaits, et tant que je serai en forme et que j’en tirerai du plaisir, je vais continuer à enseigner.
3 commentaires:
Mon cher René!! Une belle histoire!! La vie est si paisible dans son petit coin de paradis! Je compte retourner dans les prochaines années!! A bientôt Japon! A bientôt René!
Balayage intéressant à lire, merci M. Pitre.
J'aime bien cette histoire, inspirant. J'aimerais bien finir ma vie en campagne Japonaise aussi, particulièrement dans la région de Toyama où la famille de ma copine demeurent. J'imagine bien une retraite en profitant des onsen régulièrement :)
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