À l'été 2003, sur les routes de France, je me promène à la rencontre d'âmes charitables partageant toit ou transport, aidé d'un pouce souvent brandi.
J'arrive à Nantes, grande et jolie ville de la côte atlantique. J'y accompagne un petit groupe de musiciens de Tours, venus se donner en prestation. Avant le spectacle, le propriétaire de la petite salle nous offre le repas au restaurant qu'il possède également. Au menu figure une darne de requin. N'ayant jamais mangé de squale, je me la commande.
Le concert est plaisant. Nous restons sur place quelques heures, puis je rentre avec Gaël, un des membres du groupe. Nous allons dormir chez ses parents, qui demeurent non loin.
Devant rentrer à Tours, le lendemain tôt il me dépose en bord de route. Je me dirige vers Vannes, en début de péninsule bretonne, car un étudiant universitaire rencontré quelques semaines auparavant m'a transmis les coordonnées d'un cousin en m'assurant que lui et sa femme seraient prêts à me rencontrer.
C'est au moment de notre rendez-vous que je me rends compte que ça ne tourne pas rond dans mes entrailles. Je ressens un vague inconfort, qui demeure tout de même gérable. J'en fais part à mon hôte. Médecin, il me donne un cachet devant m'aider. La nuit se passe bien, malgré tout.
Au matin, après le petit déjeuner, je les remercie pour leur hospitalité et vais explorer Vannes, une belle ville de province dotée de fortifications et de maisons à colombages. Mon état s'aggrave progressivement. Je vais à plusieurs reprises à la toilette publique, pour constater une consistance beaucoup plus liquide qu'à l'ordinaire. Mon système digestif est chamboulé, j'ai des sueurs froides. La journée avance, mais j'ignore toujours où je vais pouvoir dormir, la nuit venue.
En marchant vers la marina, je croise un couple dans la cinquantaine. Ils ne sortent pas de l'ordinaire, si ce n'est que la casquette de monsieur me surprend : elle est à l'effigie de la SPCUM, l'ancien acronyme de la police de Montréal!
J'adresse la parole à ce couple. L'homme m'indique qu'il est policier à la retraite. Il y a quelques années, il a été formateur auprès de policiers montréalais, d'où le couvre-chef qu'il porte en souvenir de son expérience.
Semble-t-il que j'ai bien caché mon jeu et que mon teint verdâtre n'était pas trop apparent, car après un moment, ils m'invitent chez eux pour le souper et la nuit. J'accepte volontiers, un peu soulagé de savoir que ce soir, au-dessus de moi il y aura un toit, et près de moi il y aura une toilette.
Ce n'est que bien installé chez eux que je finis par leur avouer que je souffre d'une terrible indigestion alimentaire aux dents de la mer. Ils se montrent compréhensifs, quoique la dame me paraît un peu déstabilisée par la révélation.
Je parviens tout de même à manger à table et à me montrer plaisant. L'effort m'est requis, d'autant plus qu'ils ont invité leur fille, son mari et leur jeune fille. J'estime faire plutôt bonne figure. La soirée se déroule plutôt bien.
Peu avant le départ de la fille et de sa famille, j'annonce que je tire ma révérence, malgré qu'il soit encore tôt, question de finir la lutte à l'indigestion dans mes quartiers. Se montrant indulgent à la lumière de mon état, monsieur me dirige vers leur chambre d'invités, située à l'étage, qui jouxte une salle de bains. Il s'assure que j'ai tout ce dont j'ai besoin, puis me souhaite bonne nuit.
Ma nuit est ponctuée d'une dizaine, voire d'une douzaine, de visites à la salle de bains. Je souffre d'une grave diarrhée, et chaque passage à la toilette ne résulte qu'en une petite quantité évacuée. Je me retrouve devant un dilemme : ou bien je tire la chasse chaque fois pour ne pas passer pour un sauvage ignorant tout des bonnes manières, au risque de les réveiller à tous coups car ils dorment au rez-de-chaussée, ou bien je laisse la cuvette accumuler des restants de requin en silence, au risque qu'au petit matin ils en découvrent l'horrible résultat.
J'opte pour la première option, entraînant un vacarme hydrique qui se répète la nuit durant. J'en ressens une certaine honte, plus vive à partir de la quatrième ou cinquième chasse d'eau. Ce n'est pas par hasard qu'au moment de me lever, alors même que je commence finalement à me sentir mieux, l'homme m'annonce que sa femme n'est pas là, ayant des courses à faire malgré qu'il soit encore de bonne heure. Tout indique que je ne verrai plus jamais cette dame.
Après un bref déjeuner, il me propose, ou plutôt m'annonce qu'il ira me déposer en bord de route pour que je puisse continuer mon aventure. J'accepte, et je le remercie pour son hospitalité. Je lui présente peut-être aussi mes excuses pour les caprices de ma digestion.
À nouveau en bord de route, revigoré par le petit-déjeuner et le sentiment d'être guéri, je souris aux conducteurs qui passent en songeant à cette épopée du requin avarié que je viens de traverser, sauvé par une casquette inspiratrice d'invitation.
mercredi 31 octobre 2012
mardi 30 octobre 2012
Arte carte
En voyage sur le pouce à Kyushu en mai dernier, un artisan de katanas, rencontré au hasard d'une conductrice qui voulait vraiment me le présenter, m'avait enseigné ichi-go ichi-é (一期一会). Normalement prononcée lors des cérémonies de thé, cette expression souligne que l'occasion est unique, et qu'il faut la célébrer ainsi, puisqu'il est fort probable que ne plus jamais revoir les gens avec lesquels on la partage.
Cette locution, rendue encore plus pertinente par le caractère fortuit des rencontres lors de ce voyage, m'avait tout de suite marqué de par son élégance, sa concision et sa représentation d'une facette incontournable des rapports humains. J'avais ainsi entrepris de l'utiliser régulièrement pour le restant de mon voyage, toujours à l'étonnement de mon interlocuteur.
L'une des dernières personnes rencontrées avant de rentrer à Tokyo, un homme d'affaires, m'avait proposé de m'imprimer des cartes de visite. Souhaitant la rendre mémorable, j'avais décidé d'y inclure 一期一会. J'ai pu observer le même effet positif chez ceux la recevant.
J'ai depuis quelques jours finalement donné la dernière carte de cet ensemble. En vue d'en demeurer pourvu pour ne pas être pris au dépourvu, aujourd'hui j'ai entrepris de concevoir et commander un nouvel ensemble sur le site Web d'un grand imprimeur, bien sûr en y conservant l'expression magique. Il a suffi de choisir la succursale où aller les chercher, pour ensuite patienter vingt-quatre heures. C'est donc dire que demain j'irai récupérer mes cartes, prêt à faire des rencontres de toute un vie avec des gens de tous horizons, tous uniques.
Cette locution, rendue encore plus pertinente par le caractère fortuit des rencontres lors de ce voyage, m'avait tout de suite marqué de par son élégance, sa concision et sa représentation d'une facette incontournable des rapports humains. J'avais ainsi entrepris de l'utiliser régulièrement pour le restant de mon voyage, toujours à l'étonnement de mon interlocuteur.
L'une des dernières personnes rencontrées avant de rentrer à Tokyo, un homme d'affaires, m'avait proposé de m'imprimer des cartes de visite. Souhaitant la rendre mémorable, j'avais décidé d'y inclure 一期一会. J'ai pu observer le même effet positif chez ceux la recevant.
J'ai depuis quelques jours finalement donné la dernière carte de cet ensemble. En vue d'en demeurer pourvu pour ne pas être pris au dépourvu, aujourd'hui j'ai entrepris de concevoir et commander un nouvel ensemble sur le site Web d'un grand imprimeur, bien sûr en y conservant l'expression magique. Il a suffi de choisir la succursale où aller les chercher, pour ensuite patienter vingt-quatre heures. C'est donc dire que demain j'irai récupérer mes cartes, prêt à faire des rencontres de toute un vie avec des gens de tous horizons, tous uniques.
dimanche 28 octobre 2012
Chanter la pomme
Vous trouvez une pomme qui provoque en vous une vive impression de par sa tenue en main, sa forme, sa chair ferme, sa robe et... sa caisse de résonance. Vous la creusez, la sculptez. De simple fruit, elle devient instrument à vent, éphémère car destiné à brunir au contact de l'air.
Vous en jouez. Une musique divine s'en échappe, impossible à reproduire exactement, parce qu'à la manière de flocons de neige, chaque pomme est unique, et l'instrument qui en est issu est inimitable. Un stradivarius comestible.
Dès lors, vous vous savez spécial. Vous êtes artisan d'instruments. Votre spécialité, la fluite. Vous êtes fluitiste.
Vous en jouez. Une musique divine s'en échappe, impossible à reproduire exactement, parce qu'à la manière de flocons de neige, chaque pomme est unique, et l'instrument qui en est issu est inimitable. Un stradivarius comestible.
Dès lors, vous vous savez spécial. Vous êtes artisan d'instruments. Votre spécialité, la fluite. Vous êtes fluitiste.
vendredi 26 octobre 2012
Champion
De l'importance d'un bon échauffement. Je lui dois ma victoire à l'arrachée au Marathon de Montréal en '82. |
Marie-Josée: Julien est-ce ton déguisement d'Halloween?
Marie-Josée, il doit y avoir erreur sur la personne. Je ne suis pas un quelconque Julien mais l'illustre Roger V. Thibodeau de Varennes. Peut-être me reconnaîtras-tu plutôt par le nom qui m'a été donné par les médias : le Tombeur de records.
Marie-Claude: T'as piqué la moustache à Freddie Mercury.
Marie-Claude, c'est plutôt Freddie qui a coopté ma moustache, l'ayant lui-même admis à plusieurs reprises. Nous n'avons pas que la moustache en commun, néanmoins : lui faisait avec sa voix ce que moi j'accomplis avec mes jambes. De la pure magie.
Isabelle: J'adore, j'adore vraiment! Ça sent le parfum cheap jusqu'ici!
Isabelle, les coureurs au cœur pur savent se refuser à pareils artifices de l'odorat. Le seul parfum que tu percevras à mes côtés proviendra de mes glandes sudorifiques alors même que je me donnerai corps et âme dans la noblesse de l'effort humain. Amen.
Marjolaine: La flexibilité se perd de nos jours. C'est un statement?
Marjolaine, c'est mon statement en effet. Il a du poids, venant d'un coureur qualifié à 15 reprises consécutives au Marathon de Boston, et membre du comité d'administration de celui de St-Félicien. Je dois admettre toutefois qu'en dépit de ma forme physique phénoménale d'athlète d'exception, une douleur à l'aine assez criante est perçue au moment de se passer la jambe au-dessus d'une rambarde.
Jules: Attention à ta genouillère quand tu cours comme Terry Fox: elle semble avoir glissé vers le bas (turbo).
Jules, c'est à pareil conseil qu'on reconnaît ses véritables alliés dans la quête de la perfection cardiovasculaire dépourvue de blessures. Comment se déroulent tes préparatifs en vue du triathlon de Cornwall au printemps '83?
mercredi 24 octobre 2012
Marathon cycliste
Je me suis levé ce matin avec une mission : soumettre ma demande de renouvellement de visa, nécessitant d'abord de me rendre au bureau municipal de mon ancien quartier. Ce plan a bien failli se dérailler, mais un à un les contretemps ont été rayés, de courage je me suis greyé, et à ma cause mes jambes se sont ralliées, pour ce qui a été au final un rallye sans pareil.
Il m'aura fallu subir la surprise d'un courriel de travail urgent occasionnant un départ fort retardé, abandonner l'idée de tout faire en une journée, abandonner cette idée d'abandon grâce à des services municipaux à la vitesse de la lumière, parcourir une vingtaine de kilomètres à toute allure pour arriver avant la fermeture du service d'immigration, et finalement y démontrer une bonne aptitude à la patience en attendant le traitement de mon dossier. À présent je peux déclarer mission accomplie. Ne me reste plus que le sentiment du fait accompli, soit de voir le visa figurer dans mon passeport, d'ici moins de deux semaines ouvrables.
Sa tâche herculéenne appartenant désormais au passé, le marathonien à roulettes accède finalement au podium qu'est son lit. Bonne nuit!
mardi 23 octobre 2012
Courir le 42 300 mètres haies
Le chemin de renouvellement de visa aime se parsemer d'embûches. Tirez-vous donc une bûche, que je vous en conte une bonne.
J'ai mentionné récemment que le directeur de mon ancienne école de japonais, où j'enseigne le français à l'occasion, avait offert que son institut parraine mon visa. Vendredi dernier, mettant la main sur le formulaire qu'il avait dûment rempli, je croyais être fin prêt à soumettre mon dossier à l'immigration. C'était prendre mes désirs pour des réalités.
Le premier obstacle, somme toute gérable, se dresse au moment d'appeler la ligne d'information d'immigration pour confirmer les documents requis dans mon dossier. La dame à l'autre bout du fil me surprend en précisant qu'il me faut un document au long nom (jūminzei kazeishōmeisho, 住民税課税証明書). Il s'agit d'un relevé de taxes municipales, à obtenir au bureau d'arrondissement, dénommé kuyakusho (区役所), qui ferme à 17h. Puisqu'il est près et qu'il me reste encore quarante minutes, je m'y précipite à vélo.
C'est alors qu'un nouvel obstacle, plus redoutable, prend la relève de son confrère déchu. Prenant un air navré, l'employé de la section fiscale m'indique que puisque j'ai emménagé dans l'arrondissement de Shinjuku au mois de juin, et donc que je n'y vis pas depuis le début de l'année, il ne peut accéder à ma demande. Je dois plutôt me référer au bureau de l'arrondissement au sein duquel j'habitais en début d'année, Adachi. Je suis dépité, car il est loin Adachi. Je quitte l'endroit bredouille, accueilli à la sortie par une pluie naissante, compagnonne idéale de mon état d'esprit.
La déception du moment estompée, et refusant de me laisser abattre par de telles tribulations triviales, je décide que demain matin non seulement à vélo j'irai obtenir mon jūminzei kazeishōmeisho, mais, doté d'un dossier ainsi complété, je me rendrai ensuite directement au bureau d'immigration, pour tout régler la même journée. La tâche n'est pas mince : 12,2 kilomètres me séparent du kuyakusho, lequel est à 18,6 kilomètres du bureau d'immigration, à partir duquel je devrai parcourir 11,5 kilomètres pour rentrer à bon port. Un total de 42,3 kilomètres, soit une centaine de mètres de plus que la distance officielle d'un marathon.
Devenu athlète par la force des visées de visa, je ne ferai qu'une bouchée des embûches. C'est du moins mon désir, en espérant qu'il devienne réalité.
lundi 22 octobre 2012
Le timing
En pleine leçon de japonais avec Nakakami-sensei, mon téléphone cellulaire retentit, un peu fort à mon goût. C'est un représentant du service de messagerie Sagawa, qui me demande de confirmer le nom de mon immeuble d'habitation. (Pour tout dire, je n'ai initialement pas bien saisi qui il était et ce qu'il voulait. J'ai dû le faire répéter, mais avec l'aide mon enseignante j'ai fini par comprendre.) Je suppose qu'il doit me livrer les produits naturels que j'ai commandés la semaine dernière.
Je lui indique que j'habite au Royal Garden, bien que cette bâtisse qui n'est pas un jardin soit dépourvue de toute prétention au trône. Étant encore en cours, je lui précise que je devrais être de retour à domicile à compter de 15h30. Il m'assure qu'il pourra venir à ce moment-là.
Je reviens chez moi à 15h28. En levant les yeux de ma montre, j'aperçois la camionnette de l'entreprise qui se stationne tout près. Je gare mon vélo, et je vais à la rencontre du livreur. Ne le voyant pas dans la cabine, je me dis qu'il est déjà à l'arrière, en train de prendre mon colis. Je m'y rends. Il me fait dos, à finir de trouver ses boîtes. J'essaie d'attirer doucement son attention. Il sursaute puis reprend ses esprits. Je lui indique mon nom, il me demande une signature et me remets mon paquet, nous nous souhaitons bonne continuation.
Je suis content d'avoir reçu la commande dès mon retour, et lui doit être content de ne pas devoir me la porter au sixième. Heureusement que je n'avais pas prétendu arriver plus tôt, comme bluff pour favoriser une livraison plus rapide. Nous n'aurions pu nous réjouir d'un timing si idéal, et lui n'aurait jamais pu raconter à ses collègues l'anecdote de l'étrange étranger, source de sursaut.
Je lui indique que j'habite au Royal Garden, bien que cette bâtisse qui n'est pas un jardin soit dépourvue de toute prétention au trône. Étant encore en cours, je lui précise que je devrais être de retour à domicile à compter de 15h30. Il m'assure qu'il pourra venir à ce moment-là.
Je reviens chez moi à 15h28. En levant les yeux de ma montre, j'aperçois la camionnette de l'entreprise qui se stationne tout près. Je gare mon vélo, et je vais à la rencontre du livreur. Ne le voyant pas dans la cabine, je me dis qu'il est déjà à l'arrière, en train de prendre mon colis. Je m'y rends. Il me fait dos, à finir de trouver ses boîtes. J'essaie d'attirer doucement son attention. Il sursaute puis reprend ses esprits. Je lui indique mon nom, il me demande une signature et me remets mon paquet, nous nous souhaitons bonne continuation.
Je suis content d'avoir reçu la commande dès mon retour, et lui doit être content de ne pas devoir me la porter au sixième. Heureusement que je n'avais pas prétendu arriver plus tôt, comme bluff pour favoriser une livraison plus rapide. Nous n'aurions pu nous réjouir d'un timing si idéal, et lui n'aurait jamais pu raconter à ses collègues l'anecdote de l'étrange étranger, source de sursaut.
dimanche 21 octobre 2012
Osier
Mon ami Alain a décidé de déménager son bureau. De l'endroit actuel où il effectue son travail seul, il a décidé d'emménager dans un espace commun pour entrepreneurs, dans une tour inaugurée il n'y a pas six mois à deux pas de la station Shibuya.
L'endroit étant à la fois plus vivant et plus abordable, Alain y gagne au change. Moi aussi, car devant se débarrasser de son mobilier, devenu superflu, il m'a offert un futon et un coffre en rotin, qui s'agenceront bien avec mes meubles, en plus de me vendre à bon marché un fauteuil de travail, qui saura avec brio remplacer ma vieille chaise, dont le revêtement tombe en lambeaux.
Nous avons rendez-vous demain matin, devant l'immeuble qu'il s'apprête à quitter, afin d'apporter ensemble le stock chez moi. Comme le lieu de rencontre est à moins de huit kilomètres, je compte m'y rendre par mes propres moyens joggingnesques. Offrande méritée à la sueur de mon front.
L'endroit étant à la fois plus vivant et plus abordable, Alain y gagne au change. Moi aussi, car devant se débarrasser de son mobilier, devenu superflu, il m'a offert un futon et un coffre en rotin, qui s'agenceront bien avec mes meubles, en plus de me vendre à bon marché un fauteuil de travail, qui saura avec brio remplacer ma vieille chaise, dont le revêtement tombe en lambeaux.
Nous avons rendez-vous demain matin, devant l'immeuble qu'il s'apprête à quitter, afin d'apporter ensemble le stock chez moi. Comme le lieu de rencontre est à moins de huit kilomètres, je compte m'y rendre par mes propres moyens joggingnesques. Offrande méritée à la sueur de mon front.
samedi 20 octobre 2012
Paie-doyer
Hayato l'élève est propriétaire d'entreprise. Notre leçon doit porter sur les plaintes, celles qu'il reçoit comme celles qu'il formule, et il en vient à mentionner un client mauvais payeur, ou plutôt pas du tout payeur.
Après des mois à se montrer patient dans l'espoir de recevoir son dû, il se résigne à signifier à l'entreprise familiale fautive une convocation à comparaître à la cour des petites créances. Comme de fait, ce n'est qu'à la réception de cet avis, sans mise en demeure préalable, que le client se décide à se montrer conciliant et à vouloir trouver un terrain d'entente, mais c'est trop peu trop tard pour Hayato (je lui enseigne à ce moment I'll see you in court! et, plus grossièrement, I'll sue your ass off!, phrases typiques des films américains à saveur juridique).
Au sein du monde entrepreneurial japonais, on confie rarement aux tribunaux la résolution des différends, tendance qui reflète la volonté sociétale généralisée de minimiser ou mieux éviter les conflits et confrontations.
Je suis tout de même heureux qu'on y ait recours en dernier recours, pour que justice soit faite. Ce n'est pas sans me rappeler une certaine demeurée qui, échaudée par une mise en demeure, s'était motivée à me payer.
Après des mois à se montrer patient dans l'espoir de recevoir son dû, il se résigne à signifier à l'entreprise familiale fautive une convocation à comparaître à la cour des petites créances. Comme de fait, ce n'est qu'à la réception de cet avis, sans mise en demeure préalable, que le client se décide à se montrer conciliant et à vouloir trouver un terrain d'entente, mais c'est trop peu trop tard pour Hayato (je lui enseigne à ce moment I'll see you in court! et, plus grossièrement, I'll sue your ass off!, phrases typiques des films américains à saveur juridique).
Au sein du monde entrepreneurial japonais, on confie rarement aux tribunaux la résolution des différends, tendance qui reflète la volonté sociétale généralisée de minimiser ou mieux éviter les conflits et confrontations.
Je suis tout de même heureux qu'on y ait recours en dernier recours, pour que justice soit faite. Ce n'est pas sans me rappeler une certaine demeurée qui, échaudée par une mise en demeure, s'était motivée à me payer.
vendredi 19 octobre 2012
L'erreur s'improvisant bénédiction
Il y a quelques jours au matin, je me prépare à sortir de chez moi pour la journée. Je rassemble ainsi ce dont j'aurai besoin, dont mes manuels de japonais, ma gourde d'eau remplie, un chandail en cas de temps froid, une collation. Je suis fin prêt si ce n'est que mon trousseau de clés manque à l'appel.
Je ne m'énerve pas inutilement. Il me reste encore un peu de temps, alors je cherche comme du monde. Rien à faire. Même après quelques minutes, l’absence confère à mes clés une certaine brillance.
Je me rabats sur mes clés de rechange. Il ne s'agit pas là d'une situation idéale, mais ma journée n'est pas ruinée pour autant et, en retraçant mon parcours de la vieille, je suis à peu près persuadé que les disparues languissent à quelque part dans mon foyer. Où exactement, c'est ce que j'ignore.
Après deux jours d'usage des clés d'urgence, hier soir en me penchant pour ramasser un objet au sol j'aperçois le trousseau truand, dissimulé sous mon micro-ondes. C'est là qu'il se terrait!
Ce matin, me servant de mes clés rescapées pour verrouiller mon logis et libérer mon vélo, je me rends au travail. Sur place, je me dévêtis de mon attirail cycliste pour enfiler chemise, cravate et pantalons, l'uniforme de rigueur.
Si, en temps normal, la besogne terminée je rentre directement au bercail, aujourd'hui j'ai rendez-vous avec ma copine à Roppongi, pour assister à l'exposition d'un mangaka de renom. Comme je dois m'y rendre le plus vite possible, je ne me change pas et j'y vais en métro, quitte à laisser mon vélo devant l'école pour la nuit.
Je suis presque arrivé lorsque la réalisation, soudaine et terrifiante, me fait tressaillir : mes clés sont dans mon short de vélo, resté au travail! L'école est fermée, que faire? Devrais-je dormir à l'hôtel ce soir, et enseigner dans les même fringues demain? Oh non!
Attends un peu... Ah, oui! Je saisis mon portefeuille, j'en ouvre la pochette centrale. Par miracle s'y trouvent mes clés de secours, que j'avais omis de ranger après avoir retrouvé leurs homologues usuelles. Quelle chance!
L'esprit apaisé, je m'en vais rejoindre ma copine, heureux qu'une situation potentiellement misérable, grâce à une bévue banale, ait connue un dénouement agréable.
Je ne m'énerve pas inutilement. Il me reste encore un peu de temps, alors je cherche comme du monde. Rien à faire. Même après quelques minutes, l’absence confère à mes clés une certaine brillance.
Je me rabats sur mes clés de rechange. Il ne s'agit pas là d'une situation idéale, mais ma journée n'est pas ruinée pour autant et, en retraçant mon parcours de la vieille, je suis à peu près persuadé que les disparues languissent à quelque part dans mon foyer. Où exactement, c'est ce que j'ignore.
Après deux jours d'usage des clés d'urgence, hier soir en me penchant pour ramasser un objet au sol j'aperçois le trousseau truand, dissimulé sous mon micro-ondes. C'est là qu'il se terrait!
Ce matin, me servant de mes clés rescapées pour verrouiller mon logis et libérer mon vélo, je me rends au travail. Sur place, je me dévêtis de mon attirail cycliste pour enfiler chemise, cravate et pantalons, l'uniforme de rigueur.
Si, en temps normal, la besogne terminée je rentre directement au bercail, aujourd'hui j'ai rendez-vous avec ma copine à Roppongi, pour assister à l'exposition d'un mangaka de renom. Comme je dois m'y rendre le plus vite possible, je ne me change pas et j'y vais en métro, quitte à laisser mon vélo devant l'école pour la nuit.
Je suis presque arrivé lorsque la réalisation, soudaine et terrifiante, me fait tressaillir : mes clés sont dans mon short de vélo, resté au travail! L'école est fermée, que faire? Devrais-je dormir à l'hôtel ce soir, et enseigner dans les même fringues demain? Oh non!
Attends un peu... Ah, oui! Je saisis mon portefeuille, j'en ouvre la pochette centrale. Par miracle s'y trouvent mes clés de secours, que j'avais omis de ranger après avoir retrouvé leurs homologues usuelles. Quelle chance!
L'esprit apaisé, je m'en vais rejoindre ma copine, heureux qu'une situation potentiellement misérable, grâce à une bévue banale, ait connue un dénouement agréable.
jeudi 18 octobre 2012
Enrubannage
Les substances adhésives parfois nous facilitent la vie. Il suffit de savoir les appliquer à bon escient, et c'est avec joie qu'ils accomplissent leur mission.
Mon moustiquaire avait la vilaine manie de grincer bruyamment, son cadre et la porte patio, tous deux en métal, se frottant l'un sur l'autre. Venant à la rescousse, en vrai héros le ruban noir s'est interposé entre ces deux belligérants pour calmer les hostilités et surtout les réduire au silence. Merci ruban noir, justicier masking tape.
Mon balai avait la vilaine manie de se montrer récalcitrant à demeurer sagement en place. En vrai garnement mal léché il éprouvait du plaisir à s'écrouler à mes pieds à chaque ouverture du placard. Venant à la rescousse, en vrai héros le ruban noir s'est improvisé en dispositif de retenue du balai, lequel reste désormais gentiment dans son coin, sans plus jamais causer de fracas. Merci ruban noir, devenu porte-balai digne d'un palais.
Ma clé avait la vilaine manie d'avoir un recto ressemblant de manière frappante à son verso. Je devais souvent me prendre à deux fois pour l'insérer dans la serrure de la porte automatique à l'entrée de l'immeuble, la petite chipie ricanant en se sachant du mauvais côté. Venant à la rescousse, en vrai héros un autocollant de la marque de vélo Specialized a accepté le sacrifice d'être tronqué pour que, plus jamais, pareille méprise ne se reproduise. Merci Zed, à toi et aux secondes que tu me fais épargner.
Mon moustiquaire avait la vilaine manie de grincer bruyamment, son cadre et la porte patio, tous deux en métal, se frottant l'un sur l'autre. Venant à la rescousse, en vrai héros le ruban noir s'est interposé entre ces deux belligérants pour calmer les hostilités et surtout les réduire au silence. Merci ruban noir, justicier masking tape.
Mon balai avait la vilaine manie de se montrer récalcitrant à demeurer sagement en place. En vrai garnement mal léché il éprouvait du plaisir à s'écrouler à mes pieds à chaque ouverture du placard. Venant à la rescousse, en vrai héros le ruban noir s'est improvisé en dispositif de retenue du balai, lequel reste désormais gentiment dans son coin, sans plus jamais causer de fracas. Merci ruban noir, devenu porte-balai digne d'un palais.
Ma clé avait la vilaine manie d'avoir un recto ressemblant de manière frappante à son verso. Je devais souvent me prendre à deux fois pour l'insérer dans la serrure de la porte automatique à l'entrée de l'immeuble, la petite chipie ricanant en se sachant du mauvais côté. Venant à la rescousse, en vrai héros un autocollant de la marque de vélo Specialized a accepté le sacrifice d'être tronqué pour que, plus jamais, pareille méprise ne se reproduise. Merci Zed, à toi et aux secondes que tu me fais épargner.
mardi 16 octobre 2012
Courtes et sans virgule
Je me lève ce matin. Dehors il fait beau. Je vais à mon cours en vélo. Je ne remarque pas la température au retour. Elle doit être encore belle.
J'arrive chez moi. Il est quinze heures. Je me fais un dîner sur le tard. Je prévois rencontrer Natsumi plus tard. Je fais une sieste.
Je me réveille. L'obscurité règne. Elle me surprend. Il est encore tôt. Je jette un œil dehors. Je comprends. De gros nuages surplombent la ville. Une petite averse trempe le trottoir.
Je souhaite aller voir mon amie à vélo. Au sec. La pluie doit cesser. Elle n'en fait qu'à sa tête. Elle a le culot de s'intensifier. Elle me fait un pied de nez. Malgré mon rendez-vous.
Je me rends. Je me rends à l'évidence. Je m'y rends en métro. Sans rancune cher vélo.
J'arrive chez moi. Il est quinze heures. Je me fais un dîner sur le tard. Je prévois rencontrer Natsumi plus tard. Je fais une sieste.
Je me réveille. L'obscurité règne. Elle me surprend. Il est encore tôt. Je jette un œil dehors. Je comprends. De gros nuages surplombent la ville. Une petite averse trempe le trottoir.
Je souhaite aller voir mon amie à vélo. Au sec. La pluie doit cesser. Elle n'en fait qu'à sa tête. Elle a le culot de s'intensifier. Elle me fait un pied de nez. Malgré mon rendez-vous.
Je me rends. Je me rends à l'évidence. Je m'y rends en métro. Sans rancune cher vélo.
Bouquin
Le potentiel, c'est la réalité en attente d'effort.
Inspiré par un moment de lucidité, il y a maintenant plus de deux ans je lançais ce blogue, comme plateforme de diffusion de mes pensées, comme moyen de m'adonner à l'écriture. Si autrui pouvait tirer du plaisir à me lire, tant mieux, mais je le concevais avant tout pour ma propre gratification.
Certains billets s'écrivent pratiquement seul, quelques-uns prennent un temps fou, d'autres encore font l'objet d’innombrables révisions. Ils ont toutefois pour dénominateur commun de me procurer de la satisfaction, tant lors de leur création que dans l'admiration de l'œuvre achevée.
Le billet ici présent est mon six-centième. De ce nombre, certains jouissent de mon affection particulière, en raison du sujet traité, de l'angle adopté, de tournures futées. Pourquoi ne pas les ériger en recueil, comme premier ouvrage?
Quelles sont les implications de pareil plan? Il s'agit d'abord d'effectuer la sélection et la correction des textes. Viennent ensuite le peaufinage de la mise en pages, en vue d'une lecture agréable, et la conception d'une couverture attrayante. Entre aussi en ligne de compte l'analyse minutieuse des options d'autopublication pour choisir la mieux adaptée.
Cela demande du temps. Je m'accorde six mois, donc jusqu'à la mi-avril 2013, pour mener à bien ce projet. D'ici là, il m'incombe de bien le planifier si je veux à échéance tenir un bouquin, le mien, entre mes mains. Surtout, il n'en tient qu'à moi d'éviter toute panne sèche de mon catalyseur, l'effort. Je m'y mets!
lundi 15 octobre 2012
Vin et engin
Contrairement au Canada, où on peut légalement prendre le volant après une consommation ou deux, ici la loi ne laisse aucune marge de manœuvre. Bien que l'enjeu existe en campagne et dans les petites localités, à Tokyo, où les transports en commun l'emportent largement sur la voiture, l'alcool au volant est moins problématique que la perte de productivité des travailleurs ayant trop fêté.
Samedi, Yusho l'élève m'en a conté une bonne à ce sujet, dont le dénouement aurait pu être tragique. Nous discutions de son hobby, la motocyclette, et je lui ai demandé s'il avait déjà fait des accidents. Deux, qu'il m'a répondu, le premier majeur et le second mineur. Commençons par le majeur, que je lui ai dit. Voici ce à quoi aurait ressemblé notre dialogue, s'il avait été en français :
- Je buvais verre après verre dans une izakaya avec des amis. Je me souviens ensuite de me réveiller dans un lit d'hôpital. Deux policiers, furieux, me brassent et me somment d'expliquer ce qui s'est passé. Je n'en ai aucune idée, que je leur réponds, je ne me rappelle d'absolument rien.
- Wow! Étais-tu blessé?
- Mis à part une coupure à l'arcade sourcilière, non. Apparemment, j'ai heurté le trottoir, et mon casque a absorbé l'essentiel du choc.
- Et qu'est-ce qui s'est passé avec les policiers? Ton permis a-t-il été révoqué, as-tu eu des démêlés avec la justice?
- Un test d'alcoolémie m'a été imposé, mais rien qu'à l'odeur, ils savaient que j'avais enfreint la loi. Incroyablement, je n'ai non seulement subi aucune conséquence judiciaire, j'ai même pu conserver mon permis!
- Quelle chance! Ta moto était-elle très abîmée?
- Ce n'était pas la mienne mais celle d'un des convives de l'izakaya. Semble-t-il qu'il avait jugé bon de m'en donner la clé pour une balade. Seule la carrosserie était endommagée. J'ai dû payer les réparations, qui ont coûté environ cinquante mille yens.
- Était-il fâché parce que tu avais bousillé sa moto? Ou se reprochait-il de te l'avoir prêtée?
- Il n'était pas très content, mais surtout, il était soulagé de me savoir sain et sauf.
- Depuis cet accident, as-tu refait de la motocyclette après avoir bu?
- Non, jamais! Pareille chance de s'en sortir si bien n'arrive qu'une fois!
Samedi, Yusho l'élève m'en a conté une bonne à ce sujet, dont le dénouement aurait pu être tragique. Nous discutions de son hobby, la motocyclette, et je lui ai demandé s'il avait déjà fait des accidents. Deux, qu'il m'a répondu, le premier majeur et le second mineur. Commençons par le majeur, que je lui ai dit. Voici ce à quoi aurait ressemblé notre dialogue, s'il avait été en français :
- Je buvais verre après verre dans une izakaya avec des amis. Je me souviens ensuite de me réveiller dans un lit d'hôpital. Deux policiers, furieux, me brassent et me somment d'expliquer ce qui s'est passé. Je n'en ai aucune idée, que je leur réponds, je ne me rappelle d'absolument rien.
- Wow! Étais-tu blessé?
- Mis à part une coupure à l'arcade sourcilière, non. Apparemment, j'ai heurté le trottoir, et mon casque a absorbé l'essentiel du choc.
- Et qu'est-ce qui s'est passé avec les policiers? Ton permis a-t-il été révoqué, as-tu eu des démêlés avec la justice?
- Un test d'alcoolémie m'a été imposé, mais rien qu'à l'odeur, ils savaient que j'avais enfreint la loi. Incroyablement, je n'ai non seulement subi aucune conséquence judiciaire, j'ai même pu conserver mon permis!
- Quelle chance! Ta moto était-elle très abîmée?
- Ce n'était pas la mienne mais celle d'un des convives de l'izakaya. Semble-t-il qu'il avait jugé bon de m'en donner la clé pour une balade. Seule la carrosserie était endommagée. J'ai dû payer les réparations, qui ont coûté environ cinquante mille yens.
- Était-il fâché parce que tu avais bousillé sa moto? Ou se reprochait-il de te l'avoir prêtée?
- Il n'était pas très content, mais surtout, il était soulagé de me savoir sain et sauf.
- Depuis cet accident, as-tu refait de la motocyclette après avoir bu?
- Non, jamais! Pareille chance de s'en sortir si bien n'arrive qu'une fois!
samedi 13 octobre 2012
Kotohira télévisé
Mon école de japonais est située au vingt-deuxième étage d'une tour à bureaux. Au pied de celle-ci se trouve le temple Kotohira-Gu (金刀比羅). En fait, l'immeuble a été bâti si près de ce lieu de culte qu'il l'enjambe partiellement et abrite ses bureaux administratifs.
Il m'arrive après mon cours d'aller jeter un coup d'oeil aux activités qui y sont organisées. Ce fut le cas mercredi dernier, alors que le grand festival (taisai, 大祭) s'y déroulait. Rythmés par un petit groupe de percussionnistes, des personnages masqués ont défilé en dansant, en route vers une cérémonie sur le parvis du temple.
Après la cérémonie, un des personnages les plus impressionnants, un tengu aux airs menaçants, s'est mis à se pavaner parmi la foule en fixant les gens du regard.
Épargnez-moi, monsieur Tengu! |
J'en étais à prendre des photos de tout ce beau monde lorsque deux membres d'une équipe de télévision sont venus m'aborder. M'expliquant qu'une émission Web, animée par deux jolies filles, était filmée sur place, ils m'ont demandé si j'étais disposé à y participer. Volontiers, que je leur ai répondu, voyant en cela une belle occasion de mettre mon japonais en application. En me tenant près et prêt, je devais, à leur signal, faire semblant de prendre des photos, en vrai touriste, en vue de l'approche de la caméra.
Le moment venu, les deux filles, suivies de l'équipe de tournage, sont venus me demander dans un anglais approximatif si je pouvais leur accorder une brève entrevue. Feignant la surprise, je leur ai répondu par l'affirmative. Soulagées de me savoir capable de communiquer en japonais, elles m'ont posé une série de questions légères auxquelles je crois avoir su répondre adroitement, du moins assez bien pour les avoir fait rire à quelques reprises. C'était un réel plaisir, autant pour moi que, je l'espère, pour les téléspectateurs. Dommage qu'il s'agissait là d'une émission en direct, sans possibilité d'en voir la reprise. J'eus aimé me zyeuter la bette à tévé!
vendredi 12 octobre 2012
Un an neuf
Mon amie Tomoko a organisé un souper pour son anniversaire. Nous y avons aussi célébré celui de son ami Greg, quoiqu'elle en lui voulait un peu de n'avoir invité que ses amis à elle et personne d'autre.
Nous prenions place dans la terrasse du neuvième étage au Neuf Café, fondé en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf. Il faisait plus que neuf degrés, mais perchés si haut, le vigoureux vent d'automne nous donnait cette impression, si bien que la couverture offerte par le personnel n'a pas été de refus. Ainsi immobilisé, l'inconfort du froid est devenu rafraîchissement au moment de regagner mon logis, réchauffé par le plaisir de pédaler à toute vitesse.
Au cours du repas, j'ai eu la présence d'esprit d'aller m'entretenir avec la serveuse pour lui demander de servir deux gâteaux d'anniversaire. Puisque j'étais visible depuis notre table, à mon retour le convive David m'avait accusé à la blague d'avoir donné mon numéro à la belle. Il était dans le panneau, j'avais des visées plus nobles, mais c'était rigolo. Joyeux anniversaire Tomoko!
Nous prenions place dans la terrasse du neuvième étage au Neuf Café, fondé en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf. Il faisait plus que neuf degrés, mais perchés si haut, le vigoureux vent d'automne nous donnait cette impression, si bien que la couverture offerte par le personnel n'a pas été de refus. Ainsi immobilisé, l'inconfort du froid est devenu rafraîchissement au moment de regagner mon logis, réchauffé par le plaisir de pédaler à toute vitesse.
Au cours du repas, j'ai eu la présence d'esprit d'aller m'entretenir avec la serveuse pour lui demander de servir deux gâteaux d'anniversaire. Puisque j'étais visible depuis notre table, à mon retour le convive David m'avait accusé à la blague d'avoir donné mon numéro à la belle. Il était dans le panneau, j'avais des visées plus nobles, mais c'était rigolo. Joyeux anniversaire Tomoko!
jeudi 11 octobre 2012
Tournée en nature à fâcheuse tournure
Mauvais détour
Sans demi-tour
Point de non-retour
Point de secours
Désormais
Trouille au ventre
Ventre vide
Ventre vide
Autour volent vautours
Vite viendra ton tour
mercredi 10 octobre 2012
Ville à joie
Dans la ville, particulièrement si elle est grande, chaque sortie est assortie du potentiel de découverte, qu'il s'agisse d'un nouveau quartier, d'un bâtiment à l'architecture inusitée, d'un restaurant pour la première fois aperçu. On peut y dénicher une fruiterie abordable, un café tranquille, un temple charmant.
Parfois également la vie humaine, dans ses frictions et son flux, nous est dévoilée. Cela peut s'agir d'un homme qui crie à tue-tête sans qu'on en sache la raison, de nationalistes à bord d'une camionnette crachant des hymnes chauvins, d'une cérémonie de mariage dans le restaurant où on prend place. Parfois aussi des incidents se produisent. On s'endort dans le train, on perd le contrôle de son véhicule.
La ville sait nous surprendre au détour de ses rues. Il suffit d'aller à sa rencontre.
Parfois également la vie humaine, dans ses frictions et son flux, nous est dévoilée. Cela peut s'agir d'un homme qui crie à tue-tête sans qu'on en sache la raison, de nationalistes à bord d'une camionnette crachant des hymnes chauvins, d'une cérémonie de mariage dans le restaurant où on prend place. Parfois aussi des incidents se produisent. On s'endort dans le train, on perd le contrôle de son véhicule.
La ville sait nous surprendre au détour de ses rues. Il suffit d'aller à sa rencontre.
mardi 9 octobre 2012
Vélautomne
L'automne est à ma porte. L'air frisquet est au rendez-vous avec une régularité croissante. De mes culottes courtes, de règle depuis mai, le glas devrait bientôt sonner. Inévitablement le port d'un chandail puis d'un manteau s'imposera, assorti de gants et parfois même d'une tuque. L'hiver viendra. Heureux de la chute de l'humidité atmosphérique, je dois encore m'habituer aux températures plus fraîches. Entre feu et glace.
Qu'importe le temps, une constante demeure : je finis toujours par avoir chaud à vélo. Conséquence d'un effort soutenu, découlant à la fois de ma propension à maintenir un bon rythme et des nombreuses côtes dont Tokyo est parsemé. L'été la chaleur ambiante me fait suer, l'hiver mes vêtements épais s'en chargent. Ni trop habillé ni de chaleur baigné, s'agirait-il de la meilleure saison pour donner du pédalier?
Qu'importe le temps, une constante demeure : je finis toujours par avoir chaud à vélo. Conséquence d'un effort soutenu, découlant à la fois de ma propension à maintenir un bon rythme et des nombreuses côtes dont Tokyo est parsemé. L'été la chaleur ambiante me fait suer, l'hiver mes vêtements épais s'en chargent. Ni trop habillé ni de chaleur baigné, s'agirait-il de la meilleure saison pour donner du pédalier?
lundi 8 octobre 2012
Violente brise
Vous êtes à la mi-octobre, et dehors
bourrasques et rafales menacent à tout moment de vous dégarnir de votre
précieux couvre-chef. Pour maudire ce temps inconvenant, vous songez à
vociférer une phrase à la fois élégante, sensée et accrocheuse. « J'ai
trouvé! », que vous vous dites après un moment, « Automne en emporte le
vent! ».
Jectifs
Hier s'est soldée ma première semaine complète assujettie à des objectifs hebdomaires, ou hebdobjectifs. Comment m'en suis-je sorti?
Forme physique
Aller au gym deux fois, idéalement trois. Faire de la course à pied deux fois, pour un total de vingt kilomètres.
J'ai échoué lamentablement à ce chapitre, autant l'avouer. Non seulement le volet course a fait partiellement défaut, n'y étant allé qu'une fois pour une maigre distance de six kilomètres, mais le retour au gym se fait toujours attendre. Des facteurs atténuants expliquent cette contreperformance sans toutefois la justifier, en premier lieu les deux longs aller-retours au bureau des permis. En allant courir plus tard cette après-midi, je compte faire un détour par le gym, pour m'assurer que je suis membre en règle à nouveau, après un mois d'interruption. Ensuite, il ne tiendra qu'à moi de procéder à un botté de derrière, en l'occurrence le mien. Si les insuccès se poursuivent, je me réserve le droit de revoir cet objectif à la basse, mais pas avant quelques semaines.
Alimentation
M'abstenir pendant trois jours de toute consommation d'alcool
Les nouvelles sont plus radieuses à ce chapitre. Non seulement je suis parvenu à trois jours d'abstention, mais cela même sans devoir réprimer quelque envie de lever le coude. Qui plus est, j'ai su me limiter à une ou deux consommations les jours où j'ai effectivement bu. D'accoutumance quotidienne, boire semble devenir plaisir occasionnel et modéré, et c'est bien ainsi.
Apprentissage
Consacrer une heure de révision et de préparation le jour précédant chaque leçon de japonais
Là aussi je me réjouis. Je suis arrivé à mes leçons bien préparé, mes devoirs finis.
Comme motivation supplémentaire, je dispose depuis quelques jours d'un objectif clair à l'horizon, le niveau 3 du test d'aptitude en japonais (nihongo nōryoku shiken, 日本語能力試験), qui représente la référence nationale des capacités linguistiques nippones. Prévu début décembre, il reste moins de deux mois pour m'y préparer. Deux manuels à étude quotidienne me sont d'une grande aide, le premier portant sur les kanjis, le second sur l'approfondissement du vocabulaire.Force est d'admettre que j'ai eu une bonne semaine. J'ai obtenu mon permis de conduire japonais, je me suis mis sur la bonne voie pour obtenir un nouvel emploi tout en renouvelant mon visa, je me suis résolu à mettre mes connaissances de japonais à l'épreuve. L'activité physique a fait défaut, mais pour progresser il faut bien se garder une petite imperfection ou deux!
samedi 6 octobre 2012
Paronyme à la joie
L'antonyme de synonyme est antonymeLe synonyme d'antonyme n'est pas synonymeLe synonyme d'homophone est homonymeAnonyme et antonyme sont quasi-homonymesMais ne sont ni antonymes ni synonymesEt publiés ici, sont tout sauf anonymes
vendredi 5 octobre 2012
Volereau
J'ai aperçu cette affiche pour le moins rigolote dans le métro. Traitant des périls de la fraude bancaire, elle met en garde le bon citoyen contre le risque de se faire soutirer ses renseignements personnels à partir de téléphones cellulaires achetés ou vendus à des malfrats, ou dans l'exemple donné, à un « bad man ». Ainsi, 2 600 personnes seraient annuellement victimes de pareilles magouilles.
Le taux de résolution des crimes par les forces de l'ordre japonaises est nettement plus élevé que celui de leurs homologues occidentaux. Facile lorsque par leurs accoutrements les crapules s'affichent si clairement.
jeudi 4 octobre 2012
Bon coup
Depuis mon retour, il y a moins de deux semaines, la fin imminente de mon visa se faisait ressentir. J'en étais à soupeser les options de continuation de ma vie au pays lorsqu'un courriel exauceur de prières est venu changer la donne.
En après-midi j'avais ainsi rendez-vous avec l'auteur de ce message. Il s'agissait du directeur de l'institut où j'avais initialement suivi mes cours de japonais à mon arrivée, l'an dernier. À cette époque, alors que mon ami Alain et moi-même discutions, en français bien entendu, dans le hall après nos cours, il était venu nous parler. Francophile ayant fait des études universitaires à la Sorbonne, il nous avait indiqué qu'il enseignait un cours de conversation française et nous avait demandé si nous étions disposés à le remplacer, au besoin. Quelques semaines plus tard, il sollicitait mon aide, et depuis ce temps le vendredi après-midi nous enseignons ce cours en alternance.
Au courant de ma quête de renouvellement de visa, le bon monsieur le directeur dans son courriel avait proposé que son institut me parraine, pourvu que je m'engage à y enseigner l'anglais. Difficile de demander mieux lorsque la contrepartie exigée, un poste plus valorisant et mieux payé que mon emploi actuel, relève moins du sacrifice que de l'occasion à saisir.
Lors de notre rencontre, j'ai pu discuter avec lui des détails de cette proposition et faire la connaissance avec la directrice de programmes, qui m'a présenté un tour d'horizon des cours enseignés. J'en suis sorti au bout d'une heure, avec l'envie irrépressible de sourire. Nouveau visa et nouvel emploi, double source de joie.
En après-midi j'avais ainsi rendez-vous avec l'auteur de ce message. Il s'agissait du directeur de l'institut où j'avais initialement suivi mes cours de japonais à mon arrivée, l'an dernier. À cette époque, alors que mon ami Alain et moi-même discutions, en français bien entendu, dans le hall après nos cours, il était venu nous parler. Francophile ayant fait des études universitaires à la Sorbonne, il nous avait indiqué qu'il enseignait un cours de conversation française et nous avait demandé si nous étions disposés à le remplacer, au besoin. Quelques semaines plus tard, il sollicitait mon aide, et depuis ce temps le vendredi après-midi nous enseignons ce cours en alternance.
Au courant de ma quête de renouvellement de visa, le bon monsieur le directeur dans son courriel avait proposé que son institut me parraine, pourvu que je m'engage à y enseigner l'anglais. Difficile de demander mieux lorsque la contrepartie exigée, un poste plus valorisant et mieux payé que mon emploi actuel, relève moins du sacrifice que de l'occasion à saisir.
Lors de notre rencontre, j'ai pu discuter avec lui des détails de cette proposition et faire la connaissance avec la directrice de programmes, qui m'a présenté un tour d'horizon des cours enseignés. J'en suis sorti au bout d'une heure, avec l'envie irrépressible de sourire. Nouveau visa et nouvel emploi, double source de joie.
mercredi 3 octobre 2012
Guerriers de construction massive
Pour les travailleurs de la construction, et plus généralement pour les cols bleus qui travaillent à l'extérieur, la sieste post-dîner est sacrée. Le bon ouvrier ira se trouver un coin tranquille pour s'y poser la tête et roupiller, question d'amorcer le labeur de l'après-midi bien reposé. Ceux dotés d'un véhicule le transforment généralement en dortoir. Pareille scène est monnaie courante, et en voici deux beaux spécimens, partageant une chambre en occupation double.
mardi 2 octobre 2012
Circulez
J'aurais voulu arriver plus tôt, mais par autofidélité je ne mets les pieds dans le bureau des permis qu'à midi. Au guichet vingt-six, on m'annonce que les demandes ne sont pas acceptées pendant la pause-dîner. Pour soumettre mon dossier, je dois revenir à treize heures. D'ici là, qu'on ajoute, je peux aller m'assujettir au test de la vue, et m'alléger le portefeuille au comptoir de paiement.
De retour au guichet et détroussé de quatre mille deux cent cinquante yens, mes yeux qui n'ont plus rien à prouver remarquent le petit écriteau au mur. Ce service de conversion des permis étrangers est le plus achalandé du Japon, qu'il indique, Prévoyez deux heures d'attente pour l'obtention de votre permis. Merci de me le préciser, panneau révélateur de grandes vérités voilées.
Treize heures cinquante-cinq, on me demande une signature, puis on m'envoie me faire photographier. On m'aiguille ensuite vers la salle trente-six, en attendant que la machine excrète ma précieuse carte d'habilitation à prendre le volant. Mon nom est finalement prononcé. On me remet un bout de papier avec la consigne de me rendre au quatrième et dernier étage. Je présente ledit bout à l'employée sur place, qui me dit d'aller m'asseoir. Son collègue vient me voir, me tend un court questionnaire aux questions auxquelles il vaut mieux répondre non, puis me remet le parallélogramme de plastique qui me permettra de me parquer légalement en parallèle, l'aboutissement de tout ce temps d'attente. Il est quinze heures. Pour pareil permis, la jubilation, permise, est de mise.
De retour au guichet et détroussé de quatre mille deux cent cinquante yens, mes yeux qui n'ont plus rien à prouver remarquent le petit écriteau au mur. Ce service de conversion des permis étrangers est le plus achalandé du Japon, qu'il indique, Prévoyez deux heures d'attente pour l'obtention de votre permis. Merci de me le préciser, panneau révélateur de grandes vérités voilées.
Treize heures cinquante-cinq, on me demande une signature, puis on m'envoie me faire photographier. On m'aiguille ensuite vers la salle trente-six, en attendant que la machine excrète ma précieuse carte d'habilitation à prendre le volant. Mon nom est finalement prononcé. On me remet un bout de papier avec la consigne de me rendre au quatrième et dernier étage. Je présente ledit bout à l'employée sur place, qui me dit d'aller m'asseoir. Son collègue vient me voir, me tend un court questionnaire aux questions auxquelles il vaut mieux répondre non, puis me remet le parallélogramme de plastique qui me permettra de me parquer légalement en parallèle, l'aboutissement de tout ce temps d'attente. Il est quinze heures. Pour pareil permis, la jubilation, permise, est de mise.
lundi 1 octobre 2012
Lundi le ludique, jeudi je divulgue
Divertissant ses invités, le voisin fait jouer de la musique un peu forte. C'est une première; j'ignorais tout de ces murs mal isolés. J'entends non seulement les fréquences basses de la musique, mais également leurs conversations, et ce, assez clairement. Cela m'amène à penser que l'opposé aussi se produit, qu'il s'agisse de ma propre musique, de conversations téléphoniques ou du temps de qualité avec ma copine. Le lit devant m'accueillir sous peu, serais-je forcé d'aller cogner à la porte de Rock Voisine le voisin pour qui lundi est ludique?
J'ai reçu cet après-midi un courriel porteur d'une proposition rêvée, car oui j'en avais rêvé, figurativement, et aussi parce qu'elle presque trop belle, à la manière d'un beau rêve. Inutile d'en révéler les détails maintenant, rien n'est confirmé et je veux vous laisser sur votre faim. Ce jeudi, je le dis et je le divulgue, le dossier se développera.
Les rêves, en français on les fait, en japonais on les voit; je me vois très bien dans celui-là. D'ici là, permettez-moi d'aller séjourner dans leur pays, malgré le cauchemar qu'est la musique du voisin.
J'ai reçu cet après-midi un courriel porteur d'une proposition rêvée, car oui j'en avais rêvé, figurativement, et aussi parce qu'elle presque trop belle, à la manière d'un beau rêve. Inutile d'en révéler les détails maintenant, rien n'est confirmé et je veux vous laisser sur votre faim. Ce jeudi, je le dis et je le divulgue, le dossier se développera.
Les rêves, en français on les fait, en japonais on les voit; je me vois très bien dans celui-là. D'ici là, permettez-moi d'aller séjourner dans leur pays, malgré le cauchemar qu'est la musique du voisin.
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