Aéroport de Manille. J’écris ces lignes depuis
le hall d’embarquement du terminal 2, éloigné des trois autres terminaux au
point d’en faire pratiquement quatre aéroports distincts. Guillaume et moi-même
nous sommes souhaités l’au revoir il n’y a pas une heure et déjà il me manque.
Le chanceux poursuit son périple par un arrêt de trois jours à Singapour avant
d’aller rejoindre ses amis en Indonésie, tandis que je dois rentrer à Tokyo, où
demain déjà le travail m’attend. Me voilà donc, avec la petite mélancolie de
fin de voyage, à devoir relater nos deux derniers jours ensemble. Heureusement
qu’il prévoit une escale de quelques jours au début août.
Matinée du 1er
juillet. En ce jour de fête du Canada, nous décidons de nous exiler de l’air pollué du centre Cagayan de Oro, ville ayant cru trop
vite pour l’étroitesse de ses rues, qui sont bondées de moteurs deux temps montés sur divers châssis. En effectuant des recherches la veille,
nous avons découvert que la réserve naturelle Mapawa, non loin du centre, peut nous héberger, quoique l'information disponible sur Internet soit plutôt floue. Un coup de fil nous a heureusement permis de régler les détails
et de demander le transport par navette.
Tôt en matinée, donc,
la camionnette du parc vient nous cueillir. Danilo, notre chauffeur, emprunte
d’abord les routes du cœur de la ville puis l’autoroute encombrée qui longe la
côte, avant de tourner dans un petit chemin nous menant vers les hauteurs. Bien
vite nous apercevons, entre les arbres en bord de chaussée, le plateau sur
lequel s’étend Cagayan et, au-delà, la mer des Philippines.
Les maisonnettes,
nombreuses au départ, sont de plus en plus espacées à mesure que nous
progressons, et les arbres gagnent en taille. Lorsque nous franchissons la
guérite du parc, plus rien de reste de la métropole en constant flux que nous
avons laissée en contrebas. L’endroit, au sein d’une forêt secondaire, se
caractérise du chant d’une multitude d’oiseaux, et d’insectes de toutes sortes.
On nous dépose au ranch house, une majestueuse demeure en
bois, toute ouverte sur une vallée boisée et dans laquelle une chambre est mise à
notre disposition. Ce véritable manoir est à nous seul, car aucun autre
visiteur ne doit y passer la nuit. Un grand livre illustré à l’entrée nous
révèle la raison d’être de cet endroit, et du parc qui l’entoure : il
s’agit de la bibliographie (ou de l’hagiographie) d’un certain Emmanuel Pelaez,
un défunt politicien ayant déjà été vice-président du pays. Étanchant sa soif
de lecture car il a d’ores et déjà achevé son roman apporté du Canada, Guillaume dans
les jours à venir en parcourt de longs passages, m'informant de ceux dignes de mention. Les puissantes familles philippines semblent posséder une bonne partie
du pays, et le clan Pelaez, propriétaire du parc et surtout des 2 500 hectares
dont il est constitué, n'y fait pas exception.
On nous sert le
petit-déjeuner, demandé expressément la veille, avec du café instantané, ce qui
nous fait regretter le café frais fait du Casa Roca, puis nous avons ensuite la journée pour explorer
le parc. L’une des attractions est un imposant arbre bicentenaire. Elvie, en
charge du ranch house, nous indique
qu’un guide pourra nous y mener gratuitement.
Nous marchons à
direction du bureau d'accueil des activités. Pratiquement vide de monde
à l’exception des employés du parc, le parc propose diverses activités dont des tyroliennes,
du rafting (que nous avons déjà réservé pour le lendemain auprès d’un autre
exploitant), et du cheval. Nous finissons par nous laisser tenter par la chose
équestre, avec comme destination une belle chute se déversant dans un bassin.
Deux guides, dénommés Gino et Dodoy, nous accompagnent
sur un cheval. On me confie Jackie, une belle bête au pelage brun, tandis que
Guillaume chevauche Santino, tout blanc.
Nous avons tous deux
déjà fait un peu d’équitation (dans mon cas notamment au camp de vacances équestre El Poco, il y a plus de quinze ans, avec
mes cousins de Granby), si bien qu’après un bon moment à progresser lentement
dans le chemin de terre forestier, aidés des guides qui savent motiver nos
montures, nous passons au trot, puis au galop pendant quelques segments plats.
La chevauchée nous fait tous deux rigoler, et le plaisir est partagé par Gino
et Dodoy. Au fond ils rient probablement de notre posture d’amateurs, mais qu’importe,
l’activité est bien plaisante.
Nous parvenons à la
fameuse chute, haute et à la hauteur de nos espérances, et dont le bassin
semble profondément rempli d’eau fraîche, à l’ombre de grands arbres. S’impose
d’abord le saut dans le bassin, depuis une hauteur de vingt-pieds (je dirais
plutôt vingt pieds, mais ce n’est pas à moi, ayant grandi sous l’influence du
système métrique, de les contredire). Si je n’ai eu jamais de difficulté à
sauter en hauteur depuis avoir surmonté ma peur des hauteurs au Camp Mariste
(second retour ici aux camps de vacances de mon enfance), dont le lac était
doté d’un rocher en saillie plus haut encore que cette chute et duquel on pouvait sautait, je ressens un
certain blocage ici. Je demande à Guillaume de me faire un décompte de dix
secondes, qui avait permis au Camp Mariste de faire surgir en moi le courage,
et aussi l’adrénaline, de me jeter dans le vide, mais tel un pétard mouillé, à
zéro je reste immobile, transi.
Décidant de prendre l’initiative
d’y aller en premier, Guillaume saute
sans hésiter. Bien au frais dans l’eau, il convient de me servir un second
décompte, en anglais cette fois pour que nos guides y joignent leur voix, et
cette fois est la bonne. Je saute, vois l’eau qui approche en coup de vente, et splash!, je m'y enfonce, et elle verdoyante et ô
combien rafraîchissante. J’en émerge, soulagé de m’être décidé et prêt à
recommencer. Nous sautons deux fois encore, et probablement à d’autres reprises
n’eut été de la longue montée en détour jusqu’au bout du tremplin de roche,
tandis que l’un des guides nous prend en photo au pied de la chute.
Puisqu’il s’agit de
notre seule destination, et qu’après n’attend que le retour au bureau d’accueil, avec
détour par l’arbre bicentenaire, nous décidons de prendre notre temps. Au départ, je m’inquiète
du fait que les guides risquent de se montrer impatients, puis je comprends qu’au
fond, n’eut été de notre présence, ils auraient probablement flâné une bonne
partie de la journée en cette saison basse. Leur langage corporel n'indique aucune presse, et même qu’au bout d’un moment, constatant que Guillaume
et moi-même restons bien tranquilles dans l’eau, ils se piquent une sieste à l’ombre.
Je finis par emboîter le pas et vais roupiller sur une plateforme en bambou à l’abri
du soleil d’après-midi. Le départ pourra attendre un peu, ce qui fait l’affaire
de tous.
Loin de Cagayan et son
chaos, et rehaussé de chevaux au galop, belle journée tranquille et couronnée d’un
souper dans la résidence Pelaez à la vue prenante, suivi de l’observation
nocturne et fascinante des nombreux geckos au plafond, chassant les papillons
de nuit attirés par les lampes, et se mesurant aux compétiteurs à coup de
morsures et de griffures (l’un d’eux en ayant d’ailleurs perdu la queue).
Comme avant-dernière
journée de voyage, où le retour au quotidien tokyoïte m’occupe déjà l’esprit, en contraste avec Guillaume et son mois encore à voyager, difficile
de demander mieux!
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