samedi 25 août 2012

Échange de bons principes

海老で鯛を釣る (Ebi de tai o tsuru)
Expression signifiant donner peu pour récolter beaucoup
(littéralement, pêcher une daurade avec une crevette)

Elle et moi, nous sommes en escapade à Niigata. Par une belle journée, un bus nous transporte d'une installation d'art à une autre dans le cadre de la triennale Echigo Tsumari.

À une maison abritant un réseau complexe de fleurs en porcelaine, le vieil agriculteur propriétaire de l'endroit nous vend un melon d'eau.

Plus tard, au coin terroir de l'établissement où nous dînons, j'achète des petits piments, la plupart verts, d'autres rouges. Je les pense doux, mais elle aussitôt m'informe qu'il sont épicés.

À la fin de la journée, équipés de notre melon et nos piments, nous regagnons l'hôtel. Nous nous débouchons des bières locales, et je saisis l'un des piments. Convaincu qu'il n'est pas si piquant, et un brin fanfaron, j'en croque le bout. S'ensuit une quinzaine de minutes d'enfer sur terre, la pire douleur buccale, gastrique même, de ma vie.

Finalement rétabli, grâce au thé au lait qu'elle m'achète, nous allons souper au resto jouxtant l'hôtel.

Nous ne nous faisons pas prier pour offrir les piments maudits à la serveuse, en l'avertissant qu'ils sont à même d'infliger une douleur dont l'oubli ne se produit pas de sitôt.

Elle nous revient et nous annonce qu'elle en a croqué un. Pas de toute, ils percutent, qu'elle nous confirme. Nous lui demandons de bien vouloir, en guise de désert, trancher notre melon en trois parts, et d'en garder une, pour elle et le cuisiner. Elle consulte avec ce dernier, puis accepte.

Comme remerciement, ils nous offrent du sushi au thon et au tartarte accompagné de soupe miso. Une agréable surprise. Semez du piquant et du sucré et vous récolterez une tempête de bon manger, ou la pêche au daurade par crevette appâtée.

samedi 18 août 2012

Voir du pays

Ce lundi, bien accompagné de mon cinquante pour cent tout en douceur, alias ma douce moitié, c'est en train shinkansen à grande vitesse je me dirigerai vers la préfecture de Niigata, à la découverte d'Échigo Tsumari, une exposition d'art triennale, aux sites répartis à l'échelle régionale, qui s'annonce pas mal, pas banale, pas bancale.

Je l'ai dit et je le répète : ne serait-ce qu'un temps, s'échapper de la routine c'est se dégourdir l'esprit, s'exiler de la mégalopole c'est se décrasser par un vent de fraîcheur, figuré comme littéral dans ce cas-ci, car là où nous irons, les températures sont plus clémentes qu'en ville actuellement suffocante.

Ce sera mon premier séjour dans cette préfecture. Peu importe l'endroit ou l'expérience, la première fois est toujours spéciale.

Cela m'a d'ailleurs poussé à créer une carte personnalisée du Japon, qui m'a permis de comprendre que, si certes j'ai déjà vu du pays, il me reste beaucoup à faire. Lundi, c'est une préfecture de plus qui entre dans le giron pitresque.

Rouge : j'y ai passé une nuit, au moins.
Vert : Tokyo, seule préfecture où j'ai vécu.
Bleu : visitée, sans y dormir.
Jaune : Niigata.
Ne sont pas incluses les préfectures par lesquelles
je n'ai fait que transiter. Ça serait tricher.

mardi 14 août 2012

Sudorenfer

Il existe la sueur du déplacement, et celle de l'immobilité, dans les journées chaudes au point où être en vie suffit pour que sur notre corps elle ruisselle.

Aujourd'hui était propice à cette sueur de l'immobilité, malgré la brise qui traversait mon logement. Quel déplaisir, bienvenue la climatisation.

Je me suis tout de même rendu chez mon amie Tomoko, à environ huit kilomètres de vélo. Une sueur bien sûr au rendez-vous, mais une sueur d'action, de mouvement, d'activité physique. Une suée de cause à effet.

samedi 11 août 2012

L'évangile selon

Il s'appelait Mathieu, mais tout le monde le surnommait par son nom de famille. Il faisait partie de la gang des skateux du secondaire, plus cool que moi, qui s'en crissaient plus que moi. Dans la hiérarchie des spots de la place d'accueil, ils s'arrogeaient certaines des meilleures tables.


Souvent à la pause du midi, il allait se rougir les yeux à un endroit jugé sûr près de l'école. Il en revenait ralenti, les écouteurs aux oreilles, attendant paresseusement la reprise des cours.

Je ne l'ai jamais côtoyé de près, je ne lui ai même pas adressé la parole si souvent, mais je me souviendrai toujours d'un moment de grandeur de sa part.

C'était le temps des sucres. Dehors, sur lit de glace concassée on offrait de la tire d'érable. Depuis la place d'accueil nous parvenait la voix insupportable d'un animateur quétaine nous exhortant à vivre l'esprit de la saison, sur fond de musique traditionnelle.

Mathieu s'était levé pour tranquillement se diriger vers les haut-parleurs transmettant ce vacarme. Une fois débranchés et le calme revenu, il avait regagné à sa place, comme si de rien n'était. Une bonne dizaine de minutes s'était probablement écoulée avant que les responsables, ayant découvert le sabotage, aient rebranché le système acoustique. J'étais émerveillé par son effronterie.

Du front tout le tour de la tête, ce Mathieu.

vendredi 10 août 2012

Rhésus

La montée tortueuse vers le sommet, maintenant à pas de tortue, lentement devient torture.  

Maintiens le rythme, c'est la clé. Je m'encourage, il faut bien. Le mental flanche bien avait le musculaire. La volonté de continuer, c'est dans la cervelle que ça se passe. On dit entêtement, après tout, pas enjambement.

Soudain, à un jet de pierre devant, une famille de quatre ou cinq macaques traverse l'étroit sentier. Je fige, tandis que surgit le souvenir de l'infâme sanglier nocturne qui naguère a voulu m'estropier. Et si ces primates avaient la rage? Et s'ils ne demandaient pas mieux que d'enfoncer leurs crocs dans ma peau, rendue alléchante par une marinade montagnarde à la sueur? Ils sont maintenant de biais. Aux aguets, je les épie.

Occupés à brouter, de leurs soucis mon existence est le cadet. C'est à peine s'ils m'accordent un coin d’œil. J'émets des bruits qui j'imagine détonnent de leur quotidien pour qu'ils se tournent vers moi, le temps d'une photo. Drôle d'oiseau, qu'ils ont dû penser, avait de me rayer à nouveau de leur courte liste de préoccupations.

Je reprends ma marche ascendante. Drôle d'oiseau en effet, ce primate qui progresse à pas de tortue.


jeudi 9 août 2012

Scarabéidé

J'ai chaud. La sueur perle sur mon front. Il est tard, sans être frais.

Elle prend une petite serviette accrochée sur la corde du balcon. Elle m'éponge le visage, puis elle pousse un cri perçant.

Un gros scarabée vert est accroché à la serviette. Affolée sur le coup mais reprenant rapidement son calme, elle le saisit puis le sort par la porte patio.

L'évacuation accomplie, elle finit de me déperler la transpiration.

lundi 6 août 2012

Coup solaire

Un chapeau oublié
Du soleil implacable
Une nuque exposée
Peau qui part en plaques

jeudi 2 août 2012

Ligneux

Je descends péniblement. Mes jambes me font mal, particulièrement au niveau des cuisses. Plus de mille cinq cents mètres de dénivellation abrupte déjà parcourus, je suis magané. Chaque pas nécessite des efforts douloureux, je me sens comme un petit vieux. Monter m'est de toute évidence beaucoup moins ardu que descendre.

Je m'imagine presque y être, au moment où une pancarte fracasse mon espoir en m'indiquant qu'il me reste une bonne vingtaine de minutes à parcourir. Si jusqu'alors je parvenais à parcourir un tronçon donné en deux tiers ou même la moitié du temps indiqué, cette fois ce sont bel et bien vingt minutes de torture qui m'attendent.

Dans le dernier droit, la douleur, tout comme l'espoir d'arriver bientôt, atteignent leur paroxysme. Je rêve à mon arrivée, et l'écroulement au sol que la fin d'un tel effort devrait provoquer. Dans cette distance finale, j'aperçois de petits panneaux accrochés à divers arbres pour en indiquer le nom.

Une vive pensée me secoue. J'm'en fous du nom des arbres. Tout ce qui m'importe à présent, c'est l'arbre de transmission de l'autocar qui me ramènera à bon port.

Aujourd'hui, les jambes endolories, l'arbre que j'ai préféré ne contribuait pas à transmettre l'énergie du moteur aux roues. Ses branches m'ont permis de m'accrocher à la vie lorsque j'ai perdu pied.