J'ai écris ces quelques lignes en chemin vers Montréal, il y a quelques semaines.
Me voici dans la camionnette qui me mène au Québec.
À ma droite, une Philippine de dix-neuf ans, mère d’un mioche de deux ans.
Elle parle fort la dame, et ça devient lassant.
Heureusement, elle s’est tue depuis peu.
Devant à ma droite, un Serbe de trente-neuf ans un peu trop loquace. Je sais déjà qu’il était pilote de chasse pour l’armée serbe au milieu des années quatre-vingt-dix, pendant la ou les guerres qui ont secoué les Balkans. Aurait-il fait partie des méchants?
Il fait trop sombre pour lire et j’ai oublié d’apporter ma lampe frontale. Erreur cruciale. Voilà pourquoi j’écris. Pour passer le temps, faute de vouloir dormir.
Je viens de régler mon portable en mode économie d’énergie. Inutile d’abuser de mes yeux. Je cesse de regarder l’écran et compose librement, sans aide oculaire.
Le Serbe est l’un de ces personnages qui aiment s’écouter parler. On sent qu’il sait d’emblée que les autres n’auront rien à lui apprendre d’intéressant. Il s'est lancé dans un monologue à n'en plus finir que doit subir le Canadian à lunettes et à chemise carreautée à ses côtés. Je ne voudrais pas être à la place de ce dernier.
J’ai des bouchons insérés dans les oreilles, car évidemment je n'ai pas cru bon d'apporter des écouteurs. Je ne perçois pas tout à fait ce que le Serbe dit, et ça m’arrange. Un mot ici et là, mais sans plus.
C’est surprenant la manière dont la perception change avec des bouchons. Tout est feutré. Je perçois bien mieux les vibrations de la route, ou bien j’y suis plus attentif.
La Philippine mentionne la grosse pomme, point d’attrait de la 401. Je crois qu’on l’a déjà passée.
Moment d’accalmie : le temps d’un instant, personne ne parle. Le Serbe rompt vite le silence en énumérant les langues qu’il connaît, pour la plupart slaves, du moins selon celles que je crois entendre. Il mentionne qu’il pigeait la conversation en français que la Philippine et moi avons eue. Peut-être. Peut-être est-il réellement polyglotte. Good for him.
Good for him/her/you me semble une expression anglaise qui ne peut être utilisée qu’ironiquement, ou pour marquer l’indifférence. Ah! Tu as reçu une excellente note à ton examen? Good for you!
Nous croisons un panneau indiquant la sortie 730 de la 401. Il fait noir et Trois-Rivières m’attend au bout du chemin.
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